Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
John Plassard

Préparé pour le futur

John Plassard

Expert(e) invité(e)

Le secteur pharmaceutique est-il en danger?

John Plassard|Publié il y a 50 minutes | Mis à jour il y a 16 minutes

Le secteur pharmaceutique est-il en danger?

Robert F. Kennedy Jr, ancien avocat vaccinosceptique, est connu pour propager des théories du complot. (Photo: Rebecca Noble / Getty Images)

EXPERT INVITÉ. Les actions des fabricants de vaccins se sont effondrées sur les marchés suite aux rumeurs de nomination par le président élu Donald Trump de Robert F. Kennedy Jr. au poste de secrétaire à la santé et aux services sociaux. Le neveu de John Fitzgerald Kennedy, un critique virulent des vaccins, a suscité l’incertitude dans le secteur des biotechnologies, les investisseurs évaluant l’impact potentiel de son leadership sur les sociétés pharmaceutiques et la production de vaccins. Que faut-il en penser et quelles sont les conséquences? Synthèse et analyse.

Les faits 

Vendredi dernier, de nombreuses entreprises du secteur de la pharmaceutique ont fortement baissé : Pfizer (PFE, -4,43%) , Amgen (AMGN , -4,1%), Moderna (MRNA, -7,3%) ou encore Sanofi (Bourse de Paris: SAN, -3,27%) après que Donald Trump ait nommé Robert F. Kennedy Jr., sceptique à l’égard des vaccins, à la tête du ministère de la Santé et des Services sociaux. 

Alors que certains analystes s’attendent à ce que la nomination de Robert F. Kennedy se heurte à la résistance du Sénat, le nouveau président américain pourrait envisager une nomination différée afin de contourner les délais de confirmation. 

Si sa nomination est confirmée, Robert F. Kennedy pourrait bouleverser les alliances actuelles entre le gouvernement et le secteur de la santé publique, ce qui aurait un impact sur la domination de l’industrie pharmaceutique en matière de publicité et modifierait les flux de revenus des principaux réseaux médiatiques qui dépendent de la publicité pour les produits pharmaceutiques. 

Que faut-il en penser concrètement ?

Pourquoi le secteur pharmaceutique est-il visé? 

Le gouvernement Trump est perçu comme une menace pour le secteur pharmaceutique en raison de plusieurs positions et actions qui remettent en question les pratiques traditionnelles de cette industrie. 

D’abord, Donald Trump a souvent exprimé son intention de réduire les prix des médicaments, une mesure qui mettrait directement en péril les marges bénéficiaires des grandes entreprises pharmaceutiques. 

De plus, des nominations comme celle de Robert F. Kennedy Jr., un critique bien connu des vaccins, suscitent des inquiétudes dans le secteur, car elles signalent une possible remise en question de l’approbation et de la réglementation des vaccins et d’autres produits pharmaceutiques. 

Sous l’administration Trump, on observe également une volonté de réformer les agences de régulation comme la FDA, pour réduire ce que Trump considère être une influence excessive de «Big Pharma» sur les autorités de santé publique. 

Cette volonté de transparence et de réforme pourrait affaiblir les liens étroits entre les régulateurs et les géants de la pharmacie, remettant en question des pratiques de longue date qui ont souvent favorisé ces grandes entreprises. 

Enfin, le discours autour de la responsabilisation accrue des entreprises, potentiellement par la fin de l’immunité juridique pour certains produits comme les vaccins, pourrait contraindre l’industrie à adopter davantage de transparence et de prudence, limitant ainsi ses possibilités de croissance rapide.

Pourquoi les analystes ont-ils peur de Kennedy 

De nombreux analystes s’inquiètent de «l’incertitude considérable» que le rôle de Robert F. Kennedy introduit, notant que ses directives et la composition d’autres agences fédérales clés dans le domaine de la santé pourraient modifier de manière significative le paysage des investissements dans le secteur.

Certains pensent que les réformes proposées par Robert F. Kennedy pourraient réduire les taux de vaccination, ce qui pourrait avoir un impact indirect sur les entreprises de matériel médical impliquées dans la distribution des vaccins.

D’autres, en revanche, estiment que certains domaines de la santé, en particulier les technologies médicales, pourraient être moins touchés dans un premier temps, même si les effets indirects des changements de politique pourraient s’étendre dans le temps.

Quelle est la loi de 1986?

Depuis 1986, une loi américaine empêche pratiquement toute poursuite contre les fabricants de vaccins, transférant les plaintes à un tribunal spécial qui évalue les blessures sur une base «sans faute». 

Cette protection a été renforcée en 2011 par la Cour suprême, empêchant les poursuites pour «défauts de conception». Les vaccins à ARNm, parmi les produits les plus rentables en 2021 et 2022, en bénéficient aussi.

Accorder une immunité totale aux entreprises limite la responsabilité et ne motive pas l’amélioration des produits ou la transparence. Cette loi devrait être revue pour ne couvrir que les vaccins simples et peu coûteux comme à l’origine. Cela enverrait le message que les vaccins, comme tous les produits, doivent être évalué de manière critique.

Qui est Kennedy? 

Robert F. Kennedy, Jr. (né le 17 janvier 1954 à Washington, D.C., États-Unis) est un avocat américain spécialiste de l’environnement, membre de l’éminente famille politique Kennedy, et activiste qui est devenu une figure de proue parmi les sceptiques des vaccins. En avril 2023, il a lancé une campagne visant à obtenir l’investiture du Parti démocrate pour l’élection présidentielle américaine de 2024, mais en octobre, il a annoncé qu’il se présenterait en tant qu’indépendant. Kennedy suspend sa candidature en août 2024 et soutient le candidat républicain, Donald Trump.

Depuis une dizaine d’années, Robert F. Kennedy se consacre à la défense de la santé des enfants par l’intermédiaire de son organisation à but non lucratif, Children’s Health Defense, sur des questions telles que la santé des enfants et la sécurité des vaccins, suscitant à la fois des soutiens et des critiques. 

Il est connu comme étant aussi climatosceptique et vaccinosceptique. 

Son influence potentielle sur la politique de santé publique marque un tournant par rapport aux approches traditionnelles, soulevant des questions sur la rentabilité future des entreprises pharmaceutiques et mettant en lumière le débat actuel sur la réforme des soins de santé et l’influence des entreprises pharmaceutiques sur la santé publique.

Qu’en pense Donald Trump? 

Donald Trump n’a pas exprimé de position claire sur la révision de la loi de 1986 accordant une immunité juridique aux fabricants de vaccins. 

Bien qu’il ait recommandé la vaccination contre le COVID-19, il s’est opposé à son obligation. Cependant, il n’a pas abordé spécifiquement la question de l’immunité juridique des fabricants de vaccins. 

Pourquoi les États-Unis sont-ils importants? 

Les États-Unis représentent une part significative du marché mondial des vaccins. Selon une étude de KPMG, les États-Unis détiennent 52,3% du marché pharmaceutique mondial, bien que cette domination ait légèrement diminué au cours des 15 dernières années.

Cette proportion inclut les ventes de vaccins, reflétant l’importance du marché américain dans ce secteur. Ainsi, en moyenne, les ventes de vaccins aux États-Unis constituent environ la moitié des ventes mondiales, le reste étant réparti entre l’Europe, l’Asie et d’autres régions. 

Le marché des vaccins représente une sous-catégorie de l’industrie pharmaceutique, et sa part spécifique en termes de ventes aux États-Unis par rapport au reste du monde est généralement inférieure à celle de l’ensemble de la pharma. 

Pour les vaccins spécifiquement, les États-Unis restent un marché important, mais les ventes mondiales sont également réparties entre d’autres régions, comme l’Union européenne et les pays à revenu intermédiaire, surtout depuis les campagnes de vaccination de masse. 

Cependant, il n’existe pas toujours de données spécifiques publiquement disponibles pour la part exacte des vaccins uniquement aux États-Unis comparés au reste du monde, car cela peut varier fortement d’année en année, en particulier en fonction des pandémies et des programmes de vaccination mondiaux.

SUIVANT: Qui sont les plus gros fabricants de vaccins? 

Qui sont les plus gros fabricants de vaccins? 

Les dix principales entreprises mondiales spécialisées dans la fabrication de vaccins sont :

  • Pfizer : basée aux États-Unis, Pfizer est reconnue pour son vaccin à ARNm contre le COVID-19, développé en partenariat avec BioNTech. 
  • Johnson & Johnson : Également américaine, cette entreprise a produit un vaccin vectoriel contre le COVID-19, administré en une seule dose. 
  • Sanofi : Entreprise française, Sanofi est un acteur majeur dans le domaine des vaccins, notamment contre la grippe et d’autres maladies infectieuses. 
  • GlaxoSmithKline : basée au Royaume-Uni, GSK est l’un des plus grands fabricants de vaccins au monde, avec un large portefeuille couvrant diverses maladies. 
  • Moderna : Société américaine de biotechnologie, Moderna est connue pour son vaccin à ARNm contre le COVID-19. 
  • AstraZeneca : Entreprise anglo-suédoise, AstraZeneca a développé un vaccin vectoriel contre le COVID-19 en collaboration avec l’Université d’Oxford. 
  • Merck & Co. : basée aux États-Unis, Merck est impliquée dans la production de vaccins pour diverses maladies, bien qu’elle n’ait pas commercialisé de vaccin contre le COVID-19. 
  • Novavax : Société américaine de biotechnologie, Novavax a développé un vaccin à base de protéines recombinantes contre le COVID-19. 
  • Sinopharm : Entreprise chinoise, Sinopharm a produit des vaccins inactivés contre le COVID-19 largement utilisés en Chine et dans d’autres pays. 
  • Sinovac Biotech : basée en Chine, Sinovac est connue pour son vaccin inactivé contre le COVID-19, utilisé dans plusieurs pays.

Pourquoi ce n’est pas la «fin» des entreprises fabricants des vaccins? 

La potentielle nomination de Robert F. Kennedy n’est clairement pas une bonne nouvelle à court terme pour les entreprises produisant des vaccins. Toutefois, plusieurs éléments clés permettent d’envisager une résilience pour ces entreprises. 

D’abord, les géants de la pharma ne dépendent pas uniquement des vaccins. Les portefeuilles de Pfizer ou Johnson & Johnson, par exemple, couvrent une vaste gamme de traitements, allant de l’oncologie aux maladies cardiovasculaires. 

Cette stratégie de diversification contribue à diluer les risques. Ensuite, leur capacité d’innovation soutenue par d’importants investissements en recherche leur permet de rester à la pointe de nouveaux traitements. Cela garantit une continuité des revenus, même en cas de recul des ventes de vaccins. 

Ensuite ces groupes opèrent bien au-delà des frontières américaines. Les divergences en matière de politique sanitaire, notamment en Europe et en Asie, offrent des opportunités de croissance plus diversifiées et moins vulnérables aux décisions politiques américaines. 

Enfin, l’adaptation stratégique reste une carte maîtresse. Que ce soit par l’intensification du lobbying, l’éducation du public ou les partenariats ciblés, les entreprises disposent de nombreux outils pour ajuster leur stratégie face aux évolutions réglementaires.

Ainsi, malgré les défis que pose cette potentielle nomination, ces groupes pharmaceutiques conservent plusieurs atouts dans leur manche pour naviguer efficacement dans ce nouveau contexte. Sur le moyen terme cependant. 

Synthèse 

La potentielle nomination de Robert F. Kennedy Jr. au poste de secrétaire à la Santé par Donald Trump a provoqué une chute des actions des fabricants de vaccins, suscitant des inquiétudes dans le secteur de la pharma. Pourtant, grâce à une diversification de leurs activités au-delà des vaccins, une capacité d’innovation continue et une présence sur les marchés internationaux, les grandes entreprises pharmaceutiques disposent de leviers pour absorber les impacts potentiels. En outre, leur capacité à adapter leurs stratégies, notamment en matière de lobbying et de communication, pourrait atténuer les effets négatifs de cette nouvelle orientation politique sur leur rentabilité.