«Nous sommes à l'année zéro d'un changement culturel gigantesque sur 10 ans.»
Voitures et chauffeurs mais aussi vélos, trottinettes ou même train: l’américain Uber, qui prépare son entrée en Bourse, poursuit intensément sa diversification. Son modèle? Rien moins qu’Amazon, le tentaculaire colosse du commerce en ligne.
Leader mondial de la réservation de voiture de tourisme avec chauffeur (VTC), Uber mise sur un avenir où les particuliers renonceront de plus en plus à posséder une voiture, préférant VTC, auto-partage, vélos et trottinettes en libre-service ou transports publics.
Pour Uber, comme d’autres entreprises de transport, l’idée est donc de se placer dès aujourd’hui au centre de cet écosystème et de proposer via son application tout un éventail de solutions de déplacement, selon ses goûts, ses besoins … ou la météo.
«Les voitures, pour nous, c’était vraiment un point de départ», explique Andrew Salzberg, un des responsables du groupe, lors d’une rencontre avec des journalistes à Santa Monica, près de Los Angeles, connue pour sa pollution et ses embouteillages.
«Une fois bâtie cette plateforme de mobilité, il y a toute une gamme d’activités à créer au-delà», poursuit-il dans cette cité balnéaire, qui grouille de trottinettes et vélos électriques d’Uber et de ses concurrents.
Vélo, boulot, dodo
L’idée «c’est que dès que vous sortez, il y ait un véhicule électrique, sympa à conduire», explique Nick Foley, à la tête de Jump (bicyclettes électriques en libre-service), rachetée l’an dernier par Uber.
Et «si le temps est mauvais (…), on peut aussi réserver une voiture», ajoute M. Foley, qui pense que le tournant vers la mobilité via smartphone changera les modes de vie comme le fit l’automobile.
Faire renoncer les citadins à avoir une voiture, c’est aussi une des ambitions de Bird, qui loue des trottinettes électriques, arrivées à Paris l’été dernier.
Quand on commence à se servir d’une trottinette, «on voit les avantages par rapport à la voiture et peut-être que cela incite à réduire l’usage de la voiture (…) et peut-être, idéalement un jour, à ne pas racheter de nouvelle voiture», expliquait récemment à l’AFP Patrick Studener, à la tête de la région Europe/Moyen-Orient/Afrique chez Bird.
Sans surprise, les villes très embouteillées sont un marché rêvé pour ces services.
Ainsi, les citadins peuvent par exemple aller en vélo ou trottinette jusqu’à leur gare ou station de métro avant d’en reprendre un ou une autre en sortant du métro, une habitude déjà bien répandue à Paris, ville précurseure du vélo en libre-service.
D’où l’idée pour Uber de s’allier avec l’entreprise de trottinettes électriques Lime, réservables dans plusieurs villes sur son application. Le groupe est également en train d’y rajouter des horaires de transports publics et il pourra aussi être possible d’y acheter son ticket.
«On ne peut pas vraiment être l’Amazon des transports sans (intégrer) le mode de transport le plus important, à savoir les transports publics», a justifié David Reich, en charge du sujet chez Uber.
Ce qui rend nécessaire la collaboration avec les municipalités, au travers d’échanges de données sur les transports publics, les pistes cyclables, les parkings…
Le PDG d’Uber Dara Khosrowshahi fait de la collaboration avec les régies de transport une priorité. De quoi aussi améliorer ses relations avec les autorités locales, souvent tendues depuis quelques années avec l’arrivée de la plateforme américaine.
«Changement culturel»
Les vélos Jump déjà présents dans 16 villes américaines veulent conquérir le monde, à commencer par l’Europe, indique son patron Ryan Rzepecki.
«Nous sommes à l’année zéro d’un changement culturel gigantesque sur 10 ans», affirme-t-il, estimant que les inquiétudes liées à la sécurité concernant vélos et trottinettes sont finalement peu nombreuses.
L’Europe est une cible de choix, car bien plus habituée aux vélos que les États-Unis, relève-t-il.
Outre les gens, Uber transporte aussi des marchandises: sa division «Fret» met en relation chauffeurs routiers et entreprises. Quant au service de livraison de repas «Eats», il permet aux chauffeurs Uber de gagner davantage en livrant pizzas ou poulet tikka.
Uber n’a pas que le plancher des vaches en tête: son projet «Elevate» ambitionne de transporter les citadins via des taxis volants. Le groupe promet des vols expérimentaux cette année avant un service commercial vers 2023 dans trois villes américaines, dont Los Angeles.
Uber prévoit d’entrer en Bourse très prochainement mais devrait se faire griller la politesse par son rival aux Etats-Unis Lyft, qui par ailleurs commence lui aussi à proposer des trottinettes électriques.