En plein dans une grève des travailleurs de Postes Canada, c’est aux fabricants de fouets de buggy que je ne peux m’empêcher de penser.(Photo by Vintage Images/Getty Images)
EXPERT INVITÉ. Lorsque l’automobile a été inventée au tournant du 19e siècle, des entreprises ont continué à produire des fouets de buggy utilisés par les cochers. Connaissant ce qui s’est produit par la suite, on peut se demander pourquoi ces entreprises se sont entêtées à fabriquer un produit qui allait bientôt disparaître, si ce n’est dans les musées et les granges. De nombreuses personnes ont bien sûr continué à utiliser le cheval comme moyen de transport dans les années qui ont suivi (lorsque je vais visiter mes enfants à leur école au fin fond de l’Ohio, on croise encore des calèches sur les routes rurales!), mais le sort des fabricants de fouets de buggy était déjà scellé.
En plein dans une grève des travailleurs de Postes Canada, c’est aux fabricants de fouets de buggy que je ne peux m’empêcher de penser. Comment ne pas envisager un sort similaire pour la distribution de lettres et de colis par une entreprise publique? À quand remonte la dernière lettre que vous avez écrite à la main et postée à un ami? Quand avez-vous envoyé un chèque pour régler une facture? À l’heure des textos, de FaceTime, des courriels, des paiements électroniques et des expéditions de colis reçus en un jour, je me demande quelles sont les perspectives à long terme de Postes Canada.
Les chiffres ne mentent pas : Postes Canada a enregistré une perte avant impôt de 748 millions de dollars en 2023, comparativement à une perte de 548 millions en 2022. Au troisième trimestre de 2024, la société a déclaré une perte avant impôt de 315 millions, en hausse par rapport aux 290 millions perdus à la même période l’année précédente. Selon La Presse, «ces pertes sont principalement attribuables à la diminution continue des volumes de courrier traditionnel et à une concurrence accrue dans le secteur de la livraison de colis».
Postes Canada a longtemps eu sa raison d’être. Dans un pays aussi vaste que le nôtre, la société de la couronne a joué un rôle essentiel pendant des décennies et a assuré le développement économique et social du Canada. Mais les temps ont changé et les choses ne s’amélioreront pas pour l’entreprise.
Je me pose des questions : Postes Canada pourra-t-elle s’adapter et rivaliser avec les entreprises privées pour la livraison de colis? La livraison de colis est-elle un service qu’une société de la couronne se doit d’offrir? La distribution de lettres est-elle toujours un service essentiel?
Avec le temps, la plupart des entreprises ou industries sont vouées à disparaître. Les investisseurs doivent sans cesse se le rappeler, surtout dans notre ère technologique qui ne cesse de disloquer des pans entiers de l’ancienne économie. Le mouvement s’accélérera sans doute alors que nous entrons dans l’ère de l’intelligence artificielle.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100