Face aux profits des majors pétrolières, Londres a annoncé en mai une taxe exceptionnelle sur le secteur de l'énergie, pour aider en partie à financer les aides gouvernementales. (Photo: 123RF)
Londres — Bénéfice trimestriel plus que doublé pour le français TotalEnergies, quintuplé pour le britannique Shell: les prix des hydrocarbures, qui flambent depuis l’invasion russe de l’Ukraine, propulsent les bénéfices des géants pétroliers et alimentent les critiques sur l’utilisation de cette manne.
TotalEnergies a vu ses profits s’envoler jusqu’à 5,7 milliards de dollars américains au deuxième trimestre, tandis que Shell a publié jeudi un énorme bénéfice net de 18 G$ US pour la même période.
«Il est inévitable qu’avec des résultats aussi solides, la façon dont l’entreprise utilise ses bénéfices sera scrutée de près», a estimé Michael Hewson, analyste chez CMC Markets. Mais l’envolée des bénéfices «pose aussi la question de savoir si Shell pourra maintenir ce niveau de rentabilité au second semestre».
Shell avait déjà dévoilé un bénéfice record au premier trimestre, à 7,1 G$ US, en dépit d’une lourde charge liée au retrait progressif de ses activités de pétrole et gaz en Russie.
Face aux profits des majors pétrolières, Londres a annoncé en mai une taxe exceptionnelle sur le secteur de l’énergie, pour aider en partie à financer les aides gouvernementales aux ménages les plus modestes face à la crise du coût de la vie.
La mesure était réclamée à cor et à cri par des ONG et l’opposition travailliste, mais la majorité conservatrice a longtemps freiné des quatre fers, craignant de décourager l’investissement des entreprises du secteur, avant de céder.
Stratégie climat
En France aussi, ces énormes bénéfices pétroliers ont alimenté un débat sur une taxe sur les «superprofits» des grandes multinationales, avant que l’idée ne soit rejetée de peu samedi par l’Assemblée nationale malgré les protestations de la gauche et de l’extrême droite.
À la place, TotalEnergies a annoncé une remise de 20 centimes d’euros par litre de carburant à la pompe entre septembre et novembre dans toutes ses stations-service, puis de 10 centimes par litre sur le reste de l’année.
L’ONG environnementale 350.org a dénoncé jeudi le bénéfice «stupéfiant» du groupe français alors que ce «géant pétrolier est responsable de certains des projets de combustibles fossiles les plus destructeurs de la planète», citant notamment un projet d’oléoduc controversé en Afrique de l’Est.
Shell avait été chahuté lors de son assemblée générale, en mai, avec l’irruption de militants écologistes et des questions d’actionnaires demandant au groupe d’aller plus loin dans sa stratégie climat — finalement validée à près de 80%.
L’organisation environnementale Greenpeace a aussi lancé mardi une action devant la justice écossaise contre un permis accordé en juin à Shell par le gouvernement britannique pour l’exploitation du champ gazier controversé de Jackdaw.
Crise du gaz
Certes, le souvenir est encore frais des pertes colossales annoncées par des géants pétroliers terrassés, autour du globe, par l’effondrement brutal de la consommation pendant la pandémie. Shell avait, par exemple, pris une charge de 16,8 G$ US au deuxième trimestre 2020.
Mais les cours des hydrocarbures ont rebondi et flambent depuis des mois, particulièrement après l’invasion russe de l’Ukraine. Avec à la clé «de solides résultats financiers» pour Shell, s’est félicité son directeur général, Ben van Beurden, jeudi. En témoigne un programme de rachat d’actions de 6 G$ US à exécuter sur le trimestre en cours, après un précédent rachat de 8,5 G$ US achevé début juillet.
Cependant, si Shell sait soigner ses actionnaires, le groupe affirme aussi utiliser sa solidité financière au profit de l’intérêt général, «grâce à des approvisionnements énergétiques sûrs», a fait valoir M. van Beurden, lors d’une conférence de presse.
Alors que l’Europe frissonne devant les prix du gaz, qui frôlent à nouveau ces jours-ci les sommets vus après le début de la guerre en Ukraine, Shell «a un rôle à jouer» et l’entreprise fait notamment «tout ce qu’elle peut pour apporter de nouveaux approvisionnements» au Vieux Continent, assure-t-il.
En Bourse jeudi à la mi-journée, l’action de TotalEnergies reculait de 3,36% à 48,08 euros et celle de Shell prenait 1,58% à 2 151 pence.