Concernant l’avenir, les gestionnaires conseillent la patience. (Photo: 123RF)
L’année a été brutale pour les obligations à rendement élevé et celles des marchés émergents avec la pression sans relâche exercée par la hausse des taux d’intérêt combinée à un affaiblissement des économies émergentes, qui ont mis sous pression les fonds spécialisés dans ces catégories d’actifs.
Malgré ces difficultés à court terme, Frank Gambino et David Nava, gestionnaires aguerris qui supervisent le Fonds d’obligations mondiales à rendement élevé RBC F (2 étoiles, coté Or, 3,3 milliards de dollars d’actifs sous gestion, également disponible en série D), affirment qu’en dépit de l’incertitude des conditions actuelles, il semble que les perspectives seront meilleures dans 9 à 12 mois.
« L’année a été dure pour les obligations en général, dit Frank Gambino, vice-président et gestionnaire de portefeuille principal, revenu fixe mondial et devises auprès de la société torontoise RBC Gestion mondiale d’actifs (RBC GMA). Quand on regarde le marché des obligations à rendement élevé, il est en baisse de 11 % au 15 septembre. Les obligations des marchés émergents ont baissé d’environ 19 %. En fait, c’est simplement que les taux d’intérêt ont augmenté au début de l’année. Il y a eu des années d’inflation élevée. La Réserve fédérale américaine est déterminée à resserrer les conditions financières, ce qui a créé une assez importante volatilité des taux d’intérêt sur les marchés. »
Les craintes de défaillances et les attentes inflationnistes
Alors que les conditions ont commencé à se resserrer, on a eu peur d’un ralentissement économique, ajoute le vice-président, qui a 32 ans d’expérience dans le domaine et qui est entré à RBC en 1996 et à RBC GMA en 2001. « Essentiellement, les taux augmentaient et les écarts entre les obligations à rendement élevé et les bons du Trésor en faisaient de même. Ce dont on avait le plus peur, c’était de l’inflation et de l’incapacité de la Fed à la contenir. On s’inquiétait alors d’un ralentissement de l’économie, de la compression des bénéfices et de la soi-disant qualité maximale du crédit. Cela a fait monter les attentes de défaillances, du moins sur le marché des obligations à rendement élevé, mais les taux d’intérêt affectent toutes les catégories de placements à revenu fixe. »
Du côté des obligations à rendement élevé, l’année a commencé par un écart, ou différentiel, de 300 points de base (pdb) entre ces obligations et la courbe des taux d’intérêt. Bien que cet écart soit allé jusqu’à 600 pdb, il est de nos jours de 477. Actuellement, le rendement à l’échéance de l’indice Bank of America Merrill Lynch High Yield Master, qui sert de référence, est de 8,57 %. Pour sa part, les obligations du Trésor américain sur cinq ans rapportent 3,62 %.
Ce mouvement haussier a porté atteinte à la performance du fonds, alors que les hausses de taux et les performances allaient dans des directions opposées. Du début de l’année au 19 septembre, la catégorie Revenu fixe à rendement élevé a eu un rendement de -9,70 %, alors que celui du Fonds d’obligations mondiales à rendement élevé F a été de -16,14 %. Quant au plus faible rendement possible des obligations pour une échéance avancée, il a été pour le fonds de 7,78 %.
À plus long terme, le comportement du fonds a été meilleur. Sur 10 et 15 ans, il a eu respectivement un rendement annualisé de 2,25 % et 4,83 %. En comparaison, ceux de la catégorie Revenu fixe à rendement élevé ont été de 2,75 % et 3,64 % pour les périodes correspondantes.
Cette comparaison est en partie injuste parce que le fonds est dans le même groupe que d’autres qui n’investissent pas dans les marchés émergents, catégorie d’actifs dont le rendement récent a été mauvais, dit David Nava, gestionnaire principal de portefeuille, revenu fixe mondial et devises à RBC GMA, qui a 25 ans d’expérience dans l’industrie et qui est entré à la firme en 2004, après avoir obtenu un MBA à l’école de gestion Rotman.
Une tempête parfaite de problèmes commerciaux, de COVID et d’inflation
La hausse des taux d’intérêt est une des composantes de la pression à la baisse qui s’exerce sur les obligations des marchés émergents, dit le gestionnaire de portefeuille. « En février, la Russie a envahi l’Ukraine, et cela s’est ajouté aux problèmes déjà existants en provoquant des perturbations du commerce mondial. À partir de là, une tempête parfaite s’est déchaînée et la Fed est devenue plus agressive que jamais. La Chine est l’autre ingrédient négatif avec une économie qui a ralenti plus que l’on s’y attendait. D’habitude, les pays émergents obtiennent l’aide d’une Chine stable et en croissance. Ça n’a pas été le cas cette année parce que la COVID-19, bien qu’elle ne soit pas un gros problème en Chine, a gardé le pays sur la défensive et que la Chine n’a pas su stimuler son économie. »
Il est très difficile de savoir si le marché a intégré toutes les mauvaises nouvelles, dit Frank Gambino. « La Fed est déterminée à atteindre sa cible de 2 % d’inflation, et de toute évidence les taux directeurs ont l’air de continuer à grimper, donc le marché s’attend à une autre augmentation des taux, qui pourront aller jusqu’à 4,25 %. Nous pourrions nous retrouver dans un environnement où l’on continuera à s’orienter vers des taux plus élevés, et potentiellement à un resserrement des conditions financières. Cela devrait conduire à un ralentissement de l’économie et à un élargissement des écarts. Je ne pense pas que nous ayons complètement intégré toutes les augmentations des taux. »
Les possibilités de hausses-surprises
La pire situation possible, affirme Frank Gambino, pourrait être des augmentations de taux plus élevées que prévu, qui conduiraient à un resserrement des conditions et à une récession. « Dans le passé, les écarts ont été encore plus grands, et pour ce qui est des obligations à rendement élevé, elles ont déjà été supérieures de 900 pdb ou plus à celles des bons du Trésor. Mais ce n’est pas notre scénario de base. » Le résultat le plus probable, dit-il, est que les écarts s’élargiront un peu plus et que les rendements augmenteront un peu. « Les écarts pourraient aller jusqu’à 600 pdb et les rendements jusqu’à 9 %. Cela créerait une certaine pression à court terme, mais devrait être positif pour la performance à long terme du fonds. Voilà comment nous voyons les choses : nous pensons en termes de périodes d’un, deux et trois ans, et gérons le portefeuille en conséquence. »
Les années négatives sont rares
Le vice-président affirme que la situation pourrait commencer à s’améliorer au cours des prochains mois, puisque beaucoup de dégâts se sont déjà produits sur le marché des obligations à rendement élevé. « Les valorisations deviennent plus attrayantes. Nous parlons d’un marché des obligations à rendement élevé qui est d’une excellente qualité, et les données techniques le favorisent dans la mesure où l’offre est limitée. Il est toutefois important de se rappeler que si l’on regarde le marché des obligations à rendement élevé sur ces quelques 30 dernières années, il n’y a eu que sept années négatives, donc très rares, et habituellement suivies d’années positives. J’entretiens l’optimisme prudent qu’à un moment ou à un autre les rendements seront bien meilleurs, très probablement en 2023. »
Pour sa part, David Nava maintient que le plus gros des mauvaises nouvelles avait été digéré par le marché. Les écarts dans les marchés émergents sont de 494 pdb et le rendement de l’indice de référence (le JPMorgan Emerging Market Global Bond Index Diversified) est de 8,55 %. Sur les 15 ou 20 dernières années, ce sont des niveaux proches des pics atteints dans le passé. Je m’attends à ce que les rendements et les écarts se stabilisent à ces niveaux et redescendent peu à peu, peut-être pendant la première moitié de 2023. »
Acheter plus de titres des marchés émergents
D’un point de vue stratégique, les gestionnaires font pencher le portefeuille vers les obligations des marchés émergents, puisqu’ils représentent près de 58 % du fonds, alors que les obligations à rendement élevé en représentent 40 % (le point de départ du fonds a été une combinaison à 50 % des deux catégories d’actifs). « Les valorisations en sont plus attrayantes que celles à rendement élevé, dit David Nava. Nous nous concentrons sur des pays qui ont des valorisations plus attrayantes. Dans l’univers des marchés émergents, j’ai l’éventail complet de la qualité, de très élevée à très faible. En général, quand on les combine toutes, les obligations des marchés émergents sont plus attrayantes que les obligations à rendement élevé. » Le gestionnaire de portefeuille ajoute que puisque les marchés émergents se sont sous-classés l’année passée, il a profité d’une faiblesse de leurs prix par rapport à ceux des obligations à rendement élevé. « Nous examinons les choses dans une perspective d’un, trois et cinq ans, et nous nous attendons donc à des gains dans ces positions. »
La cote de qualité moyenne du crédit pour le portefeuille, qui est constitué de plus de 450 obligations, est de BB, c’est-à-dire au-dessous de la qualité supérieure (une cote de BBB et plus est classée dans cette dernière catégorie). Les cinq plus importants pays émergents du portefeuille sont le Mexique (3 % du portefeuille au 30 juin), l’Indonésie (2,2 %), la Colombie (2 %), la République dominicaine (2 %), et l’Arabie saoudite (2 %).
Des cotes et des rendements élevés avec les BCRL
Dans la catégorie des titres à rendement élevé, un exemple représentatif est ce qu’on appelle les billets de capital à recours limité (BCRL), émis par les banques canadiennes. « Ils sont cotés de qualité supérieure dans la plupart des cas, et leur risque de défaillance est assez bas, mais ils se négocient à des rendements élevés. En moyenne, ils rapportent de 6,25 % à 7,25 % », dit Frank Gambino, notant que la plupart des BCLR ont une cote de BBB, une échéance de 60 ans, et sont réinitialisés tous les cinq ans.
Les principaux choix d’obligations à rendement élevé
Parmi les autres titres, il y a les obligations émises par Medical Properties Trust (MPW), une fiducie de placement immobilier qui possède et loue des hôpitaux dans le monde entier. « Elle est très bien cotée, de Ba1 à BBB, et a le potentiel de combler le fossé entre les obligations à rendement élevé et celles qui sont de qualité supérieure. » Les obligations rapportent entre 7,25 % et 7,50 %.
Du côté des marchés émergents, David Nava cite une obligation datée 2044 émise par la République dominicaine, qui est cotée BB — et rapporte 8,59 %. « Elle a un profil de croissance solide et récupère bien de la COVID-19, et le tourisme est de retour. Les niveaux d’endettement du pays diminuent, il a un ratio dette/PIB de 51 %, et la situation est en train de s’améliorer. »
Une autre obligation des marchés émergents est une émission d’Oman datée 2047, cotée BB — et rapportant 7,91 %. « Le pétrole est une grosse partie de ce que produit le pays, mais il est en train de se diversifier, dit le gestionnaire de portefeuille. Il y a dix ans, le pétrole représentait 50 % de son économie, et ce chiffre n’est que de 30 % actuellement. Pour moi, ce qui est attrayant, c’est qu’Oman a utilisé le produit de sa production de pétrole pour rembourser sa dette, et nous y gagnons un rendement de 7,91 %. »
Concernant l’avenir, les gestionnaires conseillent la patience. « Il y a des périodes de sous-classement et de surclassement, mais avec le temps elles s’équilibrent », dit Frank Gambino. « Maintenant que le marché des obligations à rendement élevé a baissé de 11 %, que les rendements ont grimpé autant que nous l’avons vu et qu’il y des chances que les écarts continuent de s’agrandir, je suis beaucoup plus optimiste. » Qui plus est, la qualité du marché est la meilleure qu’il ait jamais vue. « La qualité de l’indice est élevée et il y a une assez grande pénurie d’obligations. Globalement, le marché est en train de se rétrécir, et avec de meilleures valorisations et puisque l’année a été mauvaise jusqu’à présent, je suis optimiste pour 2023.