Bientôt la fin du cycle des hausses de taux, dit ce gestionnaire
Morningstar|Publié le 20 octobre 2022Le but du resserrement monétaire des banques centrales était de faire baisser les pressions inflationnistes. (Photo: 123RF)
Le resserrement monétaire des banques centrales, dont le but était de faire baisser les pressions inflationnistes, a eu un effet délétère sur les obligations à rendement élevé. Pourtant, maintient le spécialiste de longue date du revenu fixe Geoff Castle qui gère le Fonds d’obligations de sociétés Pender (5 étoiles, 1,4 milliard de dollars d’actifs sous gestion), le cycle des hausses de taux pourrait bien se terminer bientôt, et les perspectives des obligations à rendement élevé être beaucoup plus reluisantes au cours de 2023.
«Nous approchons de la fin du resserrement», dit M. Castle, gestionnaire de portefeuille auprès de la société de Vancouver PenderFund Capital Management Ltée. «Si l’on examine les ingrédients qui provoquent l’inflation, ils ont tendance à se disperser. Le prix des marchandises est en baisse. Les indices des directeurs des achats, qui indiquent les nouvelles commandes, sont aussi en train de baisser spectaculairement. La croissance des salaires, qui est un des croquemitaines de la Réserve fédérale américaine, semble avoir calé et commencé à reculer ces deux derniers mois. Parfois, il faut un peu de temps pour que ça se voit dans l’indice des prix à la consommation», dit-il, notant que les gens sont en train de réduire leur consommation et de faire de nouveaux investissements. «Et ça va conduire à une baisse de l’inflation, ce qui est bon pour les obligations, et surtout les obligations de qualité supérieure.»
Le marché des contrats à terme normalisés indique qu’il pourrait encore y avoir une hausse de 75 points de base de la Réserve fédérale, dit M. Castle, qui est entré à PenderFund en 2015 et qui a une ancienneté de 22 ans dans l’industrie. Il a débuté sa carrière comme analyste d’actions à AIC Ltée à Burlington (en Ontario), puis est passé dans la section des titres de créances à Poerex Corp. (à Vancouver), où il évaluait la solvabilité des firmes énergétiques nord-américaines, et s’est ensuite mis au service d’une personne fortunée à Vancouver, gérant ses placements obligataires dans un bureau familial.
Les investisseurs sont encore trop endoloris
«Je pense que nous approchons la fin du cycle, ajoute M. Castle. Pour le moment, les gens viennent de recevoir un coup de poing dans l’estomac et essaient de reprendre leur souflle, mais nous sommes certainement plus proches de la fin du processus que du début. Qu’il y ait une annonce supplémentaire de la Fed ou deux, nous avons serré suffisamment la ceinture pendant la chute, et peut-être qu’il est temps que ça s’arrête.»
M. Castle note quand même que les sociétés qui se maintiennent tant bien que mal ne connaîtront peut-être pas autant de répit si le cycle des hausses de taux se termine parce qu’elles souffriront d’une économie qui sera probablement un peu plus faible, mais les sociétés les plus solides devraient pouvoir bien résister dans l’éventualité d’un ralentissement.
Quatre signes d’un sentiment extrême
En août, M. Castle avait écrit dans un commentaire sur les fonds que le moment était peut-être venu de «se remettre à l’eau». Il y a plusieurs éléments en jeu, affirme-t-il. «D’abord, quand on regarde le prix des obligations de qualité supérieure, leurs rendements sont les plus élevés en 14 ans.
Ensuite, quand on regarde le positionnement des participants au marché, on y voit des positions vendeur nettes dans des placements comme les FNB d’obligations à rendement élevé. Dans un d’entre eux, 45% du flottant total ont été vendus à découvert. Cela donne une idée du positionnement du marché.»
Un excellent scénario pour les anticonformistes
Troisièmement, un examen des flux des fonds révèle que cette année a été extraordinairement négative pour les fonds communs et les FNB. «Il y a eu un véritable jeu de massacre pour les FNB. Certains ont la moitié de leur taille d’il y a deux ans.»
Quatrièmement, selon M. Castle, le sentiment des investisseurs sur les attentes de rendements des bons du Trésor est le plus sévère de ces dix dernières années. Si on regroupe tout ça: les bas prix, les flux et le sentiment anti-marché, et que l’on songe à ce que serait une situation de rêve pour que le mouvement s’inverse, eh bien on dirait bien que nous y sommes.»
Nous nous trouvons à l’opposé même de la situation du mois d’août 2020, où les rendements étaient très faibles et le sentiment fort. «Il s’est trouvé que ça coïncidait avec le plus haut niveau historique des indices obligataires, observe M. Castle. Ce qui se produit actuellement, c’est exactement l’inverse.»
Un rendement de premier quartile
Du 1er janvier au 12 octobre, la catégorie Revenu fixe à rendement élevé a eu un rendement de -11,66%. Pour sa part, grâce à certains positionnements habiles, celui du Fonds d’obligations de sociétés Pender F a été de -6,73%. Sur un, trois et cinq ans, ce fonds de premier quartile a produit des résultats solides. Son rendement annualisé a été de 4,54% sur cinq ans, contre 0,60% pour la catégorie.
«Bien que n’étant pas des voyantes extra-lucides, nous pensions bel et bien que les taux pourraient grimper, aussi avons-nous conservé une durée relativement courte et nous sommes-nous concentrés sur les obligations de qualité supérieure. Cela a réduit les effets des hausses de taux d’intérêt, dit M. Castle. Lorsque nous prenons quand même des positions risquées, nous choisissons un nombre limité de noms qui suscitent chez nous une forte conviction, et dont nous sommes persuadés qu’ils peuvent résister aux ouragans économiques.»
Le moment est-il venu de se tremper les orteils?
En raison de la situation actuelle du marché, M. Castle affirme que le moment est venu de «se jeter à l’eau», et surtout d’investir dans les obligations de qualité supérieure. Il s’agit d’obligations de qualité supérieure offrant d’excellentes garanties et d’émissions à rendement élevé qui, bien que les organismes de cotation ne leur aient pas accordé un statut de qualité supérieure, affichent des données fondamentales solides, comme un ratio de dette/capitalisation peu élevé, une couverture de taux d’intérêt robuste, et beaucoup d’actifs qui peuvent être vendus à la hâte s’il le faut.
«Ce sont des choses qui peuvent procurer un profil de crédit très fort, mais les organismes de cotation prennent parfois beaucoup de temps pour accorder une cote de qualité supérieure, et parfois, la société n’émet pas de nouveaux titres de créances et l’organisme de cotation n’a donc aucune raison de se pencher sur cette question.»
Actuellement, l’écart entre les obligations à rendement élevé et les bons du Trésor américain se situent entre 500 et 550 pdb.
«Une autre statistique qu’il faut garder à l’esprit est le “rendement tout compris”, c’est-à-dire l’écart plus le taux sans risque. Ce chiffre se situe entre 900 et 950 pdb, ce qui est très comparable aux sommets de 2016 et 2012, lorsque le marché était en baisse. Toutefois, l’écart n’est pas aussi grand qu’en 2012 et en 2016 parce que nous avons affaire à un taux des fonds fédéraux et une courbe de rendement beaucoup plus élevés. S’il fallait utiliser les phénomènes climatiques comme analogie et qu’au cours des 20 dernières années il y a eu un ouragan et quatre gros orages, nous en sommes au niveau d’un gros orage, mais pas à celui d’un ouragan.»
Augmenter la durée
Du point de vue stratégique, M. Castle a tiré profit de rendements plus élevés et fait passer la durée de 3,4 ans en juin à 3,9 ans, alors que celle de l’indice ICE BofA US High Yield est de cinq ans. Du point de vue géographique, environ 56% du fonds sont constitués d’émissions américaines, 28,2% d’obligations canadiennes, et le reste d’une combinaison d’obligations internationales et d’actions privilégiées. Actuellement, le fonds est investi dans les titres de 123 émetteurs. Environ 26% sont détenus dans les obligations de qualité supérieure et 74% dans les obligations à rendement élevé (cotées BB+ et moins). Le rendement courant du fonds est de 6% avant les frais.
Les critères essentiels pour les obligations de sociétés
Quand il choisit des titres, M. Castle cherche plusieurs attributs. «Nous cherchons une bonne valeur. La question est: “Est-ce que nous nous procurons une entreprise à un prix plus bas que ce que devrait être sa valeur? Est-ce que nous faisons une bonne affaire?” La deuxième chose que nous cherchons, ce sont les risques auxquels l’entreprise est exposée. A-t-elle une forte bastille économique qui la protège? Enfin, ce que nous nous demandons, c’est si l’entreprise est forte du point de vue financier, si elle a un bon bilan comptable et si son endettement est gérable par rapport aux flux de trésorerie que l’on attend d’elle.»
Un avoir représentatif du fonds est l’obligation garantie de premier rang cotée BBB — de Verisign Inc. (VRSN), qui arrivera à échéance en 2027, avec un rendement à l’échéance de 5,7%.
«La société a le monopole de l’enregistrement des noms de domaines de dot-coms. Il y a 160 millions noms de domaines qui doivent chacun payer 8,97% par an. L’entreprise est phénoménalement profitable. L’endettement net de la société équivaut à environ un an de flux de trésorerie disponibles. C’est une maison relativement à l’épreuve du feu.»
Un autre avoir est Uber Technologies Inc. (UBER), un grand service de covoiturage qui offre un prêt à terme coté B+ arrivant à échéance en 2025 avec un rendement de 7,3%. «Ces deux sociétés sont des exemples de risque relativement faible à prendre. Rien n’est entièrement sans risque, mais dans le premier cas on gagne 5,7% et dans le deuxième 7,3%, ce qui montre bien à quel point les rendements ont augmenté dans les situations relativement sans risque.
Un rendement à court terme solide
Pour l’avenir, il concède que le marché obligataire ne donne pas exactement le feu vert dans toutes ses sections, mais il est fort probable que les investisseurs reviendront de belle manière sur le marché pour des titres de créances de sociétés de qualité supérieure à court terme, dit M. Castle. “Si l’on pense aux obligations gouvernementales à court terme [par exemple, le rendement des bons du Trésor américain sur deux ans rapportent 4,2%] et que l’on y ajoute un écart pour les obligations de sociétés, il pourrait bien s’agir de 5,5%. »