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Les titres d’infrastructure ont baissé, mais pas disparu

Morningstar|Mis à jour le 18 juin 2024

Les titres d’infrastructure ont baissé, mais pas disparu

Les actions du secteur de l’infrastructure devraient bien se comporter en cas de ralentissement de l’économie, comme beaucoup l’ont prédit. (Photo: 123RF)

Les titres d’infrastructure mondiaux sont en difficulté depuis deux ans, en raison de la hausse des taux d’intérêt et de l’attitude négative des investisseurs. Pourtant, si Kevin McSweeney, spécialiste chevronné du choix d’actions, reconnaît que les actions ont été sous pression; il affirme également que les perspectives à long terme sont généralement positives et que les investisseurs patients seront récompensés. 

«Le principal frein au secteur cette année a été les taux d’intérêt», déclare Kevin McSweeney, gestionnaire principal du Fonds d’infrastructures mondiales CI, série F (coté 5 étoiles, 535 millions de dollars (M$) d’actifs sous gestion), et vice-président principal de la société torontoise Gestion mondiale d’actifs CI. «Nous divisons l’infrastructure en quatre parties, tout comme notre indice de référence, le MSCI World Core Infrastructure Net Return Index. Nous utilisons l’acronyme PUTT, qui signifie Pipelines (oléoducs), Services publics (Utilities), Infrastructures de télécommunications (Telecom Infrastructure) telles que les tours de téléphonie cellulaire, et Transports (chemins de fer et routes à péage). Les services publics et le secteur des télécommunications ont été particulièrement touchés par la remontée des taux d’intérêt». 

Si la hausse du coût des emprunts freine les services publics, Kevin McSweeney note que leurs performances sous-jacentes n’ont guère été affectées. «Les flux de trésorerie de la catégorie ont été bons. La reprise après la pandémie se poursuit. Il y a eu très peu d’explosions de bénéfices. Il s’agit simplement d’une dévaluation de la catégorie», indique Kevin McSweeney, ajoutant qu’au cours des deux dernières années, les actions sont passées d’une prime de 3,75 points de ratio par rapport à l’indice MSCI All Country World Index à une décote de 2,4 points. Il note qu’en plus de la hausse des taux d’intérêt, un facteur spécifique au secteur a également été préjudiciable. «Il est vraiment difficile de construire des choses. Certains services publics, les oléoducs et les routes à péage ont subi d’importantes pressions inflationnistes (qu’il s’agisse de l’octroi de permis ou du coût des intrants) pour construire quoi que ce soit, ce qui a entraîné une baisse des prévisions de croissance et certains dépassements de coûts.»

 

Un fonds d’infrastructure de premier quartile 

Depuis le début de l’année, le Fonds d’infrastructures mondiales CI F a réalisé une performance de 3,51%, contre 0,70% pour la catégorie Actions d’infrastructures mondiales. En 2022, le fonds a réalisé une performance de 1,30%, contre 0,71% pour la catégorie. Sur des périodes de cinq et dix ans, le fonds s’est classé dans le quartile supérieur, avec des rendements annualisés de 7,47% et 7,85%. La catégorie a enregistré pour sa part des rendements annualisés respectifs de 5,61% et 6,72%. Le portefeuille est également disponible par le biais du Mandat privé d’infrastructures mondiales CI F (366,8 millions d’actifs sous gestion), coté 5 étoiles, et d’une version du Mandat privé négociée en bourse (ETF), dont le symbole boursier est CINF. 

Kevin McSweeney maintient que les actions du secteur de l’infrastructure devraient bien se comporter en cas de ralentissement de l’économie, comme beaucoup l’ont prédit. «Si je regarde les périodes où l’économie a décéléré, comme en 2019, cette décélération a provoqué l’arrêt du resserrement de la politique monétaire, et l’indice MSCI World Core Infrastructure Net Return a progressé de 27,4%. La série F du fonds a affiché un rendement de 26,35%, se remémore Kevin McSweeney. Même en 2016, lorsque l’économie ralentissait et que les pressions de la politique monétaire s’atténuaient, l’indice a affiché un rendement de 10,96%, tandis que le rendement de notre fonds a été de 8,99%. On craint un ralentissement de la croissance mondiale et une diminution de la circulation sur les routes à péage et, au Canada, peut-être un ralentissement des chemins de fer. Mais cette tendance semble avoir atteint son maximum et les actions peuvent certainement se comporter bien malgré, et peut-être même par opposition à, la décélération économique».

 

Les flux de trésorerie liés aux infrastructures sont protégés 

Selon Kevin McSweeney, les actions du secteur de l’infrastructure sont des actifs à «longue durée de vie», et même si les bénéfices fléchissent, «la modification du taux d’actualisation et la capacité d’augmentation des valorisations devraient compenser cela pour les actions». En effet, l’avantage des infrastructures est que, même en cas de ralentissement économique, les flux de trésorerie tendent à être protégés, que ce soit par la réglementation ou par un positionnement monopolistique. Pensez à l’autoroute 407 en Ontario ou à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CNR). À qui d’autre aurez-vous affaire?, demande Kevin McSweeney. Votre pétrole provient de la ligne principale d’Enbridge ENB. En cas de ralentissement, Canadian Tire CTC.A pourrait perdre 10% de son chiffre d’affaires. Mais une société d’oléoducs comme Enbridge ne subira qu’une baisse de 2 à 3%.» 

Ce point peut représenter une bonne opportunité d’achat puisque la catégorie est en baisse, mais Kevin McSweeney admet que des inquiétudes subsistent quant à l’éventualité que les choses tournent mal, douloureusement mal. Par exemple, la Réserve fédérale pourrait commettre une erreur de politique, ou certains pays pourraient mettre des bâtons dans les roues. «L’impact d’un resserrement excessif de la part de la Fed serait élevé, mais la probabilité que cela se produise est faible. Toutefois, pour l’instant, la Fed propage le message d’un ralentissement de l’économie. Le marché est largement convaincu que les taux d’intérêt ont atteint leur maximum. La bonne nouvelle, c’est que vous vous trouvez dans un secteur réglementé de l’économie et que vous pouvez être en position de monopole ou, selon le secteur d’activité, avoir des barrières à l’entrée. Mais l’inconvénient, c’est que vous ne pouvez pas vraiment bouger», ajoute-t-il.

 

Les autorités de réglementation présentent un risque 

À titre d’exemple, Kevin McSweeney signale que les autorités françaises prévoient d’imposer une taxe supplémentaire sur les concessions d’infrastructures comme les routes à péage. Malheureusement, les exploitants de routes à péage ne peuvent pas simplement déménager dans une autre juridiction, où les autorités pourraient être plus compréhensives. De même, les autorités de réglementation des services publics peuvent décider de réduire la rentabilité d’un service. Si une autorité dit: «Nous pensons que votre coût du capital est de 7% au lieu de 8,5%», vos estimations de bénéfices seront revues à la baisse. Si vous investissez sur la base d’un taux de rendement réglementé de 7%, votre croissance sera peut-être moindre», explique Kevin McSweeney, ajoutant que des changements réglementaires ont eu lieu au Mexique, bien qu’il ait vendu une partie de sa position à temps. «Ce qui me préoccupe, ce sont les décisions réglementaires individuelles qui sont prises dans les juridictions où les actifs sont de nature monopolistiques ou engagés plus ou moins à ne pas bouger.» Dans certains cas, cependant, Kevin McSweeney est intervenu après une décision réglementaire et a pu acheter une action bon marché. 

En partant d’une vision descendante, Kevin McSweeney attribue ses pondérations sectorielles en fonction des facteurs macroéconomiques les plus favorables et de la dynamique sous-jacente du secteur. À partir de là, il attribue des actions à chaque secteur, sur la base d’un ensemble d’attributs. Au 31 octobre, les services publics représentaient la plus forte pondération sectorielle (39,8%), suivis par les valeurs industrielles (25%), l’énergie (22,4%), et les télécoms et l’immobilier (12,5%). Sur le plan géographique, les États-Unis sont le pays le plus représenté, suivis par le Canada (20%), la France (7,8%) et l’Australie (6,35%).

 

Trois ingrédients clés pour des sociétés d’infrastructure de qualité 

En passant au crible l’univers des actions éligibles, Kevin McSweeney considère que la confiance dans l’équipe de gestion est l’attribut numéro un. «Ces actifs sont souvent générateurs de liquidités. Il est donc très important que les équipes de gestion sachent quoi faire d’une importante marge d’exploitation et d’une prévisibilité relativement élevée des flux de trésorerie à venir. Je veux pouvoir être convaincu que la direction ne gaspillera pas cet argent», déclare M. McSweeney, qui ajoute que les plus grosses explosions de cette année ont eu lieu lorsque la direction n’a pas bien géré le processus de construction, principalement dans le secteur des services publics et des gazoducs. Les équipes de gestion expérimentées qui ont suivi le processus de construction savent qu’il faut une équipe qui, en termes simples, «mesure deux fois, coupe une fois». 

Deuxièmement, une position concurrentielle sur le marché est essentielle. «Nous devons être quasi-monopolistiques. Si le gouvernement construit une route publique à côté de votre route à péage, ce qui s’est déjà produit, cela pourrait réduire vos rendements à néant. Les marges d’exploitation de ces catégories d’actifs étant très élevées, toute augmentation est fantastique et se répercute directement sur le résultat net. Mais toute diminution du volume se répercute elle aussi sur le résultat net. Si vous pensez qu’un duopole va devenir un oligopole, c’est un vrai problème. La baisse des recettes se transformera très vite en baisse des bénéfices. Dans le même ordre d’idées, Kevin McSweeney recherche des situations où l’état de droit est respecté et ne fait pas l’objet de manipulations. 

Enfin, Kevin McSweeney recherche des valorisations attrayantes, même s’il n’est pas facile d’en prévoir l’évolution. Ces flux de trésorerie sont très prévisibles, mais le taux d’actualisation ou le ratio que le marché attribue à ces actions l’est moins. Il admet d’ailleurs avoir été surpris par la baisse des multiples du prix des actions cette année. «Nous avons connu deux années consécutives de stabilité, à quelques points près. La stagnation en 2022 était étonnante, par rapport aux principales catégories d’actifs. Mais la stagnation de cette année a été décevante».

 

Les meilleures actions dans le domaine des infrastructures 

Kevin McSweeney, qui gère un portefeuille d’environ 45 noms, cite Getlink SE GET, la société parisienne qui exploite le «Chunnel» (Tunnel sous la Manche) permettant à l’Eurostar de faire la navette entre Londres et Paris. «Elle prend une part de chaque passager de l’Eurostar et possède un service de navette pour les personnes qui amènent leur voiture sur le continent, ou vice versa», explique Kevin McSweeney, ajoutant qu’Eurotunnel a construit une liaison qui achemine l’électricité de la France vers le Royaume-Uni. «Il s’agit d’un actif à très long terme, dont la concession court jusqu’en 2086. Mais nous pensons que sa valorisation reflète largement les défis à relever». Acquise en juillet, l’action se négocie aujourd’hui à environ 16,68 euros, soit 33 fois les bénéfices à terme ou 15 fois la valeur d’entreprise (VE) par rapport au bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (BAIIDA). 

Un autre avoir favori est Auckland International Airport AIA, le principal aéroport de Nouvelle-Zélande. «Il s’agit d’un prestataire de services aéroportuaires internationaux dominant et peu réglementé, indique Kevin McSweeney. Les voyages en Asie-Pacifique sont restés limités en raison de la politique chinoise du “zéro COVID” et de la faiblesse de l’économie. Nous pensons que c’est temporaire et que la Nouvelle-Zélande est une destination attrayante pour les investissements et le tourisme. L’aéroport international d’Auckland bénéficie d’un soutien structurel lié à l’augmentation des voyages d’agrément, que ce soit pour une raison démographique ou en raison de l’affluence croissante du bassin Asie-Pacifique. En outre, les autorités ont rendu une décision légèrement défavorable sur ce qu’ils pensaient être le coût du capital, ce qui a influé sur le prix de l’action. Fin août et début septembre, nous avons profité d’une opportunité de liquidité lorsque le conseil municipal d’Auckland a réduit sa participation dans AIA». Le prix de l’action est de 8 dollars néo-zélandais (6,75 dollars canadiens), soit un multiple de 15 fois la valeur d’entreprise par rapport au BAIIDA.

 

Optimiste sur les investissements dans les infrastructures 

Pour l’avenir, Kevin McSweeney reste confiant. «Les valeurs du secteur infrastructurel ont brillé en 2022, en protégeant le capital des investisseurs alors même que les actions comme les obligations ont connu une liquidation. La croissance économique ralentira en 2024, mais il devrait s’agir d’une légère récession. Et avec la baisse de la volatilité des taux d’intérêt et des flux de trésorerie vraiment durables et croissants alors que les tendances à long terme ne changent pas, je suis en fait très optimiste», déclare Kevin McSweeney. «Les infrastructures sont en mesure de répondre aux attentes, voire de les dépasser, et d’être plus performantes. Il est probable que nous verrons plus d’acheteurs que de vendeurs au cours des 12 prochains mois.»

Par Michael Ryval