« G4S est désormais une cible plus facile », avec un cours de Bourse tombé au plus bas en 16 ans au printemps.
Ses agents ont travaillé dans nombre de prisons, un chantier de centrale nucléaire et même à Guantánamo. Malgré une série de scandales récents, le groupe britannique G4S (GFS), qui se présente comme la première entreprise de sécurité au monde, fait l’objet de toutes les convoitises.
Peu connue du grand public, cette multinationale, dont le siège est à Londres, déploie pourtant ses vigiles et autres gardiens à travers le monde au service de gouvernement ou d’entreprises.
Affaiblie par l’impact de la crise sanitaire, elle est désormais une proie aux yeux de ses concurrents, qui misent sur l’avenir radieux du marché de la sécurité face aux nombreuses menaces en tout genre.
G4S est un mastodonte de 533 000 salariés dans 85 pays, pour un chiffre d’affaires annuel de près de 8 milliards de livres (environ 14 milliards de dollars canadiens), avec une énorme présence aux États-Unis et en Asie.
Au Royaume-Uni seul, un pays qui sous-traite au privé une grande partie du secteur public, il gère quatre prisons, 21 centres de tests contre la COVID-19 ou encore la sécurité du chantier titanesque de la centrale nucléaire d’Hinkley Point.
« Nous aidons les gens à vivre et travailler dans des environnements sûrs », résume sobrement sur son site internet le groupe fondé en 1901 au Danemark.
Mais G4S se retrouve désormais au cœur d’une bataille boursière qui fait les gros titres de la presse financière au Royaume-Uni.
Offres opportunistes ?
Depuis plusieurs mois, le groupe est courtisé avec insistance par le canadien GardaWorld, un concurrent prêt à avaler sa proie britannique, pourtant plus grande que lui. Mercredi, il a abattu sa dernière carte avec une offre revalorisée qui atteint désormais 3,7 milliards de livres, à laquelle G4S n’a pas encore répondu.
Le britannique et son patron Ashley Almanza ont jusqu’à présent refusé fermement toutes les avances, estimant le prix proposé trop bas et les offres « opportunistes ».
Comme pour faire monter les enchères, le groupe a pris soin de préciser être toujours en discussions avec un autre prétendant, l’américain Allied Universal, même si son offre de 3,25 milliards de livres a été repoussée.
Pour Russ Mould, analyste chez AJ Bell, « G4S est désormais une cible plus facile », avec un cours de Bourse tombé au plus bas en 16 ans au printemps et la cession en début d’année de ses activités de transports de fonds, sauf au Royaume-Uni, à l’américain Brink’s.
De son côté, GardaWorld promet un nouveau départ pour G4S, en écho aux nombreuses controverses autour du britannique.
« Malgré ses problèmes passés et son avenir incertain, nous croyons que nous pouvons reprendre en main l’entreprise », a assuré Stéphan Crétier, directeur général du canadien.
G4S est habitué des scandales et la liste est longue rien qu’au Royaume-Uni, où les pouvoirs publics lui ont longtemps fait confiance.
Guantánamo
Il avait en particulier décroché le prestigieux contrat pour assurer la sécurité des Jeux olympiques de Londres en 2012, mais n’avait pas prévu assez de personnel, ce qui a contraint le gouvernement à mobiliser l’armée.
Plus récemment, en 2018, le gouvernement avait repris au groupe la gestion de la prison de Birmingham, jugée « épouvantable » et qui avait débouché sur des émeutes.
L’an dernier, G4S avait décidé de ne plus être impliqué dans la prise en charge de l’immigration et de l’asile, après des révélations de la BBC sur des abus dans un centre de détention.
De même, G4S a écopé d’une amende de 44 millions de livres pour avoir surfacturé le ministère de la Justice pour des services de surveillance électronique de détenus.
Et à l’international et sous pression de militants des droits de la personne, il avait mis fin en 2014 à un contrat dans une prison israélienne en Cisjordanie, et avait vendu la même année une filiale qui assurait des services de nettoyage à Guantánamo.
Cette litanie de revers ne décourage pas les prétendants, séduits par les perspectives du marché.
« La sécurité est un secteur où la demande devrait rester forte du fait de la menace terroriste dans le monde et de l’endettement des gouvernements, qui limite leur capacité à investir dans leurs propres forces de police », résume M. Mould.