L’incertitude freine les investissements des entreprises
Pierre Cléroux|Édition de la mi‑octobre 2019EXPERT INVITÉ. Leur inquiétude amène les entreprise à investir dans un horizon à plus court terme et à moindre coût.
EXPERT INVITÉ. Il y a d’abord eu les incertitudes liées à une nouvelle entente de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Puis, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine qui a entraîné l’escalade des droits de douane sur une multitude de produits échangés entre ces deux pays. Les relations économiques entre le Canada et la Chine se sont aussi détériorées ces derniers mois. Sans oublier l’éternelle saga du Brexit, à laquelle s’ajoute maintenant le spectre d’une destitution du président américain Donald Trump.
Voilà autant de tensions politiques et commerciales qui, on le voit aujourd’hui, inquiètent les dirigeants d’entreprises et freinent leurs investissements, tant au Canada que chez nos voisins du Sud. D’autant plus que nous en sommes probablement à la fin d’un long cycle économique, ce qui mine aussi la confiance des entreprises envers la future croissance de l’économie mondiale et canadienne. Seule exception au tableau : les entrepreneurs québécois qui, sans doute motivés par la performance économique supérieure de la province par rapport à celle du Canada, sont plus optimistes et continuent d’investir.
En fait, il ressort de sondages effectués par la BDC auprès des entrepreneurs que les entreprises canadiennes réduisent principalement leurs investissements en matériel, comme la construction ou l’agrandissement de bâtiments, ou encore les dépenses en machinerie et en équipements. Par ailleurs, les entreprises continuent d’embaucher, et les investissements dans des ressources immatérielles, comme la formation de la main-d’oeuvre ou encore l’achat de logiciels et autres technologies des communications, ont davantage la cote. Leur inquiétude les amène donc à investir dans un horizon à plus court terme et à moindre coût.
Facteur essentiel de croissance
Certes, l’activité économique reste assez vigoureuse, comme le montre la croissance du PIB depuis le début de l’année et le taux de chômage qui a glissé ces derniers mois à des niveaux historiquement bas, entraînant du même coup une pression à la hausse sur les salaires. D’ailleurs, heureusement, la confiance des consommateurs demeure élevée et leurs dépenses constituent d’alimenter l’économie.
Cependant, l’investissement des entreprises est aussi un élément essentiel de la croissance de l’économie canadienne. Selon la Banque du Canada, les efforts faits par les entreprises pour augmenter leur productivité par des investissements ont ajouté près de 180 milliards de dollars à la croissance de l’économie en 2018 !
De plus, des études de la BDC montrent que les entreprises qui investissent davantage ont une croissance plus solide et génèrent plus de bénéfices. En augmentant notamment leurs dépenses consacrées à des actifs productifs, elles accroissent leur productivité, innovent davantage et sont en mesure de payer des salaires plus élevés. En clair, plus un entrepreneur investit dans son entreprise, plus celle-ci devient concurrentielle et meilleure s’en trouve l’économie.
Or, à l’ère du virage vers l’usine 4.0 et dans le contexte d’une sévère pénurie de main-d’oeuvre qui affecte un très grand nombre d’entreprises de tous les secteurs d’activité, la réduction des investissements en équipements, notamment en vue d’améliorer la productivité, n’est pas une bonne nouvelle.
La situation pourrait même nous amener vers une récession. Ironiquement, les seules craintes et incertitudes liées à l’intensification des conflits politiques et commerciaux pourraient finalement donner raison à ceux qui s’inquiètent justement d’une éventuelle récession. Plus les entrepreneurs sont inquiets, moins ils investissent, et moins ils investissent, plus grands sont les risques d’un ralentissement de l’économie.