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Vers une récession «atypique et légère»?

Charles Poulin|Publié le 25 janvier 2024

Vers une récession «atypique et légère»?

Jean Boivin croit que l’inflation pourrait se repointer le bout du nez d’ici la fin de l’année, principalement aux États-Unis où le marché de l’emploi ne semble pas vouloir dérougir. (Photo: CFA Montréal)

Si le début de l’année économique 2024 est relativement calme, il pourrait bien en être autrement d’ici décembre prochain avec, au menu, un retour possible de l’inflation et le spectre d’une récession, ce qui imposera aux gestionnaires d’actifs une certaine agilité dans l’allocation d’actifs.

C’est le constat qu’ont livré Jean Boivin, directeur général de BlackRock Investment Institute, et Jimmy Jean, vice-président et économiste en chef du Mouvement Desjardins, lors de la conférence Perspectives 2024 organisée par CFA Montréal.

Jean Boivin croit que l’inflation pourrait se repointer le bout du nez d’ici la fin de l’année, principalement aux États-Unis où le marché de l’emploi ne semble pas vouloir dérougir.

«Même si actuellement tout semble calme, il faut être prêt à changer de cap assez rapidement, suggère-t-il. L’environnement macroéconomique est plus volatile et porte à confusion. Il ne faut pas seulement penser aux occasions actuelles, mais regarder comment tout cela va évoluer au cours de l’année.»

Du côté canadien, Jimmy Jean affirme que le pays a évité une récession en 2023 grâce à la démographie. Mais les choses pourraient changer en 2024.

«Plusieurs ingrédients correspondent actuellement à ceux d’une récession, avance-t-il. Si 2024 commence comme 2023, il y aura une récession, même si elle sera atypique et légère.»

 

Signes avant-coureurs

Jimmy Jean remarque que les dépenses des consommateurs ne sont plus en croissance, et que le taux d’épargne des Canadiens est largement au-dessus des moyennes prépandémiques.

«Au Québec, le taux d’épargne est de 12,6%, comparativement à 7% en moyenne avant 2020, mentionne-t-il. Cela révèle que les consommateurs sont en position défensive.»

Il note également que depuis sept mois, il y a plus de secteurs d’activités en contraction qu’en expansion au pays, et que le marché de l’emploi aussi perd de la vitesse avec une hausse du taux de chômage.

Autre signe, les faillites d’entreprises ont augmenté de 25%, et ce malgré un taux de chômage faible.

 

Baisses de taux

Le nombre de baisses de taux au cours des prochains mois pourrait avoir une influence sur la sévérité d’une récession, ajoute Jimmy Jean.

Desjardins prévoit six baisses de taux en 2024, qui devraient commencer dès avril, puis cinq autres en 2025.

«La politique monétaire n’agit pas seulement sur la demande, rappelle-t-il. Elle agit également sur l’offre. Peut-on vraiment encore éroder l’offre? Cela pourrait nuire à la capacité de production de rebondir.»

 

Perception et réalité

Du côté américain, le directeur général de BlackRock Investment Institute estime que les marchés et les banques centrales ont adopté la thèse d’un atterrissage en douceur pour l’économie américaine plutôt qu’une récession. Thèse partagée par Desjardins, qui a retiré sa prévision de récession pour 2024 chez nos voisins du sud, indique Jimmy Jean.

«Mais à mesure que l’année va avancer, l’inflation ne restera pas à 2%, prévient Jean Boivin. Déjà, les dynamiques de l’inflation sont tirées vers le bas parce que le prix des biens est déflationniste. Il reste toutefois de l’inflation due aux prix des services.»

Comme le marché de l’emploi américain a beaucoup de vigueur, les salaires ont eux aussi grimpé, remarque-t-il. Et, pour limiter la hausse des prix des services à 2%, il faudrait que la croissance des salaires s’arrête à 2,5%. Ce qui voudrait donc dire une hausse du taux de chômage.

«C’est beaucoup de changements en bien peu de temps, laisse-t-il tomber. Je crois qu’on va découvrir qu’il y aura un rebond de l’inflation en 2024, et ça va changer le dynamisme du marché en deuxième moitié d’année.»

 

Agilité

Cette situation, qui n’est pas encore acquise, admet-il, forcera les gestionnaires d’actifs à être plus agiles dans l’allocation d’actifs.

«Ça va nécessiter des changements de portefeuille plus actifs et plus fréquents, avance Jean Boivin. Si on a espoir de se protéger contre la volatilité, il faudra être nous-mêmes plus agiles.»

Pour contrer cette volatilité, les gestionnaires devront s’appuyer sur cinq «mégaforces», soit l’intelligence artificielle (IA), la refonte de la structure de la finance mondiale, les changements démographiques, les changements géopolitiques ainsi que les changements climatiques.

«Nous sommes très positifs face à l’IA, note-t-il. Nous aimons le secteur de la santé parce qu’il bénéficie de l’IA de façon directe. Il faudra trouver les autres secteurs qui vont en profiter.»

Il souligne également que BlackRock met de l’avant un nouvel aspect cette année, celui du thème de la résilience et de l’adaptation face aux changements climatiques. «Les dommages physiques sont de plus en plus réels, et les entreprises qui sont capables de trouver des solutions vont en bénéficier de façon disproportionnée dans les années à venir.»

 

Occasions d’investissement

Les deux invités du CFA Montréal y sont également allés de quelques suggestions d’investissements pour 2024.

Jean Boivin mentionne entre autres qu’il est temps d’être surpondéré dans les obligations des économies développées, et que les opportunités de rendement dans l’environnement actuel ne se retrouvent pas dans les grandes classes d’actifs et des régimes.

«Ce n’est pas une histoire macro générale. Le seul endroit où on pense qu’il y a une histoire macro convaincante à ce stade-ci, c’est au Japon. Ça nous emmène d’ailleurs à favoriser les actions japonaises parce qu’on pense que c’est très puissant. Il y a donc des histoires macros, mais ça se limite à certaines régions.»

Il ajoute que le Japon est habituellement en retard sur les actions américaines et européennes, et que cela laisse une marge pour du rendement en 2024.

Jimmy Jean dresse de son côté une liste de prévisions de rendements pour 2024 de différents secteurs. On retrouve en tête l’encaisse (4,9%) et les obligations (4,5%). À l’autre bout du spectre, on retrouve les actions canadiennes (1,7%) et américaines (2,5%).

 

 

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