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La dette: ennuyante, mais choquante

John Plassard|Publié à 11h18 | Mis à jour il y a 11 secondes

La dette: ennuyante, mais choquante

La dette américaine continue de croître, sans égard à la couleur politique du président en exercice. (Photo: Adobe Stock)

EXPERT INVITÉ. En lisant le titre de cette étude, vous pensez certainement que c’est un sujet (la
dette américaine) qui a été récemment traité. Et vous n’auriez pas tort. Cependant, si l’échéance du plafond de la dette américaine a été repoussée au 2 janvier 2025, cela n’empêche pas cette dernière de progresser. Elle vient d’ailleurs de dépasser un nouveau seuil historique: 36 000 000 000 000 $US! L’arrivée de Donald Trump au pouvoir va-t-elle inverser la tendance? Synthèse et analyse
.

Les faits

En janvier 2020, avant que la pandémie ne se propage aux États-Unis, le Congressional Budget Office prévoyait que la dette nationale brute atteindrait 30 000 milliards de dollars américains vers la fin de 2025.

Près d’un an avant cette date butoir, la dette publique des États-Unis vient de dépasser le chiffre inimaginable de 36 000 milliards de dollars américains, soit 11 500 milliards de plus qu’en mars 2020, au déclenchement de la crise de la COVID-19, où elle était d’environ 24 500 milliards de dollars.

La dette publique américaine est devenue l’une des questions politiques les plus importantes aux États-Unis ces dernières années, le débat sur la façon de la gérer provoquant des remous politiques entre les démocrates et les républicains. Aujourd’hui, la dette américaine dépasse allégrement les 100% du PIB (122%).

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Les statistiques de la démesure

La dette nationale américaine a franchi la barre des 36 000 milliards de dollars américains, à
36 030 milliards, quatre mois seulement après avoir franchi la barre des 35 000 milliards (le 26 juillet), et 11 mois après avoir franchi la barre des 34 000 milliards (le 29 décembre 2023), selon les données publiées mardi par le département du Trésor. Les milliards s’envolent si vite qu’il est difficile de les voir.

Depuis le début de l’année, la dette nationale a augmenté de 2000 milliards de dollars américains, malgré une croissance du PIB bien supérieure à la moyenne des 15 dernières années.

Ce qui est stupéfiant, c’est que le gouvernement a accumulé ces dettes énormes malgré la forte croissance de l’économie. Personne ne veut imaginer à quel point cette dette gonflerait en cas de récession, de baisse des recettes fiscales et d’augmentation des dépenses.

Depuis le début de l’année 2016, la dette totale a augmenté de 17 000 milliards de dollars américains, soit plus de 80%!

Pour mettre les chiffres de la dette américaine en perspective, 36 000 milliards de dollars américains, c’est plus que la taille combinée des économies de la Chine, du Japon, de l’Allemagne et de l’Inde.

Si chaque Américain déboursait aujourd’hui 1200 $US par mois pour rembourser la dette du pays, il faudrait attendre plus de 18 ans avant qu’elle ne soit remboursée.

Enfin, comment ne pas rappeler que dans moins de 10 ans, le gouvernement fédéral dépensera autant en remboursement de la dette que pour les budgets recherche et développement, en infrastructures et en Éducation … combinés!

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La combinaison de la dette

La dette totale de plus de 36 000 milliards de dollars américains se compose de deux types de
titres: 28 690 milliards de titres négociables sur le marché du Trésor et détenus par des investisseurs du monde entier, et 7340 milliards de titres non négociables détenus par les fonds de pension de l’État américain, le Social Security Trust Fund. Revue détaillée:

  • Titres négociables

Sur les 36 030 milliards de dollars américains de titres du Trésor, 28 690 milliards sont «détenus par le public» sur des comptes aux États-Unis et dans le monde entier, sur des comptes de courtage, dans des banques, des compagnies d’assurance, des centres financiers, des banques centrales, la Fed, etc. et ces titres peuvent être négociés sur le marché.

Les 7340 milliards de dollars américains restants de la dette sont détenus par les fonds de pension du
gouvernement fédéral, le fonds fiduciaire de la sécurité sociale et d’autres comptes gouvernementaux «internes», et ils ne sont pas échangés.

C’est pour ces 28 690 milliards de dollars américains que le gouvernement doit trouver des acheteurs, alors même que la Fed s’est délestée de ses avoirs en titres du Trésor dans le cadre du QT, se débarrassant à ce jour de 1430 milliards de dollars de titres du Trésor. Les investisseurs sont incités à acheter des titres du Trésor en raison du rendement, et s’ils se désintéressent et cessent d’acheter, le
rendement augmente jusqu’à ce que d’autres investisseurs le trouvent intéressant et achètent. Il y aura donc toujours une demande pour les titres du Trésor américain, mais le rendement peut être plus élevé, ce qui finit par poser un problème au gouvernement, car il doit payer les intérêts.

La composition des pays évolue: la Chine et quelques autres se délestent, tandis que les grands centres financiers et quelques autres pays augmentent leurs avoirs. Mais leur part dans cette dette exponentielle est passée de plus de 32%, en 2015, à seulement 22%, aujourd’hui.

  • Titres du Trésor non négociables

Comme indiqué plus haut, sur les 36 000 milliards de dollars américains de titres du Trésor en circulation, 7340 milliards sont détenus par des entités gouvernementales, telles que les fonds de pension gouvernementaux, le fonds fiduciaire de la sécurité sociale, etc.

Cette partie de la dette « détenue en interne » n’est pas négociée sur les marchés. En septembre, tous les investisseurs étrangers confondus ont ajouté 170 milliards de dollars à leurs avoirs en titres du Trésor américain – plus de la moitié de cette augmentation étant le fait de la zone euro – ce qui porte leurs
avoirs à un niveau record de 8,67 trillions de dollars.

Au cours des 12 derniers mois, ils ont augmenté leurs avoirs de 880 milliards de dollars, soit une hausse
de 15,4%! La Chine et le Japon, qui se sont délestés de leurs avoirs, ont été remplacés par des acheteurs enthousiastes en Europe, au Royaume-Uni, en Inde, au Canada, à Taïwan, dans les centres financiers, etc.

Les intérêts de la dette

La dette en soi n’est pas (si) importante; c’est surtout les intérêts de la dette qu’il faut regarder. Le pourcentage des paiements d’intérêts par rapport aux recettes fiscales est la mesure cruciale qui illustre le poids de la dette. En d’autres termes, dans quelle mesure les paiements d’intérêts absorbent-ils les recettes fiscales, et que reste-t-il pour payer d’autres choses?

À la fin du troisième trimestre, les intérêts de la dette aux États-Unis étaient de 1089,085 milliards de dollars américains.

L’histoire montre que lorsque les paiements d’intérêts absorbent près de la moitié des recettes fiscales, le reste du monde devient très nerveux à l’égard de la dette américaine et le Congrès finit par s’attaquer plus sérieusement à ce problème.

À la fin de l’année, les paiements d’intérêts sur la dette nationale des États-Unis atteindront 1140 milliards de dollars américains, soit 76% de l’ensemble des impôts sur le revenu perçus…

Petits rappels utiles

Tout d’abord, il faut rappeler qu’un gouvernement n’est pas un ménage en ce sens qu’il n’a pas besoin de rembourser entièrement sa dette, comme vous pouvez le faire avec votre hypothèque, par exemple.

Par ailleurs, un gouvernement a la capacité (possibilité) de taxer l’économie de son pays à sa guise pour faire évoluer (ou non) ses recettes.

Si on prend le cas des États-Unis, depuis 1947, sa dette publique a augmenté à un taux annuel moyen d’environ 6,3 %. En parallèle, le PIB nominal américain a augmenté à un taux annuel d’environ … 6,3%!

En croissant, la dette publique est aujourd’hui d’un peu plus de 36 000 milliards de dollars américains, alors que le PIB était en 2023 de 27 360 milliards.

S’il est un peu erroné de comparer le montant d’une dette publique et celui d’un PIB on peut cependant évaluer la dette en pourcentage du PIB (122%).

Notons que nous sommes aujourd’hui au-delà des chiffres de la Deuxième Guerre mondiale. Nous ne sommes bien évidemment pas dans la même situation, puisque c’est plutôt la course à l’emprunt et à la dépense qui expliquent la progression de la dette fédérale.

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Pas de pourcentage magique

Si un ratio dette/PIB supérieur à 100% semble a priori insoutenable et dangereux, le Japon est l’exemple criant d’une grande économie développée où cette proportion peut aller bien plus haut.

Le ratio dette/PIB du Japon est en effet passé de 100% à 264% (cependant, les intérêts de la dette ont diminué à cause (grâce?) des taux d’intérêt négatifs) sans que l’on s’en soucie réellement.

Rappelons que la majeure partie de la dette japonaise est détenue par les… Japonais!

Si 30 ans de déflation, de croissance anémique et de baisse des taux au Japon ne sont pas des éléments qui doivent être jalousés, on peut cependant affirmer qu’il n’y a pas un taux d’endettement magique à partir duquel une crise massive est déclenchée

Quand le déficit fédéral devient-il important?

Si les chiffres du déficit sont très importants, force est de constater que cela fait des décennies que les analystes ne s’en inquiètent plus du tout. La question est alors de savoir jusqu’à quel niveau cela peut se poursuivre. La réponse est (assez) simple: c’est le niveau de l’inflation qui compte et non la dette en elle-même.

Comme le rappelle le professeur Renault de l’IESEG, théoriquement l’inflation permet de réduire le poids de la dette, mais les risques associés sont difficiles à anticiper et peuvent s’avérer dévastateurs.

Et surtout, le problème n’est absolument pas réglé. Une fois l’ensemble de la dette roulée, si le taux de croissance nominal du PIB (inflation + croissance réelle) est inférieur au taux de croissance de la dette (déficit primaire + charge d’intérêt de la dette), alors la dette en pourcentage du PIB augmentera inexorablement.

Par ailleurs, une inflation plus forte va historiquement (et logiquement) de pair avec des taux d’intérêt plus élevés. Rappelons que c’est la faiblesse des taux d’intérêt qui a donné aux gouvernements une certaine marge de manœuvre sur leurs emprunts et leurs dépenses. Cette marge de manœuvre serait alors réduite, voire annulée.

Enfin, une étude de l’OCDE montre que pour un pays avec une maturité de dette dans la moyenne, il faudrait une inflation autour de 6 % pendant 10 ans pour simplement retrouver le niveau de dette d’avant crise!

Et ceci sans prendre en compte les effets négatifs d’une politique inflationniste: volatilité des taux de change, incertitude sur la capacité à instaurer une nouvelle cible d’inflation crédible, risque d’hyperinflation, coût de la désinflation dans le futur…

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Qu’en est-il du plafond de la dette?

Un gouvernement américain unifié sous contrôle républicain pourrait simplifier le processus de résolution de la crise du plafond de la dette, les stratèges de Wall Street prévoyant une résolution potentielle d’ici la fin du printemps 2025.

Le plafond de la dette, qui doit être rétabli le 2 janvier 2025, oblige le Trésor à réduire son solde de trésorerie et à recourir à des mesures extraordinaires pour éviter de dépasser la limite, mais la dynamique politique laisse présager des débats moins contentieux que lors des épisodes précédents.

Les banques Barclays et JPMorgan prévoient que le solde de trésorerie du Trésor diminuera d’ici la fin du mois de mars, et le Congrès pourrait remettre à plus tard la résolution de la question, comme cela a été le cas dans les impasses précédentes.

Historiquement, les gouvernements contrôlés par les républicains ont géré les négociations sur le plafond de la dette avec moins de crises de dernière minute, ce qui permet d’établir un parallèle entre la situation actuelle et la résolution de 2017.

Bien que les retards puissent entraîner des perturbations sur les marchés, les stratèges pensent que ce cycle de négociations évitera les bouleversements importants observés au cours des années plus combatives.

Qu’en est-il de l’évolution de la dette sous l’administration Biden?

Selon le rapport de fin octobre de la House Bubget Committee, La dette nationale brute s’élève actuellement à 35 770 milliards de dollars américains. Cela équivaut à:

  • 106 802 $ par personne
  • 272 150 $ par ménage
  • 494 565 $ par enfant

Lorsque le président Biden et la vice-présidente Harris sont entrés en fonction, la dette brute totale s’élevait à 27 750 milliards de dollars américains.

Ce qui signifie que cette administration a augmenté la dette nationale de 8020 milliards de dollars américains. Cela équivaut à:

  • 23 940 $ supplémentaires par personne
  • 61 003 $ supplémentaires par ménage
  • 110 858 $ supplémentaires par enfant

Le taux d’accumulation de la dette, au cours de l’administration Biden-Harris, a été de:

  • 178 milliards de dollars américains en nouvelles dettes mensuelles
  • 5,8 milliards en nouvelles dettes quotidiennes
  • 244 millions en nouvelles dettes par heure
  • 4,1 millions en nouvelles dettes par minute
  • 67 687 $ en nouvelles dettes par seconde

Peu importe le président, la dette augmente!

Pendant des années, les présidents ont promis de limiter les emprunts fédéraux et de réduire le déficit budgétaire de la nation, qui est l’écart entre ce que la nation dépense et ce qu’elle reçoit.

Au cours des 60 dernières années, presque tous les présidents américains ont enregistré un déficit budgétaire record à un moment ou à un autre, les anciens présidents Donald Trump, Barack Obama et George W. Bush ayant enregistré les déficits budgétaires les plus importants de l’histoire des États-Unis.

La dette nationale américaine a continué à augmenter au fil des ans avec chaque président, au gré des événements nationaux et mondiaux qui ont affecté la dette, et au fur et à mesure que le budget de chaque président reflétait les priorités de l’administration pour le pays.

Il est important de noter qu’un président n’a pas beaucoup d’influence sur la dette nationale au cours de sa première année de mandat. L’influence présidentielle sur le budget et la dette nationale ne commence qu’après la fin de l’année fiscale fédérale, le 30 septembre, au cours de la première année de mandat du nouveau président.

Tout au long de l’histoire, la réponse du président à des événements majeurs a généralement créé des déficits budgétaires massifs, ajoutant des montants substantiels à la dette nationale américaine. La réponse aux attaques terroristes du 11 septembre et les mesures prises par le gouvernement lors de la pandémie de COVID-19 en sont deux exemples.

Synthèse

À la question: la dette des États-Unis est-elle tenable? Il faut répondre oui. En effet, la dette américaine progresse de pair avec la richesse des Américains (parc immobilier et portefeuille boursier).

Par ailleurs, d’autres pays réputés comme étant « sains » sont nettement plus endettés et « s’en sortent bien ». On songe notamment à la dette nationale du Japon, qui s’élève à plus de 260% du PIB.

Ce qu’il sera cependant très important de suivre et qui va de plus en plus faire l’objet de débats, ce sont les charges d’intérêt de la dette, puisqu’ils dépassent aujourd’hui allégrement les… 1000 milliards de dollars américains et pourraient «bientôt» dépasser la somme collectée pour les impôts sur les revenus! Les agences de notation rôdent…