Une autre semaine Trump-esque masque les paris de reprise
Dominique Beauchamp|Publié le 10 octobre 2020Le S&P 500 a gagné 3,8% cette semaine et n'est plus qu'à 3 % du sommet du 2 septembre. (Source: Advisors)
Les frasques de Donald Trump ont encore une fois dominé Wall Street la semaine dernière, en particulier son volte-face au sujet de nouvelles mesures de relance.
Après avoir rompu les négociations dès son retour de l’hôpital, l’occupant de la Maison-Blanche dit désormais vouloir en faire plus que les démocrates. Cette surenchère électorale a plu au marché.
Le S&P 500 a grimpé de 3,8% et le S&P/TSX de Toronto a avancé de 2,3%. À peine 2,9% et 1% sépare chacun de ces deux indices du sommet du 2 septembre, respectivement.
Toutes sortes de raisons ont été évoquées pour justifier l’avance hebdomadaire qui défie ceux qui avaient prédit un mois d’octobre houleux à l’approche des élections. En septembre, les pros avaient en effet été nombreux à réduire le risque de leurs placements à temps pour les rapports de performance du troisième trimestre, rappelle BofA Securities.
Les investisseurs mondiaux ont notamment placé 26 milliards de dollars américains dans les obligations lors de la dernière semaine de septembre, presque un record, note cette banque. Les clients de fortunes privées ont toujours 12,8% de leur actif en encaisse tandis que l’ensemble des investisseurs cumulent encore 4 400 G$US de liquidités, selon l’indicateur Bull-Bear de BofA Securities.
Outre l’attente d’un nouveau train de mesures pour soutenir les consommateurs et les entreprises frappés par la nouvelle vague de la COVID-19, les marchés ont aussi réagi à la possibilité de nouveaux traitements d’anticorps de synthèse et à l’avancement des vaccins, indique Martin Roberge de Canaccord Genuity.
Les sondages grand public montrent aussi Joe Biden gagnant et font miroiter la possibilité d’un coup de balai démocrate au Sénat. Une franche victoire est un souci de moins pour la Bourse, qui redoute surtout une lutte serrée que la Cour Suprême aurait à trancher. Une victoire démocrate fait aussi espérer des mesures de relance plus musclées et donc une reprise plus soutenue.
Plusieurs observateurs ont aussi associé la récente remontée des taux obligataires à long terme et de la Bourse à ces possibilités, pendant la semaine, Malgré tout, Trafalgar Group et Democracy Institute, qui avaient prédit la victoire de Trump en 2016, le voient encore victorieux le mois prochain.
Une reprise presque comme les autres?
Derrière ce brouhaha électoral, les marchés évoluent comme ils le font habituellement dans une reprise classique.
De plus en plus de secteurs et de titres participent à la remontée, ce qui encourage les experts. Les titres cycliques bénéficiaires de la reprise, les titres retardataires et même les titres à faible capitalisation font meilleure figure depuis quelque temps, signalent tour à tour Martin Roberge et James Paulsen stratège de Leuthold Group, dans leurs écrits.
Le ratio qui compare le nombre de titres haussiers aux titres baissiers atteint un record (Source: Canaccord Genuity)
Le ratio qui compare le nombre de titres à la hausse par rapport au nombre de titres à la baisse à la Bourse de New York, touche un sommet, souligne Martin Roberge. C’est un signe que la hausse gagne plus de titres.
La proportion des titres du S&P 500 qui se négocient au-dessus de leur moyenne mobile de 200 jours est aussi la plus élevée de la reprise, indique son collègue américain chez Canaccord Genuity. L’analyste Tony Dwyer note aussi que le Russell 2000, l’indice des titres à faible capitalisation, s’est apprécié de 10% en dix séances. Lors des 20 épisodes du genre depuis 1980, d’autres gains ont suivi 89% du temps au cours des 12 mois qui suivent. Le gain moyen: 16,6%.
Martin Roberge pointe aussi du doigt le record de l’indice des transports du Dow Jones et du secteur industriel du S&P/TSX .
Pour l’instant, cette montée reflète surtout le fort volume de transport des marchandises achetées en ligne ainsi que le cycle de restockage de la part des fabricants et des grossistes, explique le stratège quantitatif.
Il est un peu tôt pour conclure à une reprise durable de la production industrielle, mais le ratio qui compare les ventes aux stocks est de bon augure, ajoute le stratège de Canaccord Genuity.
Malgré la nouvelle vague de la COVID-19, les risques d’une rechute économique sont assez minces, selon lui, puisque le secteur manufacturier chinois a bonne mine (un sommet en 9 ans selon l’indicateur PMI) tandis que le secteur chinois des services prend aussi du mieux.
L’indicateur de diffusion économique de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) révèle aussi que 97% des 37 pays membres améliorent leur sort.
« Le quatrième trimestre démarre avec un bon élan alors que les banques centrales demeurent accommodantes. Ces deux facteurs devraient protéger l’économie à court terme, même si un nouveau plan de relance devait tarder », dit-il.
Fin de parcours ou nouvelle phase?
Si le scénario de reprise économique gagne de plus en plus de croyants, le parcours de la Bourse divise encore.
Michael Hartnett, de BofA Securities, fait valoir que le rebond de la Bourse depuis mars intègre déjà la plupart de ces bonnes nouvelles. Le stratège en chef croit que le S&P 500 aura du mal à soutenir son élan après avoir franchi la barre de 3600, une fois que les investisseurs réaliseront que les banques centrales deviendront moins actives.
Chez Morgan Stanley, le stratège bien en vue Mike Wilson croit pour sa part que la reprise mondiale en « V » est intacte. Les résultats des essais cliniques de phase 3 des trois meilleurs candidats de vaccins, en novembre, donneront une nouvelle impulsion à la Bourse. Les investisseurs miseront alors sur le retour à la normale des activités et leurs bénéficiaires, tout au long de 2021.
Les analystes en biotechnologie de cette firme évaluent que les premiers vaccins déjà achetés par le gouvernement américain seront offerts aux personnes les plus vulnérables avant la fin de l’année et au grand public à partir du deuxième trimestre de 2021.
Le scénario de Mike Wilson est moins rose qu’il n’y paraît à première vue. Le stratège s’attend à ce que la vente de titres déficitaires pour des raisons fiscales d’ici la fin de l’année et le changement des meneurs boursiers secouent les marchés au cours des prochains mois, sans oublier le suspense des élections.
Les titres de technologie pourraient aussi souffrir d’une remontée des taux à long terme l’an prochain et du déplacement des investisseurs vers les titres cycliques et retardataires. Non seulement leur riche évaluation les rend plus sensibles à l’effet d’une hausse des taux à long terme sur la valeur future de leurs profits, mais les titans de la technologie sont aussi devenus des choix « défensifs » qui performent moins bien lorsque les taux cessent de baisser, explique le stratège de Morgan Stanley.
Cette semaine, les perspectives d’un retour potentiel à la normale de l’activité économique l’an prochain ont pris le dessus sur le reste.
« Les facteurs fondamentaux favorables, une reprise mondiale synchronisée et des liquidités abondantes, suggèrent que toute période de faiblesse offre une occasion d’ajouter aux actions », conclut Tony Dwyer.