« Ce rapprochement n’est pas seulement « la plus grande transaction » depuis la crise financière de 2008, c’est aussi « la première fois » que deux banques d’importance systémique au niveau mondial vont fusionner, ce qui amène « des risques de mise en œuvre significatifs » (Photo: Getty Images)
Le numéro un de la banque en Suisse UBS a fait appel à un pilote chevronné, son ancien patron Sergio Ermotti, pour faire face aux risques massifs que représente la gigantesque et controversée fusion avec son rival Credit Suisse.
Des risques réels. Mercredi un rapport de la commission des Finances du Sénat américain a accusé le Credit Suisse d’avoir continué à aider de riches Américains à échapper au fisc, en violation d’un accord conclu en 2014 avec la justice américaine.
Ces accusations montrent l’ampleur de la tâche qui attend M. Ermotti, 62 ans, qui va quitter son poste de président du réassureur Swiss Re pour revenir diriger une seconde fois UBS, dont il avait déjà été le patron pendant neuf ans.
« Notre priorité numéro Une est de stabiliser la situation », a déclaré Colm Kelleher, le président d’UBS, lors d’une conférence de presse à Zurich, reconnaissant que les « investisseurs et actionnaires sont très inquiets » face aux « risques de mise en œuvre » de cette transaction.
« Ce rapprochement n’est pas seulement « la plus grande transaction » depuis la crise financière de 2008, c’est aussi « la première fois » que deux banques d’importance systémique au niveau mondial vont fusionner, ce qui amène « des risques de mise en œuvre significatifs », a-t-il averti.
Le conseil d’administration a donc estimé que M. Ermotti sera le « meilleur pilote » pour « cet exercice d’intégration massif », a expliqué M. Kelleher.
De nationalité suisse, ce natif du Tessin connaît bien UBS qu’il a déjà dirigée de 2011 à 2020. Il s’est forgé une solide réputation pour avoir redressé la banque, qui avait dû faire appel à l’État pour sortir de la crise financière en 2008, et avait ensuite été secouée par les lourdes pertes d’un courtier voyou.
M. Ermotti reprendra le poste de directeur général dès le 5 avril, après l’assemblée générale annuelle de la banque. Le néerlandais Ralph Hamers, 56 ans, qui avait pris sa succession en 2020, lui cédera la place « dans l’intérêt de la nouvelle entité combinée, du secteur financier suisse et du pays », précise UBS dans un communiqué, mais restera à ses côtés durant une période de transition pour « assurer le succès de la transaction ».
Un patron bien connu
Pendant ses neuf années aux commandes, M. Ermotti, qui avait fait une partie de sa carrière chez l’Américain Merrill Lynch et la banque italienne Unicredit, avait procédé à des coupes dans la banque d’affaires, initiant « un profond changement de culture » qui avait permis de « regagner la confiance », des clients et autres parties prenantes », souligne UBS. Tout au long de son mandat, M. Ermotti avait régulièrement dit vouloir faire en sorte que la banque devienne « ennuyeuse », en signe que les scandales du passé étaient derrière elle.
« Sergio Ermotti est bien connu et bénéficie, à nos yeux, d’un historique solide et adéquat pour la tâche difficile à venir de restructurer et intégrer Credit Suisse », a réagi Flora Bocahut, analyste chez Jefferies dans une note de marché.
M. Ermotti est « la bonne personne pour cette tâche difficile », a renchéri Andreas Venditti, analyste chez Vontobel, dans un commentaire boursier. Avec l’annonce de ce retour, l’action UBS a clôturé en hausse de 3,72% mercredi à 18,40 francs suisses.
Le 19 mars, UBS a accepté sous la pression des autorités suisses de racheter Credit Suisse, la deuxième banque du pays, pour quelques maigres 3 milliards de francs suisses (près de 3 milliards d’euros).
Pour convaincre UBS, la Confédération a mis 9 milliards de francs de garanties sur la table en cas de découvertes malheureuses dans les comptes de Credit Suisse, la banque centrale allouant aux deux banques jusqu’à 100 milliards de liquidités.
Mais Credit Suisse a vu sa réputation fortement écornée par les scandales. En 2014, elle avait plaidé coupable d’avoir aidé de riches Américains à échapper à l’impôt et payé une amende de 2,6 milliards de dollars pour mettre fin aux poursuites. Et depuis deux ans, elle a été éclaboussée tour à tour par la faillite de la société financière Greensill, l’implosion du fonds américain Archegos, des amendes pour des prêts douteux au Mozambique et une condamnation en Suisse dans une affaire de blanchiment de cocaïne bulgare.
En Suisse, cette immense fusion suscite de vives critiques compte tenu notamment des risques pour la concurrence et des inquiétudes pour l’emploi.
« Nous devrons travailler très dur pour éviter des conséquences pour les contribuables », a déclaré M. Ermotti qui a voulu rassurer lors de la conférence de presse marquant son retour.