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Poursuivie par Bombardier aux États-Unis, Mitsubishi riposte

La Presse Canadienne|Publié le 29 janvier 2019

Mitsubishi est poursuivie par Bombardier aux États-Unis dans une affaire de vol présumé de secrets industriels.

Poursuivie par Bombardier aux États-Unis dans une affaire entourant un vol présumé de secrets industriels, Mitsubishi a décidé de riposter en déposant une demande reconventionnelle contre l’avionneur québécois.

Dans un document de 116 pages transmis au tribunal du district ouest de Seattle, lundi, le géant nippon demande principalement à la justice américaine d’obliger son rival à lui verser des dommages en raison de son comportement dans cette dispute en vigueur depuis plusieurs années. 

Selon Mitsubishi Aircraft Corporation America, Bombardier s’est adonnée à des «pratiques illégales» en se tournant vers les tribunaux, en octobre dernier, afin de freiner le développement et la certification de son avion de ligne MRJ.

Cet appareil, qui accumule les retards et dont l’entrée en service est désormais prévue en 2020, pourra transporter jusqu’à 90 passagers et concurrencer des avions de l’entreprise québécoise comme le CRJ.

«Nous croyons que depuis 2015, Bombardier a multiplié les efforts pour nous empêcher d’obtenir les ressources nécessaires, dont des employés avec du savoir-faire, pour travailler sur notre avion», a expliqué lundi un porte-parole de la société nippone, Jeff Dronen.

La somme réclamée n’a pas encore été précisée, puisqu’elle serait déterminée lors d’un éventuel procès. Elle pourrait toutefois inclure des revenus découlant des ventes de MRJ n’ayant pas été obtenus par Mitsubishi ainsi que les frais juridiques engendrés l’entreprise pour assurer sa défense. 

Simon Letendre, gestionnaire aux relations avec les médias et affaires publiques chez Bombardier, a affirmé lundi que l’entreprise québécoise défendrait «ses droits avec vigueur, notamment en tenant responsables MITAC, AeroTEC et les autres contrevenants». 

«La tentative de Mitsubishi Aircraft Corporation (MITAC) visant à faire passer le litige pour autre chose que la protection justifiée par Bombardier de sa propriété intellectuelle est malavisée et hypocrite. Les faits de ce dossier démontrent clairement une tentative illégale de MITAC d’obtenir et d’utiliser des secrets industriels de Bombardier pour accélérer la certification de son avion MRJ. Ce type de faute ne s’inscrit pas dans le cadre d’une concurrence loyale comme MITAC le prétend; elle est répréhensible et illégale», a indiqué le porte-parole par courriel.

Dans sa poursuite déposée en octobre dernier, Bombardier alléguait que certains de ses employés, dont plusieurs Québécois, avaient illégalement envoyé à Mitsubishi des documents contenant des secrets industriels pour ensuite aller gonfler ses rangs. La compagnie québécoise avait fait part de ses inquiétudes auprès de l’entreprise japonaise à plus d’une reprise depuis 2015, mais les deux parties n’ont pas été en mesure de trouver un terrain d’entente. 

Les allégations avancées dans la poursuite déposée par l’avionneur québécois en octobre dernier n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal.

Cette poursuite citait également Aerospace Testing Engineering Certification (AeroTEC), qui épaule le géant nippon dans le cadre du développement et de la certification du MRJ.

Les ex-travailleurs dont le nom figure dans la poursuite auraient transmis des documents concernant le processus de certification – qui permet d’obtenir l’autorisation auprès de Transport Canada et son pendant américain, la Federal Aviation Administration. La certification est essentielle pour les avions qui sont développés, car ce sont ces approbations des différentes instances qui permettent aux appareils de voler.

Mitsubishi affirme dans son document qu’elle n’est pas la seule à avoir voulu recruter des travailleurs qui se trouvaient chez un autre employeur, affirmant que Bombardier a déjà utilisé la même approche.

«Par exemple, lorsque Bombardier développait sa propre expertise (?) l’entreprise a recruté chez British Aerospace, qui était un chef de file», est-il écrit dans la demande.

Bombardier réclamait des dommages financiers qui n’avaient pas été précisés et demandait une injonction interdisant à Mitsubishi Aircraft et à AeroTEC d’utiliser les informations confidentielles ayant été obtenues grâce à d’anciens salariés.

Dans ses reproches, l’avionneur québécois affirmait que Mitsubishi avait organisé des foires d’emplois à proximité de ses installations en 2016, dont à Wichita, au Kansas, ainsi qu’à Montréal.

Or, réplique le géant japonais ces huit journées ont seulement permis d’embaucher 28 personnes, dont neuf ayant auparavant oeuvré chez Bombardier.

En décembre dernier, Mitsubishi avait déposé une requête afin que la poursuite initiale soit rejetée, alors que Bombardier tentait de son côté d’obtenir une injonction préliminaire contre le constructeur du MRJ. 

Dans les deux cas, le tribunal n’a pas encore tranché, mais la nippone a prévenu que peu importe ce qui sera décidé, elle a l’intention d’aller jusqu’au bout du processus dans le cadre de sa demande reconventionnelle. 

«Même si notre requête est acceptée, nous avons l’intention de continuer à aller de l’avant avec notre requête pour faire valoir nos arguments», a dit M. Dronen.

Mitsubishi est également l’un des nombreux fournisseurs de Bombardier, notamment en ce qui a trait à la fabrication des ailes des jets d’affaires Global 5000 et 6000.