EXPERT INVITÉ. Pour ceux qui doutent encore de la pertinence de tenir compte du comportement humain à la Bourse, ...
EXPERT INVITÉ. Pour ceux qui doutent encore de la pertinence de tenir compte du comportement humain à la Bourse, voici un autre exemple frappant.
Le 1er février, Weekend Unlimited, une entreprise du secteur du cannabis inscrite à la cote de la Bourse des valeurs canadiennes (CSE), a remporté le droit d’utiliser le symbole boursier « POT ». Quelque 40 organisations participaient à une loterie organisée par les principales places boursières canadiennes pour se mériter ce symbole tant convoité qui appartenait anciennement à Potash Corporation. En réaction à cette nouvelle, le cours de son action a grimpé de 134,78 %, pour clôturer la séance à 0,27 $ ! Comment peut-on expliquer pareil phénomène ?
Chaque entreprise cotée en Bourse est représentée par un symbole composé entre une et cinq lettres (ex. : C [Citigroup], RY [Banque Royale], MFC [Manuvie], MSFT [Microsoft], DISCA [Discovery]). Assurément, le symbole boursier n’est pas un critère d’évaluation judicieux lorsque vient le temps d’analyser le potentiel de rendement d’une action d’un point de vue fondamental (la qualité du bilan financier, la croissance des ventes, les compétences de l’équipe de gestion, etc.). Toutefois, des études démontrent qu’un symbole facile à prononcer ou original procure des avantages inattendus.
Des chercheurs de l’Université de Princeton ont découvert qu’un symbole facile à articuler (ex. : RAD [Rite Aid]) avait, en moyenne, un meilleur début en Bourse qu’un symbole plus difficile à prononcer (ex. : RDA [Reader’s Digest Association]) (1). De plus, entre 1984 et 2004, un portefeuille composé de titres ayant un symbole considéré comme original (ex. : BUD [Anheuser Busch], GRRR [Lion Country Safari], PUFF [Grand Havana Enterprises]) a généré un rendement annuel moyen de 23,6 %, comparativement à un rendement de 12,3 % pour un indice de référence hypothétique incluant tous les titres de la Bourse de New York et du NASDAQ (2).
La corrélation n’implique pas la causalité
Motivé par l’appât du gain, mais aussi pour satisfaire son besoin de contrôle, l’être humain recherche constamment de nouveaux trucs ou outils, ou bien de nouvelles méthodes d’analyse lui permettant de prévoir le comportement futur des marchés boursiers.
D’un point de vue statistique, deux événements peuvent être liés, c’est-à-dire que le résultat de l’un semble être la conséquence de l’autre. C’est ce qu’on appelle une corrélation. Cependant, il faut poser la question suivante : est-ce qu’il existe réellement une relation de cause à effet, c’est-à-dire une causalité ? Une étude effectuée par le professeur David Leinweber démontre bien ce point : entre 1983 et 1999, nous pouvons observer que la production de beurre au Bangladesh justifierait 75 % de la variation des rendements du S&P 500. Comme pour le symbole boursier, il est évident que cette donnée n’est aucunement liée à la performance boursière.
Malheureusement, les médias financiers utilisent à outrance ce genre d’indicateur. Par exemple, l’indicateur du baromètre de janvier tente de prédire la performance du S&P 500 en se basant uniquement sur le rendement enregistré lors du premier mois de l’année. En suivant la logique de ce type d’indicateur, si l’indice affiche un gain, il faudrait être optimiste alors qu’en situation de perte, il faudrait être pessimiste.
L’indicateur de l’édition maillots de bain du magazine Sports Illustrated est un autre exemple de sophisme boursier. Un mannequin d’origine autre qu’américaine en page couverture indiquerait un rendement positif pour le marché boursier de son pays sur une période de quatre ans. Pour certaines éditions antérieures, le résultat a malheureusement été impressionnant : en 1993, à la suite de la présence de Vendela Kirsebom en page couverture, l’OMX Stockholm, l’indice de référence suédois, a gagné 263 %(3) !
Je vous invite donc à adopter une démarche rigoureuse basée sur des nouvelles, des statistiques et des données qui sont pertinentes. De même, il peut être approprié de recourir au service d’un professionnel de la finance (courtier en valeurs mobilières, conseiller financier ou planificateur financier) afin de mieux naviguer dans un environnement où l’information superflue abonde. Ainsi, vous vous assurerez que votre projet de retraite confortable ne s’envole pas en fumée. D’ailleurs, c’est ce qui est récemment arrivé à Weekend Unlimited à la suite de son bond.
(1) Jennifer Valentino, «Does Stock by any Other Name Smell as Sweet ?» The Wall Street Journal, 28 septembre 2006.
(2) Alex Head, Gary Smith, Julia Wilson, «Would a Stock by any Other Ticker Smell as Sweet ?» The Quarterly Review of Economics and Finance, vol. 49, no 2, mai 2009.
EXPERT INVITÉ
Michel Villa est détenteur de la charte CFA, opérateur de marché, formateur et conférencier sur la Bourse. Il publie sur son site Web michelvilla.com.