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Les banques systémiques, mastodontes aux pieds d’argile?

AFP|Publié le 20 mars 2023

Les banques systémiques, mastodontes aux pieds d’argile?

Le rachat par UBS visait à «assurer la confiance», selon le président de la Confédération helvétique, Alain Berset, avant que la déroute financière ne se traduise en crise de liquidités. (Photo: Getty Images)

Paris — Le rachat par UBS de Credit Suisse, une banque trop grosse pour faire faillite, a remis sur le devant de la scène la difficulté à sauver des établissements dits «systémiques» en crise.

L’annonce des autorités suisses durant le week-end n’a d’ailleurs pas totalement rassuré les marchés, témoignant de la grande fébrilité du système financier face aux secousses.

Qu’est-ce qu’une banque systémique?

Credit Suisse faisait partie des 30 plus grosses banques systémiques, aussi appelées too big to fail («trop grosses pour faire faillite»), selon le Conseil de stabilité financière, organisme mis en place au lendemain de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers pour superviser les réformes internationales du système financier.

Les françaises BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE sont dans cette liste, aux côtés par exemple de l’américaine JPMorgan, de la britannique Barclays, de l’allemande Deutsche Bank ou encore de l’espagnole Santander.

Ces établissements ont une taille et une imbrication telles qu’une brusque disparition aurait des conséquences dévastatrices pour le système financier dans son ensemble et in fine sur l’économie réelle, que ce soit les ménages ou les entreprises.

Le problème, pour Thierry Philipponnat, chef économiste de l’ONG Finance Watch, est qu’«aujourd’hui, toutes les banques sont devenues systémiques», les autorités se voyant obligées d’intervenir tous azimuts à la moindre secousse.

Pour preuve, les faillites survenues ces dernières semaines aux États-Unis dans des banques régionales ont nécessité l’action des pouvoirs publics pour éviter que la panique ne se propage, avec un succès mitigé.

Pourquoi fallait-il intervenir sur Credit Suisse?

Depuis deux ans, la deuxième banque suisse va de scandales retentissants en revers et a eu soudainement du mal à accéder à des liquidités à des prix raisonnables.

La faillite de SVB aux États-Unis, pour des raisons spécifiques, a ravivé les craintes pour le secteur bancaire en général puis, mercredi, la Saudi National Bank, premier actionnaire de Credit Suisse a créé la panique en déclarant dans une interview qu’elle ne voulait «absolument pas» soutenir la banque en montant davantage au capital.

Si les réserves de l’établissement n’étaient pas mauvaises, ce rachat par UBS visait à «assurer la confiance», selon le président de la Confédération helvétique, Alain Berset, avant que la déroute financière ne se traduise en crise de liquidités.

Selon le Financial Times et Blick, les clients de la banque ont retiré 10 milliards de francs suisses en une seule journée en fin de semaine dernière.

Quelles leçons tirer?

Si le rachat du numéro deux bancaire suisse par le numéro un, fortement encouragé par les autorités, était «probablement la solution la plus évidente» à court terme, sur le temps long, des questions se posent.

«Faire des banques encore plus grosses, ça ne fait que multiplier ce phénomène d’aléa moral», où les dirigeants et investisseurs ne sont pas incités à adopter une gestion rigoureuse sachant que les établissements seront sauvés de toute façon, selon M. Philipponnat, qui évoque «une espèce de fuite en avant».

«Pas sûr que ce soit le modèle le plus efficace sur le moyen et long terme», acquiesce Véronique Riches-Flores, économiste du cabinet RichesFlores.

Par ailleurs, Credit Suisse satisfaisait au critère de solvabilité, contrairement aux banques américaines passées sous le radar de la régulation du fait de leur taille modeste.

Face à une crise de confiance, l’expérience montre donc que toutes les mesures mises en place depuis 2008 — et elles ont été nombreuses — ne pèsent pas bien lourd.

Critiquant les propos se voulant rassurants de la Banque centrale européenne, Mme Riches-Flores juge qu’une «étincelle peut rapidement créer une succession de réactions en chaîne que personne ne sait mesurer ou anticiper».

Elle rappelle ainsi que la crise de Credit Suisse a été provoquée dans un contexte de fragilité de certains acteurs américains, avec lesquels l’établissement suisse n’avait pourtant aucun lien.