Évaluer la rentabilité avec le ratio de la marge bénéficiaire
Simon Lord|Édition de la mi‑octobre 2024En 2023, la marge nette de Costco était de 2,6 %, loin sous la marge moyenne du S&P 500, qui oscillait cette année-là entre 11 % et 12 %. Pourtant, l’entreprise est l’une des plus performantes de son industrie. (Photo: Adobe Stock)
Le ratio de la marge bénéficiaire nette est un outil utile pour comprendre et évaluer la rentabilité d’une entreprise. Attention, toutefois, car ce ratio comporte un certain de nombre de pièges qu’il convient d’éviter au moment de l’interpréter. Voici comment le calculer et comment s’en servir.
Calculer le ratio de la marge bénéficiaire nette est simple : il s’agit de diviser le bénéfice net par les ventes totales, et de multiplier ensuite le résultat par 100.
« Pris par lui-même, ce ratio ne dit pas grand-chose, admet d’emblée Charles-Antoine Bérubé, analyste chez GPS Medici. C’est un ratio qu’il faut donc utiliser pour comparer une entreprise à d’autres du même secteur et de taille comparable, ou encore pour analyser l’évolution d’une société dans le temps. »
L’analyste illustre son propos avec l’exemple de Costco (COST, 906,98 $ US). En 2023, sa marge nette était de 2,6 %, loin sous la marge moyenne du S&P 500, qui oscillait cette année-là entre 11 % et 12 %.
Pourtant, l’entreprise est l’une des plus performantes de son industrie : non seulement elle ouvre de nouveaux magasins régulièrement, mais son achalandage est robuste et sa marque demeure solide.
« Comme les marges diffèrent énormément d’une industrie à l’autre, il est donc difficile de donner une fourchette dans laquelle cet indicateur devrait se trouver », dit l’analyste. Le ratio sera par exemple généralement plus faible dans certaines industries, comme le commerce de détail, où il pourrait se trouver sous la barre des 5 %, mais peut parfois dépasser 20 % dans d’autres industries, comme les services financiers.
Des subtilités à savoir
Au moment d’interpréter le ratio, il importe de garder en tête un certain nombre d’éléments qui viendront teinter la lecture du résultat.
D’abord, comme le numérateur comprend une soustraction des dépenses par définition — il s’agit du bénéfice net après tout, soit les revenus moins les dépenses et impôts —, la structure de capital peut affecter le résultat, même si elle ne vient pas modifier la performance de l’entreprise.
Charles-Antoine Bérubé donne un exemple concret : « Imaginez deux entreprises. La première est financée à 50 % par de la dette, et la seconde, entièrement par des capitaux propres. Il est clair que la deuxième aura un meilleur ratio parce qu’elle n’a pas d’intérêts à payer. Mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit nécessairement d’un meilleur investissement. »
Ensuite, des changements dans les taux d’imposition des entreprises peuvent également avoir un effet sur le ratio, puisque l’impôt est soustrait dans le numérateur du calcul.
« C’est donc à garder en tête si on analyse l’évolution de l’indicateur à travers le temps, dit Charles-Antoine Bérubé. Une fluctuation du ratio pourrait être due à un changement du taux d’imposition et ne signifierait donc pas que l’entreprise est plus, ou moins, performante qu’avant. »
Le piège du modèle d’affaires
Avec le ratio de la marge bénéficiaire, comparer une entreprise avec une autre du même secteur peut aussi être trompeur, prévient Maxime Dubé, gestionnaire de portefeuille à Claret.
« C’est que le modèle d’affaires peut faire une différence importante dans la structure de coûts », explique-t-il. Maxime Dubé cite à titre d’exemple le cas des émetteurs de cartes de crédit.
Visa (V, 284,77 $ US) et Mastercard (MA, 492,74 $ US) ont un modèle d’affaires similaire : les deux sociétés ont une structure de coûts relativement simple puisqu’elles chargent des frais sur les transactions, mais laissent le risque de crédit aux banques, qui émettent les cartes. Leur stratégie en est donc une de volume. American Express (AXP, 268,99 $ US), à l’inverse, assume le risque et émet la carte.
« Les marges sont donc plus faibles pour American Express parce que sa structure de coûts est plus lourde, dit le gestionnaire de portefeuille. Il faut donc toujours garder en tête que le ratio peut être difficile à comparer d’une société à l’autre, même au sein d’une même industrie. »
Pour avoir une meilleure idée de la rentabilité d’une entreprise, Maxime Dubé conseille aux investisseurs de consulter plusieurs indicateurs à la fois.
« Je regarderais tous les autres indicateurs de marge, comme celui de la marge brute, qui nous aidera à déterminer si l’entreprise réalise des économies d’échelle à mesure que son volume de ventes augmente », dit-il.
La marge du BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement), soit le BAIIA divisé par les ventes, est un autre bon indicateur complémentaire. Celui-ci est moins trompeur à certains égards puisqu’il inclut les dépenses d’exploitation, comme les salaires, les loyers et l’amortissement.
Enfin, Maxime Dubé parle d’un dernier piège à éviter.
« Certaines entreprises sont des price-takers [preneurs de prix], et d’autres, des price-makers [faiseurs de prix] », dit-il. Les pétrolières, par exemple, sont soumises au prix du marché, alors qu’une multinationale comme Microsoft (MSFT, 435,27 $ US) a plus de latitude pour décider du prix de son produit.
« D’une année à l’autres, les marges des pétrolières peuvent donc fluctuer significativement, mais cela peut n’avoir rien à voir avec la bonne ou mauvaise gestion de l’entreprise », dit-il. Selon lui, c’est un autre facteur dont il faut tenir compte.