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Les analystes demeurent optimistes pour SNC-Lavalin

Stéphane Rolland|Édition d'août 2019

La majorité des analystes s'opposent au verdict du marché qui attribue une faible valeur aux actifs de SNC-Lavalin ...

La majorité des analystes s’opposent au verdict du marché qui attribue une faible valeur aux actifs de SNC-Lavalin (SNC, 16,81 $). Malgré les problèmes d’exécution à répétition, ils continuent de croire que le titre de la firme montréalaise de génie-conseil est une aubaine ayant le potentiel de créer beaucoup de valeur pour ses actionnaires. Le camp pessimiste craint cependant que le titre soit plutôt un piège à valeur.

De son propre aveu, Yuri Lynk, de Canaccord, admet que sa recommandation d’achat a été «destructrice de valeur» pour ceux qui l’ont suivi. Pourtant, l’analyste «n’est pas prêt à déclarer forfait», écrit-il dans une note publiée après la publication des résultats du deuxième trimestre. La société a été contrainte de sabrer son dividende de 80 % après avoir dévoilé une perte ajustée avant intérêts, impôts et amortissement de 152 M$ dans sa division Infrastructures et construction.

SNC-Lavalin se trouve dans une situation difficile. Une série de projets à prix fixe ont affiché des dépassements de coûts importants au moment même où la société se trouve empêtrée dans une controverse judiciaire qui a fait les choux gras des parlementaires à la Chambre des communes.

En réaction, la direction a décidé d’abandonner les projets de construction à prix fixe pour se recentrer vers les services de conseil où les marges sont plus élevées, et les risques d’explosion des coûts, moindres. Par contre, la société doit tout de même honorer ses engagements précédents et des coûts supplémentaires liés aux projets restants pourraient affaiblir son bilan. Depuis juillet 2018, le titre a perdu près de 70 % de sa valeur dans une glissade quasi ininterrompue.

Yuri Lynk croit que la direction a pris la bonne décision en s’éloignant des projets de construction. Une fois que les actionnaires seront rassurés sur les projets restants et qu’ils prendront la mesure du potentiel du segment des services, l’analyste de Canaccord pense que le titre obtiendra une meilleure évaluation. «Par contre, cela pourra prendre du temps, environ cinq ans, ce qui fait en sorte que SNC-Lavalin n’est appropriée que pour les investisseurs valeurs convaincus dont l’horizon de placement est à long terme», prévient-il.

Même si le contexte est particulièrement difficile pour SNC-Lavalin, l’opinion de M. Lynk n’est pas minoritaire parmi les analystes. Ils sont deux fois plus nombreux à recommander l’achat du titre par rapport à ceux qui préfèrent rester à l’écart. Des 12 qui suivent le titre, 8 émettent une recommandation d’achat contre 4 qui s’en abstiennent, selon une recension faite par Reuters.

Derek Spronck, de RBC Marchés des capitaux, croit que le risque est de moindre ampleur pour la suite des choses. Il reste encore pour 3,4 milliards de dollars en projets à compléter. De ce lot, 2,5 G$ représentent des projets ferroviaires «standards» dont la complexité est relativement «faible». Il croit aussi que les marges des activités de la division Conception et ingénierie et celles du segment nucléaire vont se normaliser. En rebutant les investisseurs, la volatilité des résultats offre une occasion de mettre la main sur le titre, selon lui.

De mauvaises surprises encore possibles

Les actionnaires ne sont probablement pas encore au bout de leur peine, selon Maxim Sytchev, de Financière Banque Nationale. En faisant une recension des révisions de coûts des cinq dernières années, il arrive à la conclusion qu’il pourrait encore avoir des dépassements de coûts de 30 % dans les projets restants.

L’évaluation qu’il fait de la valeur intrinsèque du titre de SNC-Lavalin explique pourquoi la majorité des analystes persistent à recommander son achat. Outre la participation dans l’autoroute 407, le marché attribue une valeur de 1 G$ aux autres activités de SNC-Lavalin, estime l’analyste de Financière Banque Nationale. À elle seule, la division «Conception et ingénierie» devrait valoir 4 G$, selon lui. «La valeur intrinsèque de SNC-Lavalin est claire, mais les investisseurs ne sont plus capables de tolérer la volatilité des contrats à prix fixe, même si la société est en train d’abandonner ce segment.»

Un bilan à risque ?

Pour Devin Dodge, de BMO Marchés des capitaux, l’aubaine apparente du titre n’est peut-être pas aussi limpide que veut le croire la majorité de ses pairs. L’évaluation laisse entendre que la marché «s’attend à peu», mais «nous croyons que les prévisions, incluant les nôtres, pourraient être trop optimistes à la lumière des manquements passés.»

L’analyste craint que le poids de la dette s’alourdisse davantage à la suite de nouveaux surcoûts imprévus qui feront fondre les liquidités. Il pense que la société pourrait être contrainte d’aller chercher de nouveaux capitaux. En tenant compte de la vente d’une partie de la participation de l’entreprise dans l’autoroute 407 en Ontario, M. Dodge estime que l’endettement se trouve à un ratio de 2,5 fois la dette nette sur le bénéfice avant impôts, intérêts et amortissement (BAIIA), ce qui est supérieur à l’objectif de la direction qui se situe dans une fourchette de 1 à 1,5 fois. L’analyste pense que ce ratio pourrait monter à 4 fois au troisième trimestre. Les conventions avec ses créanciers prévoient un maximum de 3,75 fois.

Frederic Bastien, de Raymond James, croit lui aussi que la situation financière de l’entreprise est plus inquiétante qu’il n’y paraît. Il fait cette mise en garde à ceux qui seraient tentés de suivre le consensus des analystes. «Le profil des liquidités est si précaire que la société ne peut pas envisager de profiter du prix déprimé pour racheter des actions. Elle n’a pas eu le choix de réduire son dividende et devra affecter tous les produits de la vente de sa participation dans l’autoroute 407 au remboursement de la dette. Méfiez-vous du couteau qui tombe !»