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Économie: le PDG d’Air Canada s’en prend au gouvernement

Stéphane Rolland|Publié le 04 février 2019

Calin Rovinescu veut plus de pipelines et une fiscalité plus concurrentielle.

«En cette année électorale», le PDG d’Air Canada, Calin Rovinescu, s’en est pris au manque de compétitivité de l’économie canadienne. Ottawa devrait s’attaquer à ce problème avec la même énergie qu’il a consacrée à la législation de la marijuana, a-t-il plaidé lors d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal, lundi. 

«Nous pouvons certainement faire progresser les dossiers des pipelines, de l’ingénierie, de l’approvisionnement, de la fabrication, des entreprises pharmaceutiques, des télécoms, des médias et de l’aviation, parmi les nombreux secteurs qui ont besoin d’attention, avec le même sentiment d’urgence que pour le cannabis», a dit le dirigeant, dont le commentaire a été accueilli par des applaudissements devant un auditoire composé de gens d’affaires.

M. Rovinescu estime que de nombreux «obstacles et fardeaux réglementaires» freinent l’économie canadienne. Il a plaidé en faveur de la construction de pipelines, d’un régime fiscal «plus concurrentiel» et de l’abolition des barrières commerciales entre les provinces, «plutôt que de saisir dans un coffre de voiture le vin ou la bière achetés dans une autre province.» Le PDG n’a pas répondu aux questions des médias après son allocution.

À Ottawa, le ministre des Finances, Bill Morneau, a défendu à différentes occasions le bilan de son gouvernement, dans les dernières semaines. Il a d’ailleurs souligné la vigueur historique du marché de l’emploi comme un signe que l’économie reste sur la bonne voie. En novembre dernier, le gouvernement a annoncé une série de mesures représentant un investissement de 14 G$ sur cinq ans pour soutenir la compétitivité des entreprises.

Des règles particulières pour l’aviation

M. Rovinescu a aussi dénoncé les réglementations qui touchaient plus particulièrement Air Canada. Il avait dans sa mire, notamment, la réglementation sur les droits des passagers, qui permet entre autres une compensation pouvant aller jusqu’à 2400$ pour les passagers qui ne peuvent pas embarquer dans leur vol en raison d’une surréservation.

Des organismes de défenses des consommateurs ont salué l’initiative. Certains ont même affirmé que la loi n’allait pas assez loin. Pour sa part, Marc Garneau, le ministre des Transports, a défendu son projet de loi comme étant un «juste équilibre» entre les intérêts des consommateurs et ceux des transporteurs.

M. Rovinescu, pour sa part, trouve que le fardeau réglementaire d’Air Canada est trop lourd. «Dans notre industrie, par exemple, nos coûts attribuables aux gouvernements, nos taxes et nos charges comptent déjà parmi les plus élevés dans le monde — et voilà que s’ajoutent simultanément, gracieuseté de plusieurs ministères, de lourds coûts additionnels, dans les milliards de dollars, sans coordination ni consultation digne de ce nom», dénonce-t-il.

«En plus des loyers d’aéroport, des suppléments pour la sûreté, des taxes d’accise sur le carburant et des frais d’améliorations aéroportuaires exorbitants, nous allons maintenant devoir composer avec un fardeau réglementaire non coordonné supplémentaire, assorti de coûts massifs, découlant de la réglementation sur les droits des passagers, des règles en matière d’accessibilité, des nouvelles règles sur la fatigue, de la taxe sur le carbone, et j’en passe», poursuit-il.

Une entreprise sauvée de la faillite

Outre cette sortie, l’allocution de M. Rovinescu portait sur son bilan des dix dernières années à la tête du transporteur montréalais. L’ancien dirigeant d’Air Canada était revenu en poste à un moment où la société risquait la faillite et le titre était devenu une action cotée en cents.

Aujourd’hui, Air Canada est une entreprise rentable, qui suscite un grand optimisme de la part des analystes financiers. Ils sont 14 sur 15 à émettre une recommandation d’achat, selon une recension de Reuters. La valeur de son action s’est multipliée par 39 depuis la crise.

«En entendant parler d’une appréciation de la valeur de l’action de 3 900 %, vous pourriez penser qu’il s’agit d’une entreprise de technologie de la Silicone Valley, d’un négociant de cryptomonnaie ou d’un producteur de cannabis. Vous n’auriez sans doute pas deviné qu’il est question d’un transporteur aérien traditionnel de 80 ans, qui exerce ses activités avec des frais fixes élevés, dans un secteur hautement réglementé, avec de faibles marges », s’est félicité le dirigeant.

Ce redressement réussi offre une importante leçon, selon lui. «Il faut investir dans le capital et prendre des risques. On ne doit pas se dérober quand la situation est à son plus sombre. Pour saisir les occasions qui ont émergé à la suite de la crise de 2008, nous devions envisager notre riche passé comme une force et non comme une faiblesse. Et nous devions investir massivement dans le parc aérien, le matériel, la technologie, la marque, les uniformes et un produit dont bénéficieraient nos clients durant les décennies à venir », raconte-t-il.