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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

Dominique Beauchamp

Analyse de la rédaction

Que disent l’emploi et d’autres signaux pour la suite en Bourse

Dominique Beauchamp|Publié le 03 juillet 2020

Que disent l’emploi et d’autres signaux pour la suite en Bourse

Le chômage est plus élevé qu'avant les deux marchés haussiers débutant en 1982 et 2009 (Source: The Leuthold Group)

Encore une fois, les plus récentes données américaines sur l’emploi font réagir.

Les optimistes et les pessimistes y trouvent chacun des arguments pour valider leur thèse.

Les premiers soulignent que 4,8 millions d’Américains sont revenus au travail en juin au lieu des 3,2 millions prévus.

Mieux encore: le taux de chômage ajusté est aussi passé de 16,4% à 13,3%.

À leurs yeux, ces deux statistiques confirment la lente reprise de l’économie américaine qui se déconfine graduellement.

Le rebond des cas d’infection ce mois-ci dans plusieurs états du Sud ralentira ces progrès, mais ne déraillera pas la reprise puisque les gouverneurs préfèrent gérer la situation au lieu de re-confiner la population, font-ils valoir.

Pas sortis du bois

Les pessimistes, eux, rappellent que plus de 31,4 des 55 millions d’Américains ayant demandé l’assurance-chômage sont toujours sans emploi.

En fonction de la population en âge de travailler, cela représente un taux de chômage de 19,1%, précise Danielle DiMartino Booth, une-ex conseillère à la Réserve fédérale devenue auteur et conférencière.

«Ne croyez pas tout ce battage (sur les emplois récupérés en juin). L’emploi est encore 15 millions inférieur par rapport au niveau de février», note pour sa part l’économiste international de la banque européenne ING.

Plus inquiétant encore les pertes d’emplois permanentes (au lieu de temporaires) augmentent le plus (soit de 588 000 au seul mois de juin) depuis le début de la pandémie et atteignent 2,9 millions.

Le cumul des nouveaux prestataires d’assurance-chômage ont aussi légèrement augmenté à 19,3 millions, la semaine dernière, précise Liz Ann Sonders, stratège chez Charles Schwab.

Pendant ce temps, la Bourse américaine enfile les gains et le Nasdaq s’offre un nouveau sommet avant la fête nationale.

L’emploi, en tant qu’indice contraire

James Paulsen de The Leuthold Group explique cette contradiction par le fait que la Bourse produit ses meilleurs rendements lorsque le chômage est élevé puisqu’il ne peut que s’améliorer, et avec lui, alimenter les dépenses des consommateurs et des entreprises.

Chiffres à l’appui, le stratège du camp des optimistes rappelle que le S&P 500 a procuré un gain annuel plus généreux, d’au moins 25% historiquement, lorsque le taux de chômage dépassait la barre des 8%.

Le financier compare même la remontée boursière actuelle aux forts marchés haussiers débutant 1982 et en 2009, deux récessions qui ont aussi été marquées par un chômage de plus de 10%.

L’économie fait face à de sérieux problèmes – tout comme lors de la double récession de 1980 et 1982 et de la crise financière de 2008-09, reconnaît James Paulsen, mais ces récessions ont déclenché de longs marchés haussiers parce que le chômage ne peut que prendre du mieux après les récessions.

«Le taux de chômage élevé ne devrait pas faire fuir les investisseurs. Au contraire, ces derniers devraient apprécier le fort potentiel de rétablissement que recèlent les prochaines années et les efforts énergiques des autorités pour y parvenir», conclut-il.

D’autres plans d’aide

D’ailleurs, à quatre mois des élections américaines, les politiciens, incluant l’occupant de la Maison Blanche, discutent à nouveau du prolongement des programmes de soutien au-delà du 31 juillet.

Les démocrates et les républicains ne s’entendent toutefois pas sur ce que devrait contenir le prochain plan d’aide.

La Réserve fédérale n’a pas épuisé non plus les fonds de ses divers plans de prêts et de rachats de titres sur les marchés.

La banque centrale discute aussi avec le Trésor américain pour mettre sur pied un plan de crise conçu spécifiquement pour le secteur de l’immobilier commercial qui est aux prises avec des obligations financières et des baux qui complexifient l’aide que les autorités peuvent fournir.

En plus, comme il s’agit d’une crise sanitaire, les espoirs de vaccin gardent aussi les investisseurs engagés en Bourse. Deux vaccins potentiels débutent les essais cliniques déterminants de phase 3 ce mois-ci, indique Steve Herman, de la Federal & Drug Administration (FDA).

Quant à Charlie Bilello, fondateur et président de Compound Capital Advisors, il signale que 84 banques centrales ont réduit leur taux à ce jour en 2020.

Michael Hartnett, stratège en chef de Bank of America Securities, rappelle encore une fois que la Fed a acheté 2300 milliards de dollars d’actifs au cours des 16 dernières semaines. Cela se compare à la moyenne de 300 G$US lors de chacun des trois programmes de rachats de 2010, 2011 et 2012.

Après un trimestre historique, d’autres gains s’ensuivent historiquement (Source: Bank of America Securities)

Techniquement, l’élan boursier pourrait durer si l’on se fie au passé. Lorsque le S&P 500 s’apprécie de plus de 15% lors d’un trimestre (20,5% au deuxième trimestre de 2020), les probabilités d’autres gains sont de 100% pour les deux trimestres suivants et de 87,5%, pour les quatre trimestres suivants.

Pour ces trois épisodes depuis 1970, les gains moyens ont atteint 9,5%, 13,9% et 15,1% respectivement révèle un tableau produit par Ryan Detrick, stratège principal de LPL Research.

Bank of America Securities y va de ses propres données: après les cinq meilleurs trimestres de l’histoire pour la Bourse, le pétrole et les obligations de sociétés le trimestre suivant produit un gain moyen de 9% moyen pour le S&P 500 et le Nasdaq, de 6% pour le MSCI Monde, de 6% pour les obligations de sociétés de pacotille et de 3% pour les obligations de sociétés de première qualité. 

Espérons que la pandémie ne fera pas mentir ces annales boursières.

Par contre, à plus court terme, l’indicateur Bull/Bear de cette banque n’est plus en zone extrême d’achat pour la première fois depuis le 19 mars, indique le stratège en chef Michael Hartnett.

Lorsque cet indicateur passe au-dessus du signal d’achat de 2,0 les actions se sont appréciées plus modérément, de 3,2%, lors des 12 semaines suivantes, si l’on se fie aux 16 épisodes précédents.

Ce n’est pas surprenant après le meilleur rendement trimestriel de 20,5% pour le S&P 500 en 20 ans.