M. Volcker a présidé la Banque centrale américaine de 1979 à 1987.
Paul Volcker était une figure historique de la finance, crédité d’avoir dompté l’inflation d’une main de fer à la tête de la Banque centrale américaine (Fed) dans les années 80. Il est décédé dimanche à l’âge de 92 ans.
Une silhouette à la De Gaulle, un humour pince-sans-rire, Paul Volcker a mené sa longue carrière de banquier et de grand commis de l’État en artiste de la politique monétaire, doté d’une indépendance farouche.
Paradoxalement, il disparaît alors que l’inflation, son ennemie de toujours, s’est évanouie du paysage économique aux États-Unis au point de déconcerter les économistes.
M. Volcker, qui avait été soigné d’un cancer de la prostate, s’est éteint à son domicile de Manhattan, a indiqué sa fille à l’AFP.
L’actuel patron de la Fed, Jerome Powell, s’est dit « profondément attristé » par le décès de Paul Volcker « qui croyait qu’il n’y avait pas de fonction plus élevée que le service public ». « Sa vie a illustré les idéaux les plus élevés : l’intégrité, le courage et l’engagement à faire ce qui est le mieux pour tous les Américains », écrit-il dans un communiqué.
« Ses contributions à la nation laissent un héritage durable », a ajouté M. Powell.
M. Volcker, un démocrate, a servi de nombreux présidents américains, de Richard Nixon en 1971 lorsqu’il était au Trésor où il concocte l’abandon américain de l’étalon or, à Barack Obama en 2008, en pleine crise financière, où il plaide pour une plus grande surveillance des banques.
Mais c’est en tant que président de la Réserve fédérale de 1979 à 1987, sous Jimmy Carter puis sous le républicain Ronald Reagan, qu’il a laissé sa marque, parfois douloureuse et gagné le respect des économistes du monde entier.
L’ancien président Jimmy Carter a été un des premiers à réagir à l’annonce de sa mort : « Rosalynn et moi sommes profondément attristés d’apprendre le décès de Paul Volcker, dont la perspicacité économique a fait un géant de la fonction publique. Paul était aussi obstiné qu’il était grand de taille, et même si certaines de ses politiques en tant que président de la Fed ont été politiquement coûteuses, c’était la bonne chose à faire », a-t-il écrit dans un communiqué lundi.
Même Donald Trump, alors candidat à la Maison Blanche, avait eu ce commentaire à propos de celui qui était vu dans les années 80 comme le 2e homme le plus important de Washington : « j’aime beaucoup Paul Volcker. Il y a quelque chose de très solide dans sa politique et son attitude ».
Potion amère
En 1978, en plein choc pétrolier, l’économie américaine est submergée par une inflation galopante.
Jimmy Carter nomme l’économiste de 51 ans — alors président de la Fed de New York — à la tête de la banque centrale la plus puissante du monde, contre l’avis de plusieurs conseillers qui l’avertissent que la « potion amère » préconisée par son candidat va hypothéquer sa réélection.
L’inflation, que M. Volcker définissait comme « trop d’argent courant après trop peu de biens », caracole alors au rythme annuel de 13 %. Pour la juguler, il va faire grimper les taux d’intérêt de 11 % à 20 %. À titre de comparaison ils sont à 1,75 % aujourd’hui et l’inflation autour de 2 %.
Ce sévère tour de vis ne se fera pas sans douleur et s’accompagnera d’une récession, qui lui vaudra des attaques féroces. Les concessionnaires automobiles lui envoient des clés de voiture dans des cercueils, les agriculteurs étranglés de dettes encerclent le siège de la banque centrale de leurs tracteurs.
Mais cet intellectuel pragmatique et entêté ne cède pas : « rien ne le stimule intellectuellement davantage qu’une crise », disait de lui son épouse Barbara.
La règle Volcker
Cette politique inflexible paie, l’inflation passe de 14 % en 1980 à 3 % en 1983, mais elle coûtera aussi, avec la crise des otages de l’ambassade américaine en Iran, sa réélection à Jimmy Carter.
Paul Volcker quitte la Fed en 1987, mais revient sur le devant de la scène politico-économique en 2008 en tant que conseiller de Barack Obama en pleine crise financière.
Très critique des activités risquées des banques et des hautes rémunérations de leurs dirigeants, il proposera « la règle Volcker », qui interdit la spéculation des banques pour leur propre compte.
Ces dispositions ont perdu de leur substance sous les efforts de dérégulation de l’administration Trump.
Ce petit-fils d’immigrés allemands, né en 1927 à Cape May dans le New Jersey, passionné de pêche à la mouche, a fait ses études à Princeton et Harvard.
Père de deux enfants, dont un fils atteint de paralysie motrice cérébrale, il s’est remarié en 2010, à l’âge de 83 ans, avec son assistante de longue date, après le décès de sa femme Barbara, douze ans plus tôt.
Au style de vie très frugal, Paul Volcker n’était pas porté sur l’enrichissement. En 1981, il laisse sa fille s’endetter pour acheter une maison alors que les taux immobiliers sont à 15 %.