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BRP appuie sur le frein de ses activités marines

Jean Gagnon|Édition de la mi‑novembre 2024

BRP appuie sur le frein de ses activités marines

(Photo: Adobe Stock)

La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement marquant et de son effet sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.

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(Illustration: Camille Charbonneau)

Après avoir eu le vent dans les voiles après le passage de la pandémie, BRP (DOO, 70,34 $), chef de file mondial des sports motorisés et nautiques, est aux prises avec un ralentissement de ses affaires tel qu’elle doit vendre à perte certains actifs qu’elle a acquis il y a à peine cinq ans.

L’annonce par la direction qu’elle entendait vendre en bonne partie son Groupe marin illustre bien l’effet négatif de la faiblesse des dépenses de consommation discrétionnaire sur la société de Valcourt.

Des experts ne semblent pas s’attendre à ce que cela change bientôt.

Même si le cours de l’action se retrouvait, fin octobre, près d’un creux des trois dernières années, des analystes suggèrent dans leurs notes écrites à leur clientèle de demeurer sur les lignes de côté, du moins pour l’instant, craignant que la faiblesse du titre se poursuive au cours des prochains trimestres.

Un coup d’œil rapide sur le graphique des fluctuations du cours de l’action durant la dernière année n’a en effet rien de rassurant. On constate que le titre a bien tenté de bonnes poussées à la hausse en avril et en juillet, mais que ce fut peine perdue.

Un niveau de support névralgique

En examinant les variations des cinq dernières années, on constate d’abord une montée fulgurante qui a vu le titre passer de 20 $ à 125 $. La demande était alors très forte pour les véhicules qui permettaient de pratiquer des loisirs extérieurs, ce qui a favorisé les ventes de motoneiges, de motomarines et d’autres véhicules.

La musique s’est toutefois arrêtée brusquement à la fin de 2021, alors qu’on anticipait le début d’une période de hausses des taux d’intérêt pour freiner une forte poussée de l’inflation.

Depuis ce moment, le titre fluctue à l’intérieur d’un corridor bien défini oscillant entre 75 $ et 120 $.

Tous les mouvements à la baisse du titre depuis trois ans se sont arrêtés autour de 75 $, ce qui en fait un niveau de support (ligne ombragée rose) très important qui dictera la suite des choses, explique Monica Rizk, analyste technique senior pour les publications Phases & Cycles.

« Ce pourrait être très néfaste si ce support devait être enfoncé, car la hausse pandémique a été si forte et rapide qu’il est difficile d’estimer où se situent maintenant les prochains niveaux de support à la baisse », dit-elle.

Une bonne décision

La plupart des observateurs s’entendent pour dire que la vente d’actifs du Groupe marin est une bonne décision. Ce segment des affaires de BRP existe depuis l’achat de trois sociétés au coût de 291 millions de dollars (M $) en 2019 qui visait à ajouter à la gamme de produits de l’entreprise. Des investissements supplémentaires totalisant une somme se situant entre 100 M $ et 200 M $ auraient été effectués pour développer des produits, raconte Cameron Doerksen, analyste à la Financière Banque Nationale.

Toutefois, selon lui, la rentabilité du Groupe marin a toujours été quelque peu décevante. Durant l’année financière 2022, cette division a généré des revenus de 500 M $, mais la marge brute n’était que d’environ 15 % alors que celle des sports motorisés (Powersports), la principale division de BRP, était de 28,8 %, signale l’analyste.

BRP ne récupérera certainement pas en totalité son investissement dans le Groupe marin, mais sa vente constitue néanmoins un pas dans la bonne direction, croit Benoit Poirier, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins.

« Elle permettra à la société de rediriger ses ressources et ses capacités d’innovation vers son secteur de prédilection, soit les sports motorisés », écrit-il dans une récente note.

Il ne recommande pas pour autant l’achat du titre, du moins pour l’instant, estimant que BRP se bute présentement à plusieurs obstacles, telle la chute des dépenses de consommation discrétionnaire, des actions parfois irrationnelles de la part de ses concurrents, ainsi que l’absence d’un plan de rachats d’actions qui permettrait de soutenir le cours de son titre.

Il suggère aux investisseurs d’attendre un point d’entrée plus attrayant ou un regain de vie des ventes au détail avant d’acheter le titre.

Une reprise qui tardera à se manifester

Martin Landry, directeur de la recherche à Stifel, souligne que la vente du Groupe marin suit l’annonce récente de BRP de mettre fin à ses initiatives dans les vélos électriques. Ces deux secteurs étaient pourtant perçus comme porteurs à long terme, rappelle-t-il.

Il estime que ces décisions de la direction indiquent qu’elle ne voit pas de reprise à court terme dans l’industrie et qu’elle préfère se recentrer dans le secteur des sports motorisés.

Polaris (PII, 71,18 $US), un des principaux concurrents américains de BRP, a dévoilé le 22 octobre des résultats du troisième trimestre loin sous les attentes, avec un bénéfice par action de 0,73 $US, alors que la prévision du consensus des analystes se situait à 0,88 $US, souligne Jonathan Goldman, analyste à la Banque Scotia.

La direction de Polaris a profité de l’occasion pour réviser sensiblement à la baisse ses prévisions pour le prochain trimestre, tout en exprimant sa crainte que l’environnement du commerce de détail reste difficile en 2025, note-t-il, ce qui n’est rien pour encourager les actionnaires de BRP.