ANALYSE. L'épicier Metro (MRU, 53,98 $) n'est plus le secret bien gardé qu'il était. Sa rigueur...
ANALYSE. L’épicier Metro (MRU, 53,98 $) n’est plus le secret bien gardé qu’il était. Sa rigueur opérationnelle et financière en a fait un titre si prisé que l’évaluation de son action atteint des niveaux inhabituellement élevés. Son action se trouve à un sommet historique.
Le titre s’échange à un multiple de 17,1 fois le bénéfice prévu dans 12 mois, comparativement à une moyenne de 15,6 fois depuis cinq ans, note Michael Van Aelst, de TD Valeurs mobilières.
Chaque trimestre, les analystes saluent les solides résultats de l’épicier, mais en reconnaissant du même souffle le mince potentiel d’appréciation que recèle le titre, son évaluation reflétant déjà les solides performances de l’entreprise.
«Le rachat actif des actions aidera Metro à produire une croissance de 8 à 10 % des bénéfices au cours des deux prochaines années, mais le récent bond du titre laisse entrevoir un rendement potentiel de 8 %, ce qui ne justifie pas une recommandation d’achat», explique l’analyste de TD.
L’action de Metro est aussi plus chèrement évaluée que celles de ses rivales Loblaw (L, 70,99 $) et Empire/Sobeys/IGA (EMP.A, 36,36 $), alors que les rendements financiers internes des trois épiciers sont similaires, remarque Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux.
Seulement trois analystes sur dix en recommandent l’achat. L’action atteint déjà le cours cible moyen de 54,25 $, bien que certains d’entre eux aient relevé leurs objectifs entre 57 et 59 $ en fonction des bénéfices de 2020 et de 2021.
Il faut les conserver
Un des moyens sous-estimés pour connaître du succès en placement est de garder ses titres gagnants. Les entreprises qui excellent à utiliser leur capital dans le meilleur intérêt de leurs actionnaires sont rares. En plus, Metro oeuvre dans une industrie stable plus propice à l’appréciation à long terme.
À court terme, les craintes aiguës de récession et les tumultes en Bourse profitent aux épiciers qui servent de refuges aux investisseurs. Cela explique pourquoi l’action de Metro a pu monter de 10,2 % depuis le 26 juillet alors qu’au même moment, le S&P/TSX reculait de 3,6 %. Les prochains trimestres pourraient toutefois donner aux investisseurs de nouvelles raisons de douter de la capacité du titre de Metro à soutenir sa performance.
L’inflation des aliments reviendra à la normale après un rebond marqué lors des derniers trimestres. L’analyste Michael Van Aelst mise sur une inflation des aliments de 2,3 % au prochain trimestre et de 1,5 % en 2020. Ce serait un changement de régime par rapport à la hausse des prix de 4 % au printemps. Déjà, la croissance des ventes par épicerie comparable de Metro a baissé, passant de 4,3 à 3,1 % du deuxième au troisième trimestre. La saison de pointe des récoltes diminuera les prix des légumes frais cet été et cet automne, et ralentira la cadence des ventes comparables de tous les épiciers.
Une pause dans les synergies de Jean Coutu
Les analystes préviennent aussi que les synergies les plus rapides de l’intégration du Groupe Jean Coutu, soit les rabais sur les achats et l’élimination du chevauchement administratif, auront été réalisées d’ici la fin de l’année. Quelque 60 semaines après l’achat du pharmacien, Metro a déjà atteint 81 % des économies promises de 75 M$, en rythme annuel.
Il faudra ensuite patienter jusqu’à la deuxième moitié de 2020 pour que la troisième phase des synergies se fasse sentir. Les économies proviendront cette fois de la mise en commun des deux réseaux québécois de distribution aux installations de Varennes de Jean Coutu.
À partir du prochain trimestre, l’effet sur les résultats financiers de l’achat de Jean Coutu s’atténuera, prévient aussi Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux, qui voit la croissance du bénéfice de Metro passer à une fourchette de 5 à 10 %, au lieu du rythme de 20 % du troisième trimestre.
Pour sa part, Keith Howlett, de Desjardins Marché des capitaux, s’attend à ce que Metro modère sa cadence entre 5 % et 8 % pendant quelques trimestres avant d’accélérer de nouveau le pas à la deuxième moitié de 2020.
L’union de l’épicier et du pharmacien devrait produire plus que les synergies initiales de 75 M$. Les deux marchands n’ont pas encore exploité tout le potentiel de la vente croisée d’aliments et de produits de beauté dans les deux réseaux.
L’approvisionnement en médicaments des pharmacies Brunet de Metro chez le fabricant Pro-Doc de Jean Coutu, ainsi que le croisement accru des deux programmes de fidélisation, devraient ajouter davantage aux gains.
Il ne faut pas non plus extrapoler les fortes ventes du troisième trimestre de Jean Coutu. Les ventes de prescriptions par pharmacie comparable ont bondi de 2,9 %, tandis que celles des marchandises ont crû de 4,3 %.
Les premières ont bénéficié d’un plus grand nombre de visites de clients enrhumés et allergiques, tandis que les diverses promotions du 50e anniversaire du pharmacien ont stimulé l’achat de marchandises.
Réputation méritée
En investissant là où ça rapporte, Metro a maintes fois démontré sa grande discipline. L’implantation des caisses en libre-service (dans 200 magasins d’ici 2021) et des étiquettes électroniques (dans 99 magasins), la conversion de magasins Metro en épiceries à bas prix Food Basics en Ontario ou encore l’ouverture de petits magasins urbains (à North York et dans l’est de Montréal) en témoignent.
Une baisse de régime pendant quelques trimestres ne changera rien à sa longue feuille de route. Metro n’a pas la masse critique de ses deux rivaux, mais le marchand reste un acteur régional très performant.
Éventuellement, un prétendant pourrait venir cogner à sa porte. En janvier, l’épicier s’est d’ailleurs doté pour la première fois d’un régime des droits des actionnaires en cas d’offre hostile, un outil de plus pour enrichir ses actionnaires.
En vertu de ce régime, les actionnaires et le conseil d’administration de Metro disposent de 105 jours pour évaluer toute offre non sollicitée et examiner de meilleures alternatives tout en favorisant un traitement équitable des actionnaires.