Une première société canadienne de redevances minières détenue par des Autochtones
La Presse Canadienne|Publié à 17h56La mine Brucejack, située en Colombie-Britannique, fait partie du portefeuille d'actifs de redevances de Nations Royalty. (Photo: fournie par Nations Royalty / La Presse Canadienne)
En juin dernier, une nouvelle société appelée Nations Royalty Corp a commencé à être cotée à la Bourse de croissance TSX.
Sans faire de bruit, elle a franchi une étape importante sur la voie de la réconciliation économique des Autochtones au Canada en devenant la seule société de redevances minières au monde à être détenue majoritairement par des Autochtones.
Soutenue par le milliardaire canadien Frank Giustra, un financier du secteur minier, Nations Royalty vise à attirer les investisseurs en leur promettant des redevances appartenant à des Autochtones.
Pour la nation Nisga’a, la Première Nation autonome de Colombie-Britannique qui détient 77% des parts de la société, Nations Royalty est également un élément clé sur la voie de l’indépendance économique.
«L’un des objectifs de notre nation est l’indépendance financière. Nous ne nous sommes pas encore affranchis de la Loi sur les Indiens, comme nous le souhaiterions. Les redevances nous permettront de gérer nos propres richesses, au lieu de dépendre des fonds publics», a déclaré Charles Morven, secrétaire-trésorier de la nation Nisga’a.
Le concept de redevance est simple. Pratiquement tous les projets miniers au Canada sont situés sur des territoires autochtones. Pour des raisons juridiques et de responsabilité sociale, les sociétés minières qui souhaitent obtenir un permis d’exploitation dans une région donnée signent généralement des «accords sur les avantages» avec les Premières Nations concernées.
Dans la plupart des cas, ces accords incluent des redevances, soit un paiement régulier que la société minière s’engage à verser sur la base de la production ou du bénéfice net de la mine.
En regroupant plusieurs redevances au sein d’une seule société cotée en bourse et versant des dividendes, Nations Royalty veut offrir aux investisseurs une exposition diversifiée aux ressources minières canadiennes et créer une source de revenus pour ses propriétaires et actionnaires autochtones.
«Nous avons l’ambition de construire une société de redevances parmi les cinq premières, et le chemin est tracé, car le nombre et l’ampleur des redevances au Canada sont très impressionnants», a affirmé Rob McLeod, PDG de Nations Royalty, qui détient des redevances appartenant aux Nisga’a sur cinq projets miniers différents en Colombie-Britannique. Il a toutefois précisé qu’il existe plus de 400 accords individuels sur les avantages entre les sociétés minières et les Premières Nations dans tout le Canada.
Il a ajouté que les Nisga’a recherchent actuellement d’autres détenteurs de redevances des Premières Nations pour se joindre à eux et devenir actionnaires de la nouvelle entreprise.
Un concept «intéressant et original»
Règle générale, les sociétés de redevances minières attirent les investisseurs parce qu’elles sont moins risquées qu’un investissement dans un seul projet minier.
Pour les détenteurs de redevances eux-mêmes — en l’occurrence les détenteurs de redevances autochtones — les sociétés de redevances sont un moyen de monétiser les accords de redevances qui ont été signés, mais qui ne génèrent pas encore de revenus, comme dans les cas où la mine n’est pas encore entrée dans sa phase de production.
«En particulier pour les groupes autochtones qui n’ont qu’une seule mine sur leurs terres, il y a une raison d’être dans le collectif», a déclaré M. McLeod.
Ken Coates, directeur du programme autochtone de l’Institut Macdonald-Laurier et professeur émérite à l’Université de la Saskatchewan, a qualifié le concept de redevance des nations d’«intéressant et original».
Il s’est dit particulièrement admiratif de l’objectif des Nisga’a de tendre la main à d’autres groupes autochtones du Canada afin de mettre en commun leurs ressources et d’accroître leur poids économique grâce à des économies d’échelle.
Dans son rapport final publié en 2015, la Commission de vérité et de réconciliation du Canada a défini le concept de «réconciliation économique», affirmant que les peuples, les entreprises et les communautés autochtones doivent avoir la possibilité de participer pleinement à l’économie canadienne.
M. Coates a déclaré qu’en tant que véhicule d’investissement appartenant à des Autochtones et négociant à la Bourse de croissance TSX, Nations Royalty montre le chemin parcouru.
«Dans les années 1970 et 1980, si une communauté autochtone achetait une station-service dans une petite ville, cela était considéré comme une réussite majeure. C’est donc une transition étonnante que d’en être arrivé là.»
Presque tous les membres du conseil d’administration et de l’équipe de direction de Nations Royalty sont des Autochtones.
M. McLeod ne l’est pas. Il assure l’intérim jusqu’à ce qu’une personne issue des Premières Nations soit trouvée.
M. Morven, de la nation Nisga’a, a déclaré qu’en plus de créer des richesses, les Nisga’a souhaitent utiliser Nations Royalty pour renforcer leur capacité financière afin d’accéder aux marchés des capitaux à l’avenir.
Les actionnaires pourront utiliser leurs actions en tant qu’actifs titrisés pour obtenir des prêts et investir dans d’autres projets, ce que les communautés autochtones ont toujours eu du mal à faire.
«Nous avons constaté qu’il y avait du racisme sur les marchés financiers. Lorsque nous nous sommes adressés à l’une des plus grandes sociétés de redevances au monde pour savoir si elle souhaitait investir, elle a déclaré que nous représentions un risque», a affirmé M. Morven.
«Il s’agit donc de renforcer la capacité des Nisga’a à former des personnes ayant de l’expérience sur les marchés financiers. Nous ne nous contenterons pas de constituer ce capital financier, mais nous développerons également la capacité de le gérer nous-mêmes à l’avenir», a-t-il ajouté.
Par Amanda Stephenson