SNC-Lavalin: Scheer demande de lever le secret professionnel
La Presse Canadienne|Publié le 11 février 2019«Les Canadiens veulent savoir toute la vérité.»
Le chef conservateur Andrew Scheer a écrit au premier ministre Justin Trudeau pour lui demander de renoncer au secret professionnel afin que l’ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould puisse parler publiquement de ce qui est arrivé avec SNC-Lavalin.
M. Scheer souhaite également que toutes les communications avec le premier ministre ou les membres de son personnel concernant les poursuites au criminel engagées contre SNC-Lavalin soient ouvertes à l’examen du public.
M. Scheer affirme dans la lettre dévoilée dimanche que le privilège avocat-client et le devoir de confidentialité sont des valeurs importantes dans notre système juridique, mais qu’elles doivent être dans ce cas «subordonnées à une valeur plus élevée: la confiance des Canadiens en l’intégrité, l’équité et l’impartialité de notre système de justice criminelle».
En campagne électorale dans la circonscription de Burnaby-Sud, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, a formulé une demande similaire. «Les Canadiens veulent savoir toute la vérité. Je demande à M. Trudeau de renoncer au privilège avocat-client dans le dossier SNC-Lavalin», a-t-il déclaré par voie de communiqué.
La demande fait suite à un article du « Globe and Mail » selon lequel des membres du bureau de M. Trudeau ont exercé des pressions sur Mme Wilson-Raybould pour que les procureurs fédéraux négocient un accord de poursuite suspendue avec la firme afin de lui éviter un procès — une requête à laquelle elle aurait refusé d’accéder.
Le géant montréalais de l’ingénierie et de la construction a eu des ennuis en justice en raison d’allégations selon lesquelles il aurait versé des millions de dollars en pots-de-vin pour obtenir des contrats auprès du gouvernement en Libye, ce qui serait un crime aux termes du droit canadien et pourrait empêcher l’entreprise d’obtenir des contrats publics.
Mme Wilson-Raybould, qui a fait l’objet d’une rétrogradation de ses fonctions de ministre de la Justice et procureure générale le mois dernier, a déjà déclaré qu’elle était tenue au silence dans cette affaire par le secret professionnel.
Des responsables au gouvernement ont reconnu que Mme Wilson-Raybould avait participé à des discussions internes sur SNC-Lavalin, mais ils affirment qu’il n’y a pas eu faute et que M. Trudeau a nié que lui-même ou quiconque dans son bureau ait pu influencer la ministre sur cette question.
Bien que le cabinet du premier ministre n’ait pas immédiatement répondu aux questions dimanche, de hauts responsables du gouvernement ont affirmé sous le couvert de l’anonymat au Toronto Star que le privilège ne serait pas levé étant donné les procédures toujours en cours contre SNC-Lavalin devant les tribunaux.
Un haut responsable aurait également dit au journal que le gouvernement n’accepterait pas les demandes de l’opposition pour une réunion d’urgence du comité de la justice de la Chambre des communes pour entendre Mme Wilson-Raybould et des membres du personnel de M. Trudeau.
Les comités parlementaires sont censés maîtriser leur propre ordre du jour en raison de leur rôle consistant à demander des comptes au gouvernement.
Le député libéral Anthony Housefather, président du comité, a déclaré dimanche sur Twitter que «personne n’a tenté de m’influencer» au sujet des tentatives de l’opposition d’organiser des audiences sur SNC-Lavalin.
«J’ai l’intention de déterminer de façon indépendante si l’étude en comité sur la question serait utile pour les Canadiens (et) les collègues feront de même», a écrit M. Housefather.
Les députés libéraux ont néanmoins une majorité de membres au comité, ce qui signifie qu’ils pourraient agir pour bloquer toute demande de l’opposition de mener une enquête.
Le ministre de la Justice et procureur général, David Lametti, qui a remplacé Mme Wilson-Raybould, a affirmé à CTV lors d’une entrevue diffusée dimanche qu’il ne pensait pas qu’il était justifié de tenir une audience en comité.
«Tout ce que nous avons entendu, ce sont des allégations dans un journal, a dit M. Lametti. Le premier ministre a déclaré que ces allégations étaient fausses. Nous n’avons aucune preuve corroborante à ce sujet. Je n’ai rien vu qui puisse justifier une enquête du comité.»
SNC-Lavalin a été accusée de corruption pour ses efforts en vue de s’assurer de contrats du gouvernement en Libye et veut qu’un accord, autorisé par la loi, lui permette de payer des réparations plutôt que de subir un procès.
En cas de verdict de culpabilité relativement à des accusations de corruption, SNC-Lavalin se verrait interdire tout contrat gouvernemental au Canada pendant 10 ans. Des responsables ont affirmé à La Presse canadienne que cela provoquerait probablement aussi l’assèchement des contrats de gouvernements étrangers pour SNC-Lavalin.
Scheer a rencontré le patron de SNC
SNC-Lavalin a fait du lobbying intense auprès de ministres, de représentants du gouvernement et même de M. Scheer et du chef du NPD, Jagmeet Singh, pour qu’ils plaident pour un accord de poursuite suspendue. Le premier ministre du Québec, François Legault, a également demandé à M. Trudeau d’intervenir au nom de la compagnie.
Le bureau de M. Scheer a confirmé dimanche au Toronto Star que le chef conservateur avait rencontré le patron de SNC-Lavalin l’an dernier pour discuter du dossier contre l’entreprise et d’un éventuel accord de réparation. Le porte-parole de M. Scheer, Brock Harrison, n’a pas répondu aux courriels de La Presse canadienne.
En vertu de la loi, le procureur général peut donner au directeur des poursuites pénales une directive sur la manière de traiter un cas spécifique, à condition que la directive soit écrite et rendue publique.