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Béret, baguette et Bourse

Denis Lalonde|Édition de la mi‑septembre 2024

Béret, baguette et Bourse

(Illustration: Sébastien Thibault)

Cet été, tous les yeux étaient tournés vers Paris pour les Jeux olympiques et paralympiques. La Bourse de Paris peut-elle aussi attirer les regards en offrant d’investir dans des entreprises parmi les meilleures du monde ?

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En avril dernier, au moment de la visite de Gabriel Attal, alors premier ministre de la France, Montréal International affirmait que près de 70 % des entreprises membres de l’indice boursier CAC 40, qui regroupe 40 des plus grandes capitalisations boursières françaises, possédaient des activités dans la grande région métropolitaine de Montréal.

« Ce n’est pas une science exacte, mais on estime entre 1150 et 1200 le nombre de filiales françaises au Canada, ce qui représente à peu près 130 000 salariés. Je n’ai pas de chiffres précis [pour le] Québec, mais on peut dire que 80 % des filiales françaises ont une présence dans la province », raconte Christelle Rousseau, directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie française au Canada, présente à Montréal depuis 1886.

Montréal International estime de son côté que 380 filiales françaises logent dans la grande région de Montréal et comptent un total de 45 600 salariés.

Les investisseurs québécois pourraient donc bénéficier d’une option jumelant diversification géographique et présence locale en sélectionnant quelques titres d’entreprises françaises.

« L’indice français CAC 40 est très compliqué parce que, déjà, vous n’avez pas de technologie dedans. Même une entreprise comme Ubisoft (UBI.PA, 11,73 €) n’en fait pas partie », raconte John Plassard, directeur de Mirabaud, un groupe financier international basé à Genève et qui possède un bureau à Montréal.

Il ajoute que l’indice est surtout présent dans l’énergie avec TotalEnergies (TTEF.PA, 61,07 €) et dans l’industrie du luxe avec des sociétés comme LVHM Moët Hennessy Louis Vuitton (MC.PA, 608,10 €), Hermès International (RMS.PA, 1 916,00 €), et L’Oréal (OR.PA, 366,65 €).

« L’Oréal, dans la mesure où on peut l’intégrer dans l’industrie des produits de luxe, est la seule des trois qui est présente au Québec, contrairement à LVMH, qui est le premier poids dans le CAC 40 à plus de 10 %, et Hermès », explique-t-il.

Ce que John Plassard trouve très intéressant est que les titres du luxe ont été malmenés depuis le début de l’année en raison de la faiblesse de la demande chinoise. « Si vous estimez, par exemple, que la demande chinoise va repartir pour les produits de luxe, vous pouvez acheter un fonds négocié en Bourse qui reproduit le rendement du CAC 40 et laisser porter », affirme-t-il.

Nicolas Budin, responsable de la gestion des actions européennes à Myria AM, soutient que l’indice principal de la Bourse de Paris offre une exposition internationale et pas seulement au marché français. Myria AM est une société de gestion de l’Union financière de France, une banque spécialisée dans la gestion de patrimoine.

« Quand on pense tout simplement au CAC 40, l’indice renferme des titres de sociétés de grande taille offrant une exposition géographique qui sera très large », dit-il, estimant également que le secteur le plus intéressant est celui de la consommation discrétionnaire, incluant les titres de l’industrie du luxe, mais aussi de l’automobile, comme Renault (RNO.PA, 39,40 €).

Selon lui, la concentration de titres de l’industrie du luxe, dont LVHM, Hermès et Kering (KER.PA, 229,00 €), n’a pas d’équivalent ailleurs dans le monde.

« C’est une spécificité française. On peut en retrouver en Italie, mais dans une moindre mesure. Ensuite, on va avoir un acteur par-ci, par-là, dont Burberry Group (BRBY.L, 592,40 pence sterling) en Grande-Bretagne, et on peut en trouver aussi aux États-Unis, mais pas dans une telle concentration », explique-t-il.

Nicolas Budin ajoute que le CAC 40 compte aussi quelques sociétés de services financiers d’envergure internationale, dont les banques BNP Paribas (BNP.PA, 63,37 €) et Société Générale (GLE.PA, 22,15 €), de même que l’assureur Axa (CS.PA, 36,08 €).

Marc Lavoie, directeur des stratégies descendantes (« top-down ») mondiales chez Desjardins Gestion internationale d’actifs (DGIA), estime que les Québécois qui souhaiteraient investir dans le marché boursier français pourraient y voir une occasion de retirer une certaine concentration de leur portefeuille dans les gros secteurs classiques des financières, de l’énergie et des ressources naturelles.

S’il cite aussi le secteur de la consommation discrétionnaire comme une porte d’entrée valable dans les valeurs boursières françaises, le directeur y ajoute les titres de consommation de base comme Danone (BN.PA, 65,08 €), le fabricant de gaz industriels Air Liquide (AI.PA, 170,22 €), le géant des cosmétiques L’Oréal ou même le fabricant d’avions Airbus (AIR.PA, 130,50 €).

Un marché systématiquement sous-évalué

Le directeur de DGIA est toutefois d’avis que les marchés boursiers français et européens sont un peu en défaveur en ce moment. « Il y a des arguments forts en faveur de la Bourse américaine parce que c’est un marché qui possède plus de profondeur. En général, les investisseurs vont être prêts à payer des multiples d’évaluation plus élevés pour acheter des titres américains », dit-il, ajoutant que cela vaut pour tous les secteurs.

Nicolas Budin confirme que l’indice CAC 40 est systématiquement sous-évalué par rapport à l’indice phare de la Bourse américaine, le S&P 500, ou même au S&P/TSX de la Bourse de Toronto.

« Pour des sociétés totalement comparables, avec des flux de trésorerie, des bénéfices et des marges similaires, les évaluations d’entreprises européennes sont systématiquement inférieures à celles que l’on observe en Amérique du Nord », affirme-t-il.

Le 30 août, l’indice CAC 40 se négociait par exemple à un ratio cours/bénéfice de 14,2 fois, ce qui constitue un escompte de 24 % par rapport à celui de 18,6 fois du S&P/TSX et de 44 % par rapport à celui de 25,4 fois du S&P 500.

Performance boursière et instabilité politique

Le président français, Emmanuel Macron, a nommé Michel Barnier au poste de premier ministre au début du mois de septembre, une nomination qui est loin de faire l’unanimité. Toute l’instabilité politique qui a secoué la France ces derniers mois a pu, selon les trois gestionnaires, pénaliser le CAC 40, qui a reculé de 1,04 % entre le début de l’année et le 14 septembre, alors que le S&P/TSX et le S&P 500 se sont appréciés respectivement de 12,45 % et de 17,95 % durant la même période, selon des chiffres de LSEG Group.