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Philippe Leblanc

Entre les lignes

Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

Les pires défauts d’un dirigeant d’une entreprise cotée en Bourse

Philippe Leblanc|Publié à 10h37

Les pires défauts d’un dirigeant d’une entreprise cotée en Bourse

Certains dirigeants ont connu le succès tout au long de leur vie. Il peut alors être facile de surestimer ses capacités et de croire qu’on ne peut pas commettre d’erreurs. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. J’ai écrit quelques blogues dans le passé sur les qualités qui font d’excellents dirigeants d’entreprises, notamment « Est-il possible de mesurer la qualité d’une équipe de direction ? ».

Permettez-moi d’inverser la question, comme le faisait Charlie Munger : quels sont les travers ou les défauts que nous ne voudrions pas que nos dirigeants possèdent ?

Voici ce que je considère comme les pires tares d’un dirigeant d’entreprise, celles qu’il faudrait selon moi éviter à tout prix avant d’investir dans une entreprise. Car, faut-il le rappeler, un investisseur devrait aborder une entreprise cotée en Bourse de la même manière qu’il le ferait avec une entreprise privée. Voudriez-vous avoir un ou plusieurs partenaires dans une entreprise privée qui possèdent de tels défauts?

L’absence d’intégrité. Les conflits d’intérêts sont omniprésents dans le monde des affaires. Un dirigeant malhonnête ou qui ne se préoccupe pas des autres actionnaires de l’entreprise qu’il dirige peut facilement se retrouver dans une situation conflictuelle. Je pense par exemple à certains dirigeants qui louent des bâtiments à l’entreprise qu’ils dirigent ou qui offrent des services à cette entreprise par l’intermédiaire d’autres sociétés qu’ils possèdent. Les exemples sont multiples et assez courants pour quiconque prend le temps d’examiner de tels conflits.

Une autre situation concerne ce qu’on appelle un « aléa moral », qui désigne une situation dans laquelle un dirigeant est incité à prendre davantage de risques parce qu’il sait que d’autres parties assumeront les conséquences de ces risques. Je pense notamment à ces dirigeants qui sont principalement rémunérés par le biais d’options d’achat d’actions. Celles-ci ne seront exercées que si le cours de l’action s’apprécie fortement ; dans le cas contraire, le dirigeant n’exercera pas ses options et n’aura pas eu à débourser un sou.

D’autres dirigeants ne penseront qu’à s’enrichir personnellement, souvent aux dépens des autres actionnaires, que ce soit par des salaires mirobolants ou des primes relativement faciles à obtenir.

Mentir ou tricher. Lorsque les intérêts financiers d’un dirigeant ne sont pas alignés avec ceux des propriétaires, la tentation peut être forte de gonfler la valeur d’un titre à court terme en embellissant ses perspectives. Il y a quelques mois, nous avons vendu nos actions dans une petite société américaine parce que nous croyions probable que ses dirigeants gonflaient ses bénéfices actuels en adoptant des hypothèses agressives dans la préparation de ses états financiers.

Une confiance aveugle en ses propres capacités. Certains dirigeants ont connu le succès tout au long de leur vie. Il peut alors être facile de surestimer ses capacités et de croire qu’on ne peut pas commettre d’erreurs. La «surconfiance» est un biais qui affecte de nombreux investisseurs boursiers, mais elle peut aussi toucher des dirigeants d’entreprises qui pensent ne jamais faire d’erreurs.

Népotisme et copinage. La dernière chose que l’on souhaite de la part des dirigeants de nos entreprises est qu’ils nomment des membres de leur équipe en fonction de liens de parenté ou parce qu’ils sont des amis. Au contraire, nous favorisons la méritocratie, où les nominations vont aux plus méritants.

Un style de gestion autocratique. Un dirigeant qui surestime ses capacités pourrait avoir tendance à prendre toutes les décisions stratégiques d’importance pour l’entreprise et à ne se fier à personne d’autre dans son organisation. S’il s’entoure de cadres capables de l’aider dans la prise de décisions, ce ne sera que des personnes qui pensent comme lui ou qui ne feront qu’approuver ses choix.

L’antithèse de tous ces travers. L’antithèse de tous ces travers est probablement Warren Buffett et Berkshire Hathaway (BRK.B, 475,59$US). Ses communications avec les actionnaires de la société ont toujours été transparentes et honnêtes, présentant autant les réussites que les échecs, ainsi que le potentiel de croissance et les risques. Son salaire est très raisonnable. De plus, il a toujours possédé un grand nombre d’actions de la société, alignant ainsi ses intérêts personnels avec ceux de ses actionnaires.

Par ailleurs, le modèle d’affaires de Berkshire Hathaway a toujours été fondé sur la décentralisation des activités et des décisions. Warren Buffett n’intervient presque jamais dans les décisions des nombreuses entreprises qui composent le conglomérat, se concentrant principalement sur l’allocation des flux de trésorerie libres de l’entreprise.

Enfin, Buffett a démontré à maintes reprises qu’il est prêt à se remettre en question, à admettre ses erreurs et, surtout, à apprendre de celles-ci afin de ne pas les reproduire.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100