La Bourse de Moscou a entamé lundi une réouverture progressive avec la reprise, pour commencer, des échanges d'obligations d'État. (Photo: 123RF)
Moscou — Le marché des actions a repris partiellement jeudi à la Bourse de Moscou après un mois d’interruption, une réouverture très contrôlée après l’imposition de sanctions sans précédent par les Occidentaux pour l’intervention russe en Ukraine.
Lors de cette reprise partielle des cotations, avec seulement une trentaine d’actions disponibles, l’indice Moex, libellé en roubles, a ouvert en hausse de 10% avant de revenir à +4,4% à 7h00, heure du Québec, tandis que l’indice RTS, libellé en dollars, a ouvert en baisse de 4% avant de creuser ses pertes à -9% à 7h00.
Le 24 février, jour de l’entrée des troupes russes en Ukraine, la Bourse avait dévissé de plus de 30% et près de 190 milliards de dollars américains s’étaient évaporés en une journée. Elle avait décidé le 25 février de suspendre la plupart de ses activités.
Après un mois de fermeture par crainte d’un cataclysme boursier, la plus longue observée à cette date, la Bourse de Moscou a entamé lundi une réouverture progressive avec la reprise, pour commencer, des échanges d’obligations d’État.
Jeudi, les actions de 33 groupes ont été cotées, dont celles de grosses entreprises sous sanctions, telles que les plus grandes banques du pays, Sberbank et VTB.
Les autorités ont multiplié les mesures pour que la reprise jeudi ne soit pas trop rude, attendant une conjoncture favorable pour les matières premières, allouant 10 milliards $ US pour acheter des actions russes et interdisant les opérations d’étrangers dans un premier temps.
«Retour en URSS»
Timothy Ash, analyste de Blue Bay Asset, observe que les autorités russes ont mené un «effort concerté pour stabiliser les marchés et apaiser le sentiment de panique qui a accompagné l’effondrement du marché après le choc des sanctions extrêmes Selon lui, cette réouverture n’est qu’une “façade”, “les sanctions s’avérant vraiment douloureuses”.
«Les marchés financiers russes pourraient se stabiliser à court terme, en attendant les prochaines sanctions, mais peu d’étrangers voudront investir en Russie, car Poutine a fait de la Russie un déchet toxique», poursuit-il.
Pour la Russie «cela signifie moins d’entrées de capitaux, plus de fuites des capitaux des élites, des coûts d’emprunt plus élevés, des investissements plus faibles, une croissance plus faible, des prix plus élevés, un chômage plus élevé et un niveau de vie plus bas avec une énorme fuite des cerveaux».
Elina Ribakova, cheffe économiste adjointe de l’Institut international de la Finance (IIF), a pour sa part relevé que les indicateurs ne reflètent désormais plus la réalité, elle a affirmé qu’il s’agissait d’un «retour en URSS».
«Aucune vente à découvert et aucun ordre d’investisseurs étrangers ne sont autorisés. Les pseudomarchés de devises étrangères, d’actions (…) seront suivis de pseudorapports sur l’inflation et le chômage», a-t-elle commenté sur Twitter.
Seul point positif, cette réouverture partielle devrait permettre aux Russes auxquels il reste des liquidités d’investir dans ce qui est un des seuls remparts actuellement disponibles contre l’inflation galopante et à l’effondrement du rouble.
«Utiliser le marché comme un investissement à long terme est la bonne chose à faire», estime auprès de l’AFP Mikhaïl Ganeline, analyste chez Aton, affirmant que «les marchés se rétablissent tôt ou tard, tôt ou tard une sorte de stabilisation politique viendra».
«Il n’y a pas beaucoup d’opportunités d’épargne maintenant, la bourse est l’un des bons outils pour économiser», conseille-t-il.
«Mascarade»
Des sanctions occidentales sans précédent ont lourdement atteint l’économie russe depuis fin février. La devise nationale a battu des records historiques de faiblesse et la banque centrale, privée d’environ la moitié de ses réserves internationales, a plus que doublé son taux directeur à 20%.
D’importantes restrictions ont été introduites pour les devises tandis que la liste d’entreprises étrangères annonçant leur retrait de Russie ne cesse de s’allonger.
De premières ruées sur certains produits alimentaires ont été constatées. Les autorités tentent elles de rassurer, assurant que la Russie surmontera les difficultés.
«Ce à quoi nous assistons est une mascarade: une ouverture de marché Potemkine», a pour sa part raillé jeudi dans un communiqué le conseiller adjoint à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Daleep Singh.
«Il ne s’agit pas d’un véritable marché ni d’un modèle durable, ce qui ne fait que souligner l’isolement de la Russie», a ajouté l’officiel américain.
«Les États-Unis et nos alliés et partenaires continueront de prendre des mesures pour isoler davantage la Russie de l’ordre économique international», a conclu M. Singh.