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Retarder la gratification immédiate en Bourse

Les investigateurs financiers|Publié le 21 février 2020

Retarder la gratification immédiate en Bourse

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Dans les années 1960, le psychologue Walter Mischel a mené une expérience désormais célèbre avec des enfants appelée le «test de la guimauve».

L’étude consistait à placer une guimauve devant un enfant, en lui indiquant qu’il recevrait une autre guimauve s’il attendait 15 minutes avant de manger celle devant lui. Le but étant d’étudier la volonté et la capacité à retarder la gratification. Dans une étude de suivi avec les mêmes enfants, ceux qui avaient attendu étaient plus susceptibles d’avoir obtenu du succès par la suite dans leur vie.

Bien que d’autres recherches aient remis en question la validité de cette étude (par exemple, des problèmes de contrôle liés aux antécédents et au niveau des revenus familiaux), nous trouvons cette idée générale de gratification différée très utile en matière d’investissement.

Les gestionnaires qui sont en mesure de réinvestir les capitaux, même si cela pourrait nuire aux bénéfices trimestriels à court terme, vont probablement créer beaucoup de richesse pour l’entreprise. L’exemple actuel le plus célèbre pourrait être celui de Jeff Bezos et d’Amazon, une compagnie qui a fait peu de profit comptable dans son histoire mais qui a créé une valeur énorme pour les actionnaires, et ce en ignorant les demandes de Wall Street.

Les investisseurs qui retardent la gratification immédiate peuvent également réussir. En plus des avantages fiscaux liés à la cotisation dans un REER, les détenteurs de titres à long terme dans des comptes non enregistrés peuvent retarder le déclenchement des gains en capital, obtenant ainsi un prêt sans intérêt du gouvernement.

La meilleure forme de capital est le capital permanent. Chez Berkshire Hathaway, Warren Buffett n’est pas soumis à des rachats et c’est en partie la raison pour laquelle il est capable d’agir si rapidement en temps de crise.

Enfin, du point de vue de la recherche, les ordinateurs sont plus rapides et traitent plus d’informations que jamais. Il est extrêmement difficile d’avoir une longueur d’avance au quotidien. Mais lorsqu’on adopte une vision à plus long terme (5 ans ou plus), nous constatons que le jugement demeure essentiel. On peut prendre le temps nécessaire pour comprendre les modèles économiques et les incitatifs de gestion. Ici, les ordinateurs n’ont pas d’avantage (enfin, pas encore!).

En ces temps de gratification instantanée, et des téléphones intelligents qui nous offrent presque tout à la portée de main, l’art de retarder la gratification se perd tranquillement, mais les avantages pour les investisseurs et les entreprises qui savent être patients sont immenses.

Patrick Thénière, CIM, Associé Barrage Capital