Robinhood entre au Nasdaq sous le nom «HOOD» jeudi. (Photo: Getty Images)
L’action de la plateforme de courtage Robinhood a débuté en nette baisse jeudi pour sa première journée de cotation à la Bourse électronique américaine Nasdaq, un début en demi-teinte pour le trublion de la finance américaine.
Après un début de cotation à 38 dollars américains, le titre s’inscrivait en repli de 7,11 % à 35,30 dollars américains vers 13 h 50.
L’application, qui a popularisé le courtage sans commission et contribué à relancer l’intérêt des petits épargnants pour la Bourse, va lever 1,89 milliard de dollars américains à l’occasion de cette opération.
La première cotation valorise cette entreprise née en 2013 aux environs de 32 milliards de dollars américains.
Les variations importantes de prix n’ont rien d’exceptionnel pour un premier jour de cotation, en particulier pour de jeunes sociétés au modèle économique novateur.
Airbnb avait ainsi plus que doublé de valeur sur sa première séance, en décembre 2020. À l’inverse, le laboratoire pharmaceutique Moderna, aujourd’hui connu mondialement pour son vaccin contre le coronavirus, avait perdu près de 20 % pour son premier jour de cotation, en décembre 2018.
Peut-être plus encore que d’ordinaire, ces premières heures de cotation sont néanmoins un test pour ce nouvel acteur du courtage, qui entend bousculer les géants de Wall Street et démocratiser l’accès au marché.
En décidant d’octroyer 20 % à 35 % des actions nouvelles directement à ses utilisateurs, quand la plupart des titres sont, en général, attribués à des investisseurs institutionnels, Robinhood faisait un pari.
Quelque 55 millions d’actions étaient proposées au prix de 38 dollars américains l’unité, soit au bas de la fourchette d’estimation initiale, comprise entre 38 et 42 dollars américains.
Selon son directeur général et co-fondateur, Vlad Tenev, Robinhood a gagné, en six mois, dix millions de comptes pour dépasser aujourd’hui les 22 millions, avec plus de 100 milliards de dollars américains d’actifs déposés.
N° 1 dans 5 ans ?
Présents à New York pour le premier jour de cotation, Vlad Tenev et l’autre co-fondateur, Baiju Bhatt, tous deux cheveux longs et allure de rock star, tranchaient avec l’image de Wall Street.
« Quand nous disons que nous voulons démocratiser l’accès à la finance, ce n’est pas juste un slogan pour nous », a fait valoir Vlad Tenev, sur le plateau de la chaîne CNBC.
« Dans cinq ans, nous voulons que Robinhood soit l’application financière qui inspire le plus confiance et qui soit la plus pertinente culturellement dans le monde », a-t-il lancé.
Certains, dont le régulateur américain des marchés, la SEC, s’interrogent à haute voix sur la viabilité du modèle économique de cette plateforme.
Car Robinhood finance l’absence de commissions en sous-traitant ses larges volumes d’ordres à des intermédiaires qui le rétribuent pour cela. Une pratique légale, mais opaque et potentiellement source de conflit d’intérêts.
« Tous les courtiers ne font pas cela aux États-Unis. C’est interdit au Royaume-Uni, au Canada et en Australie et cela n’existe pas dans la plupart de l’Europe », a récemment souligné le nouveau président de la SEC, Garry Gensler, qui se penche sur ce dossier.
Dans son avis de présentation aux futurs actionnaires, Robinhood reconnaît que son activité est soumise à « des lois complexes et changeantes » et à « des enquêtes réglementaires ». « Des changements dans ces lois (…) pourraient nuire à (notre) activité », admet-il.
Robinhood a accédé à la notoriété mondiale en janvier, lors de la saga GameStop, qui a vu des milliers de petits actionnaires faire grimper l’action de cette chaîne de magasins de jeux vidéos de 17 à près de 500 dollars en quelques jours.
Incapable de gérer le flux des ordres, Robinhood a dû bloquer certaines transactions, au risque d’imploser lui-même, provoquant l’ire de nombreux boursicoteurs.
Une partie de ce milieu très actif sur les réseaux sociaux s’est alors retournée contre la plateforme, accusée de protéger les spéculateurs institutionnels de Wall Street.
Jeudi, sur le site Reddit, beaucoup appelaient ainsi à ne pas acheter d’actions Robinhood, pour rendre au courtier la monnaie de sa pièce.
Côté politiques, plusieurs élus se sont emparés de l’affaire et ont accusé Robinhood de participer à la volatilité de Wall Street, ou de donner une fausse image de la Bourse comme territoire de jeu pour les petits épargnants.
En juin, le groupe a écopé d’une amende de près de 70 millions de dollars pour avoir trompé ses clients et leur avoir présenté des informations erronées.