«Nos racines sont au Québec», dit la PDG de la Laurentienne
La Presse Canadienne|Publié le 16 Décembre 2021La Laurentienne s’est donné l’objectif, notamment, d’accroître la taille de son portefeuille de prêts commerciaux aux États-Unis, qui passerait de 14% à plus de 18% des prêts en 2024. (Photo: La Presse Canadienne)
La Banque Laurentienne demeure une société québécoise et le nouveau plan stratégique de l’institution financière ne changera rien à cette appartenance, assure Rania Llewellyn, sa présidente et chef de la direction.
«Nos racines sont au Québec et notre siège social reste à Montréal, a dit la dirigeante dans une entrevue avec La Presse Canadienne quelques jours après le dévoilement de son nouveau plan stratégique. Près de 50% de nos employés sont au Québec.»
Mme Llewellyn a été embauchée en octobre 2020, pour redonner un élan à la banque montréalaise en perte de vitesse. Cette nomination en fait une pionnière à titre de première femme, immigrante de surcroît, à la tête d’une banque canadienne (l’ex-dirigeante du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, dirigeait une coopérative financière).
Le fait qu’elle a fait carrière à Toronto, où elle réside toujours, et qu’elle ne parlait pas français au moment de sa nomination a toutefois soulevé des inquiétudes quant à un éventuel exode d’une institution financière montréalaise.
Le plan stratégique ne prévoit pas une diminution du caractère québécois de la banque, juge Mme Llewellyn. «Ce qui est bon pour la Laurentienne est bon pour le Québec. Plus nous prenons d’expansion, plus ce sera fantastique pour le Québec.»
La Laurentienne s’est donné l’objectif, notamment, d’accroître la taille de son portefeuille de prêts commerciaux aux États-Unis, qui passerait de 14% à plus de 18% des prêts en 2024. Le poids du portefeuille commercial au Québec demeurerait relativement stable, passant de 46% à 45%. «Nous voulons aussi croître ailleurs au Canada, mais le Québec demeure notre plus grand et important marché.»
La banque a aussi annoncé en novembre qu’elle réduirait de 50% ses espaces de bureau à Montréal, mais elle le fera aussi dans ses deux autres bureaux à Toronto et Burlington. Il ne faut pas y voir une diminution de l’importance des effectifs au Québec, précise-t-elle. «C’est vraiment pour nos employés qui nous ont dit qu’ils voulaient travailler pas plus de deux ou trois jours par semaine au bureau. Nous voulions leur offrir plus de flexibilité.»
Les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), que ce soit dans ses activités ou dans son offre de produits et services, est une part importante du plan stratégique. «Sur les critères ESG, on s’aligne bien avec les valeurs des Québécois.»
La Banque Laurentienne a annoncé, vendredi dernier, qu’elle ne financera plus les activités dans le secteur du pétrole, du gaz et du charbon. La décision n’a pas d’impact financier sur l’institution, car ces secteurs représentaient moins de 1% de son portefeuille de prêts commerciaux, mais il offre un argument de vente qui pourrait attirer une plus jeune clientèle.
Des cours de français
Lors de sa nomination, Mme Llewellyn avait promis d’apprendre le français. Lors d’une entrevue en anglais, elle dit continuer de suivre des cours avec un tuteur privé. La dirigeante qui a vécu au Koweït et en Égypte avant d’immigrer au Canada au début des années 1990 souligne que l’anglais n’est pas sa langue maternelle.
La présentation d’une allocution entièrement en anglais par le PDG d’Air Canada, Michael Rousseau, qui avait dit ne pas voir l’utilité d’apprendre la langue, avait soulevé une vague d’indignation au début du mois de novembre.
Pour sa part, Mme Llewellyn affirme comprendre l’importance qu’a la langue française pour les Québécois. «J’ai vécu dans différents pays et je comprends que, lorsque vous êtes dans la cour de quelqu’un, vous devez comprendre ce qui est important pour eux. Oui, je comprends pourquoi, c’est important et je suis déterminé à améliorer mon français.»
Des objectifs réalistes?
Les investisseurs ont bien réagi au dévoilement de la stratégie vendredi dernier. Avec son plan, la Laurentienne veut générer une croissance de son bénéfice ajusté par action de plus de 5% au cours de l’exercice 2022. Elle espère atteindre un rythme de 7% à 10% à moyen terme.
Pour y parvenir, la banque devra rattraper son retard technologique dans ses activités de détail qui sont une source d’irritants pour les clients. Le précédent plan stratégique dévoilé par son prédécesseur en 2015 n’avait pas donné les résultats escomptés. En lançant son application mobile en sept mois, la nouvelle direction a démontré qu’elle est capable de corriger le tir, dit Mme Llewellyn.
Meny Grauman, de Banque Scotia, croit que l’absence d’objectifs «tape à l’œil» est une bonne nouvelle en soi. «La Laurentienne a un historique de dévoiler des cibles ambitieuses qu’elle est incapable d’atteindre, c’est pourquoi nous saluons ces cibles, même si elles ne sont pas excitantes, commente l’analyste dans une note publiée lundi. L’important pour nous est qu’elles soient atteignables et qu’elles pourraient même être surpassées.»