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Des titres de valeur pour plus de diversification  

Leïla Jolin-Dahel|Édition de la mi‑octobre 2024

Des titres de valeur pour plus de diversification  

(Photo: Adobe Stock)

Les entreprises technologiques, dites de croissance, connaissent un fort engouement. Faudrait-il suivre la parade ou conserver des titres de valeur dans son portefeuille ?

Un titre de valeur est souvent vu comme négocié sous sa valeur réelle et comme un titre qui permet la concrétisation de profits lorsque le marché rectifie ce décalage. Les investisseurs qui privilégient cette stratégie cherchent donc à faire l’acquisition de titres de qualité à des prix qu’ils considèrent comme une aubaine.

François Rochon, président et gestionnaire de portefeuille à Giverny Capital, est formel. « La philosophie de base d’investissement valeur est qu’à long terme, la Bourse finit la plupart du temps par refléter la juste valeur des entreprises », résume celui qui, de son propre aveu, a été élevé selon ce principe. Il concède cependant que tous les investisseurs ne pensent pas nécessairement comme lui.

Ceux qui privilégient la croissance vont plutôt opter pour des titres qui, leur nom le dit, devraient croître plus que la moyenne de leur secteur d’activité ou du marché, en général. Ils achètent ainsi les bénéfices espérés dans l’avenir.

Évaluer la juste valeur d’une entreprise reste complexe aux yeux de François Rochon. « Théoriquement, ça doit refléter le prix des profits futurs prévus, mais en date d’aujourd’hui. Une fois cela calculé, il faut déterminer combien on veut débourser pour cette croissance prévue des bénéfices. »

Pour lui, les notions de titre de croissance ou de valeur ne sont pas la démarche à privilégier quand vient le temps de choisir des actions. Sa stratégie repose surtout sur la recherche d’entreprises dont la valeur intrinsèque pourrait augmenter à des ratios supérieurs à la moyenne et dont le titre se négocie à un prix raisonnable.

L’engouement pour les titres de croissance encourage selon lui plusieurs investisseurs à prendre des risques additionnels. « Les gens sont tellement enthousiastes qu’ils sont prêts à payer n’importe quel prix pour des actions de Nvidia ou d’Amazon, par exemple, dont les ratios cours/bénéfice me semblent particulièrement élevés et ne m’apparaissent pas intégrer une marge de sécurité suffisante. Ils éliminent les bienfaits de la croissance de la valeur intrinsèque d’une entreprise en surpayant pour acquérir des actions », dit-il.

Pour Richard Guay, professeur de finance à l’ESG-UQAM et ex-patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec, les titres de valeur demeurent un bon choix. « Même si BCE (BCE, 45,82 $) ou Johnson & Johnson (JNJ, 160,35 $ US), dit-il à titre d’exemple, n’ont pas le potentiel de croissance des entreprises en intelligence artificielle, ça reste qu’elles couvrent des besoins de base. »

Il rappelle que Warren Buffett affectionne les actions de Coca-Cola (KO, 69,89 $ US), même si leur croissance n’est pas très élevée. « Les titres de valeur donnent de beaux revenus stables. Quand ces entreprises ne sont pas chères, ce qui est le cas actuellement, oui, ça a sa place », dit-il.

Richard Guay souligne également qu’en cas de récession, ces titres subissent une perte moins vertigineuse que ceux de l’industrie technologique. À titre d’exemple, en août dernier, l’indice S&P 500 a baissé de 3 % et c’est le secteur des technologies de l’information qui en a pâti le plus. Le titre de Nvidia, notamment, avait à ce moment connu une chute plus brutale de 6,36 %, pendant qu’Alphabet, société mère de Google, perdait 4,61 %.

Des rendements pas seulement chez les gagnants

Au 3 octobre dernier, le S&P 500 Top 10 Index avait connu une hausse de 28,48 % depuis le début de l’année. L’ensemble de l’indice avait quant à lui grimpé de 19,5 %. « “Seulement” 19,5 %, c’est excellent comme rendement », lance d’emblée Richard Guay, en précisant que des taux de 6 % ou 7 % seraient déjà « très respectables ».

Les investisseurs en quête de croissance au cours des prochaines années devraient par ailleurs miser sur des titres moins célèbres que ceux des « sept magnifiques », croit de son côté Martin Delage. « Ils ont beaucoup plus de potentiel, car ils sont un peu délaissés par les investisseurs. Ils sont moins connus parce que ce ne sont pas des produits de consommation. » Il cite en exemple l’entreprise américaine d’informatique Cadence Design Systems (CDNS, 268,36 $ US), qui fait partie de l’indice NASDAQ 100. Ce titre a obtenu un rendement annuel moyen de 31,26 % au cours des 15 dernières années. « Le potentiel de croissance est beaucoup plus grand pour les prochaines années que pour une société comme Apple », affirme-t-il.

Rester diversifiés

Afin de minimiser les risques, Martin Delage rappelle aux investisseurs l’importance de se diversifier. « Il ne faut surtout pas être pleinement investi dans les titres gagnants des dernières années », croit-il.

De son côté, Richard Guay estime que l’audace peut être payante pour les gens prêts à le faire. « Mais c’est sûr qu’a priori, ces gens vont prendre plus de risques. S’ils ont raison, tant mieux. S’ils ont tort, ils vont dire “ah, j’aurais dû me diversifier”. Souhaitez-vous un portefeuille diversifié ou préférez-vous aller au casino ? Si vous voulez tout parier sur le rouge, vous avez une chance sur deux de faire 100 % de rendement. Mais si ça tombe sur le noir, vous perdez tout », illustre-t-il.

Aux gens plus prudents, il conseille de miser sur une variété de titres. Cela peut entre autres passer par le fait d’investir une certaine portion du portefeuille dans le marché boursier à l’international, dans des pays autres que le Canada et les États-Unis, notamment en Europe et en Asie.