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L’abandon de «l’iCar» se répercutera-t-il sur le titre d’Apple?

Morningstar|Mis à jour le 18 juin 2024

L’abandon de «l’iCar» se répercutera-t-il sur le titre d’Apple?

Un événement majeur qui apparaît paradoxalement comme une non-nouvelle. (Photo: 123RF)

L’abandon par Apple (AAPL) de son projet «iCar», baptisé Project Titan, est un événement majeur qui apparaît paradoxalement comme une non-nouvelle. «Toute l’initiative reposait sur des spéculations», se souvient Robertson Velez, co-gestionnaire de portefeuille du fond CIBC Global Technology. «Aujourd’hui, presque tous ont été réaffectés, la plupart à une division d’IA.»

Le projet visait un VA de niveau 4, rapporte William Kerwin, analyste boursier, technologie, chez Morningstar. Cela signifie qu’un véhicule peut fonctionner sans conducteur prêt à prendre le relais, selon un récent rapport de McKinsey. Cependant, contrairement à un véhicule de niveau 5, qui peut circuler dans n’importe quel environnement et dans toutes les conditions, le niveau 4 est réservé à des usages plus spécialisés, par exemple les taxis autonomes.

«Apple n’a jamais beaucoup parlé de son projet, même s’il était en gestation depuis dix ans», reconnaît William Kerwin. «J’imagine qu’ils l’ont trouvé plus difficile à réaliser qu’ils n’avaient envisagé au départ, et trop coûteux. Ils pensaient pouvoir s’accaparer un quart du marché et qu’un véhicule de niveau 4 serait un facteur de différenciation important. Mais le créneau qu’ils voulaient occuper est déjà occupé.» Un autre obstacle potentiel est le fait qu’Apple n’avait pas sa propre voiture, note l’analyste, et un autre facteur dissuasif a probablement été «le défi de s’engager dans un tout nouveau secteur de fabrication manufacturière, parce qu’il s’agit d’une tout autre affaire».

 

La voiture automatique d’Apple aurait pu nuire aux marges

«Le modèle d’affaires d’Apple consiste à vendre une plateforme, pas seulement un produit, rappelle Robertson Velez. Un VA risquait tout simplement de faire baisser les marges bénéficiaires, sans apporter de valeur ajoutée à l’ensemble de l’entreprise.»

Apple n’est pas le seul grand groupe technologique à freiner le développement de l’AV. Tesla et Google sont deux acteurs majeurs qui ont également réduit leurs efforts après avoir affirmé que les VA étaient à portée de main. Ce n’est pas le cas. Mais l’ensemble du secteur n’a certainement pas été relégué aux oubliettes, selon McKinsey. Les véhicules électriques sont à quelques rues d’ici.

Pour son étude, McKinsey a interrogé 86 décideurs dans le monde entier, représentant certaines des plus grandes entreprises mondiales du secteur des logiciels et de l’automobile, ainsi que des entreprises en démarrage et des institutions universitaires. Les personnes interrogées s’attendent à ce que les capacités de niveau 4 deviennent réalité entre 2028 et 2030, tandis qu’un véhicule L5 sans conducteur n’apparaîtra pas avant 2029, plus probablement en Chine d’abord.

 

Goulots d’étranglement des véhicules autonomes

Pour surmonter les principaux goulots d’étranglement en matière de sécurité des passagers, les répondants considèrent que des investissements majeurs restent à faire, notamment 4 milliards de dollars américains (G$US)pour mettre en œuvre des camions autonomes à trajet complet et plus de 5 G$US pour réaliser des robots-taxis. Les domaines nécessitant les plus grands efforts sont les logiciels de prédiction et de prise de décision, ainsi que ceux de perception.

 

Apple peut absorber la répercussion de son retrait des VA

Le retrait d’Apple des VA a eu «très peu de répercussions sur le titre», note William Kerwin. Mais la situation d’Apple est en train de changer, en particulier dans le domaine de l’IA. En renonçant au rêve des VA, «il est plus logique pour Apple de se concentrer sur l’IA générative», explique Robertson Velez. L’entreprise a donc récemment acquis la société canadienne Darwin AI, dont la technologie permet de développer des systèmes d’IA plus petits et plus rapides, pouvant par exemple tenir sur un iPhone, plutôt que de les exécuter dans le nuage. Apple a également discuté avec Google pour intégrer son moteur d’IA générative Gemini dans l’iPhone, selon Bloomberg.

Certains observateurs pourraient considérer que ces partenariats indiquent qu’Apple manque de capacités en matière d’IA, mais Robertson Velez n’est pas de cet avis. Tout d’abord, souligne-t-il, Apple possède des capacités en matière d’IA : le projet de VA intégrait l’IA, et l’assistant Siri d’Apple ainsi que la reconnaissance faciale sont basés sur l’IA.

Les discussions avec Google ne sont pas du tout une surprise si l’on considère que Google est déjà le principal moteur de recherche pour l’iPhone et que Google paie chaque année des milliards de dollars pour cela. Il est logique qu’Apple utilise Gemini comme moteur de recherche et comme outil d’IA générative pour informer Siri. Robertson Velez souligne également une caractéristique essentielle : «Apple n’est généralement pas le premier à se lancer dans quoi que ce soit, mais lorsqu’il le fait, il propose généralement une offre convaincante. Nous nous attendons à ce qu’Apple annonce cet été une plateforme d’IA».

 

Les bénéfices d’Apple avec l’iPhone sont plus préoccupants

William Kerwin déclare «qu’il y a clairement un ralentissement des bénéfices. Je prévois une hausse de 6% pour 2024, alors qu’elle était plus proche de 10% au cours des cinq dernières années». Alors que l’iPhone représente plus de 50% des ventes d’Apple, la demande faiblit en Chine. En outre, «nous pensons que le cycle de renouvellement s’allonge. Auparavant, les consommateurs achetaient tous les deux ans, mais maintenant ils retardent leurs achats de nouveaux modèles». Morningstar considère actuellement que l’action Apple 3 étoiles se négocie autour de son estimation de juste valeur.

Robertson Velez note que l’action Apple se négocie à environ 25 fois les bénéfices à terme, ce qu’il estime tout à fait correct. «Si vous la comparez à des fabricants de PC comme Dell ou HP, elle peut sembler élevée, mais Apple n’est pas un fabricant d’ordinateurs, ni un fabricant de logiciels, c’est plutôt un fournisseur de plateforme logicielle, comme Google et Microsoft.» Dans cette perspective, il estime que la valorisation d’Apple n’est pas si élevée. «Elle est même probablement légèrement sous-évaluée», ajoute-t-il.

 

Un texte de Yan Barcelo pour Morninstar