Couche-Tard, le Japon et une plus grande ouverture aux investisseurs étrangers
Jean-Philippe Legault|Publié le 30 août 2024L’acquisition de Seven & I par Couche-Tard, qui semblait impossible il y a quelques années, est aujourd’hui davantage probable. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Le rendement total de l’indice boursier japonais n’est pas très reluisant sur une longue période. En 2024, l’indice boursier Nikkei a dépassé pour la première fois le précédent sommet atteint en 1989 lors de la bulle spéculative japonaise. Pendant de nombreuses années, l’environnement économique et boursier japonais n’a pas été favorable aux actionnaires.
En effet, plusieurs entreprises japonaises conservaient des sommes excessives d’encaisse et ne cherchaient pas à créer de la valeur en optimisant l’allocation de leur capital. De plus, la participation croisée, une pratique qui permet à des sociétés de se détenir mutuellement, empêchait les investisseurs étrangers de prendre une position de contrôle dans la majorité des sociétés japonaises.
Toutefois, des réformes de gouvernance ont entraîné une plus grande ouverture face aux investisseurs étrangers. C’est peut-être ce qui a incité Berkshire Hathaway (BRK.B, 471,88$US) à prendre des participations importantes dans quelques sociétés japonaises en 2020. The Japan Times rapporte que des investisseurs activistes ont réalisé plus de 100 investissements totalisant 318 milliards de dollars au Japon en 2024. En résumé, l’amélioration de la gouvernance, combinée à des valorisations boursières attrayantes, attire de plus en plus les investisseurs étrangers.
Dans ce contexte, il semble naturel de voir Alimentation Couche-Tard (ATD, 77,05$) tenter une acquisition majeure au Japon. L’acquisition de Seven & I Holdings (3382.T, 2098,50 yens, Bourse de Tokyo), qui semblait impossible il y a quelques années, est aujourd’hui davantage probable en raison des conditions plus favorables.
Au fil des années, Couche-Tard a développé une recette éprouvée pour améliorer la rentabilité des dépanneurs qu’elle acquiert. L’exemple flagrant est celui de l’acquisition de Circle K en 2003, dont la rentabilité avait littéralement explosé après son acquisition par Couche-Tard. Même si le marché demeure fragmenté aux États-Unis et qu’il existe encore plusieurs cibles d’acquisitions, nous croyons qu’il devient de plus en plus difficile pour Couche-Tard de reproduire ses succès passés dans ce pays. De nombreux investisseurs, y compris les firmes de capital privé, tentent de reproduire la recette gagnante de Couche-Tard, ce qui rend difficile la réalisation d’acquisitions à bon prix.
L’acquisition potentielle de Seven & I pourrait s’avérer bénéfique pour Couche-Tard, étant donné le potentiel d’amélioration de la rentabilité. Au cours des dernières années, la performance de la société japonaise est restée mitigée. Ce type de sous-performance financière pendant plusieurs années est généralement moins courant aux États-Unis. La présence d’investisseurs activistes ainsi que les nombreuses acquisitions éliminent naturellement les entreprises sous-performantes. Ce dynamisme est encore peu présent au Japon.
De grandes questions restent toutefois en suspens. Est-ce que le gouvernement japonais acceptera de laisser des étrangers contrôler cette importante société nipponne? Quelles seront les conditions imposées? L’acceptation d’une telle transaction pourrait non seulement avoir des retombées positives pour Couche-Tard, mais également d’importantes implications pour l’économie du Japon. Plusieurs investisseurs étrangers pourraient désormais regarder vers le pays du Soleil levant pour des investissements futurs.
Jean-Philippe Legault, CFA
Gestionnaire de portefeuille chez COTE 100
Ce blogue était mon dernier de l’été. La semaine prochaine, Philippe Le Blanc reprendra l’écriture de ses blogues hebdomadaires. Merci et à bientôt!