Tourisme: des titres qui décollent et d’autres qui restent cloués au sol
Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑juin 2024L'appétit des consommateurs pour le voyage a eu l’effet d’un vent de dos pour les entreprises du secteur du tourisme cotées en Bourse. (Photo: 123RF)
Après avoir été pratiquement mise à l’arrêt par la pandémie, l’industrie mondiale du tourisme a rapidement repris de la vigueur au cours des dernières années, portée par des consommateurs impatients de voyage, mais de manière inégale: certains sont de retour en force, pendant que d’autres font du surplace.
Quatre années. C’est ce qu’il aura fallu à l’industrie du tourisme international pour retrouver pleinement son aplomb, si on en croit les prévisions publiées en janvier dernier par l’Organisation mondiale du tourisme. L’agence onusienne estime que le tourisme mondial a atteint 88% de son niveau prépandémique en 2023 et que la période de rattrapage se terminera cette année. «L’augmentation de la connectivité aérienne et le redressement plus vigoureux des marchés et des destinations asiatiques devraient permettre une reprise complète d’ici la fin 2024», souligne-t-elle.
Une tendance semblable s’observe au Canada. Au troisième trimestre de 2023, le nombre de voyages effectués par des résidents canadiens à l’intérieur du pays était pratiquement le même qu’avant la pandémie, tandis que les voyages de Canadiens vers les États-Unis (92% du niveau prépandémique) et vers d’autres pays (81%) n’étaient pas encore aussi nombreux qu’en 2019.
Le nombre d’arrivées au Canada de résidents des États-Unis ou d’ailleurs dans le monde en 2023 a quant à lui atteint moins de 84% du niveau prépandémique, mais le redressement s’achèvera cette année, prédit Destination Canada, l’organisme qui fait la promotion du tourisme à travers le pays. Cet élan s’est aussi fait sentir en Bourse pour les titres liés au tourisme.
Pour ce qui est des dépenses, elles sont généralement en hausse en raison de l’inflation galopante des dernières années. «L’année dernière en était déjà une de retour à la normale. On s’attend cette année à une poursuite de la normalité», résume Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
«Deux ans après que plusieurs pays ont mis fin à leurs restrictions sanitaires, on voit des signes de normalisation, notait également une étude de la firme Oxford Economics publiée en février dernier, au sujet du tourisme international. Les voyages d’affaires et internationaux, deux catégories durement frappées par la pandémie, reprennent leur élan.»
Soif de voyages et de rabais
La forte reprise du tourisme est en partie liée à ce que les anglophones ont appelé le «revenge travel», ou la revanche des voyageurs, trop longtemps enfermés entre quatre murs. Pendant que le coût de l’épicerie ou du logement n’a cessé d’augmenter, plusieurs consommateurs ont continué d’accorder une importance particulière aux voyages, constate Marc-Antoine Vachon.
Dans son étude annuelle sur les tendances touristiques au Québec, près du tiers des répondants ont affirmé que les dépenses de voyage étaient prioritaires. Cette proportion est encore plus élevée à l’échelle canadienne (48%).
«Tout le monde n’est pas sorti de la pandémie dans la même posture, d’un point de vue financier. Il y a des gens, dont on ne parle pas beaucoup, qui s’en sont très bien sortis, dit-il. Il y a beaucoup de personnes qui ont suffisamment d’argent discrétionnaire pour voyager et se payer du luxe.» Celles et ceux dont le budget est plus serré cherchent pour leur part à voyager en dénichant des aubaines ou en voyageant en basse saison, lorsque c’est possible, constate Marc-Antoine Vachon.
Les taux changent la donne
Cet appétit des consommateurs pour le voyage a eu l’effet d’un vent de dos pour les entreprises du secteur du tourisme cotées en Bourse au cours des dernières années. Toutefois, la hausse des taux d’intérêt, combinée à celles des coûts du carburant, des salaires et de la nourriture, pour ne nommer que celles-là, s’est imposée comme un sérieux vent contraire. Résultat: certains titres ont enregistré des gains impressionnants, tandis que d’autres sont simplement revenus à leur niveau prépandémique ou ont carrément perdu du terrain.
«L’environnement des taux d’intérêt élevés a grandement orienté la préférence des investisseurs. Il y a clairement une préférence pour les entreprises de qualité supérieure, qui ont des marges bénéficiaires plus élevées, qui ont des barrières à l’entrée et qui ont la capacité d’augmenter leurs prix, donc de protéger leurs marges», soutient Mathieu Bouthillier, président et fondateur de la société de gestion de portefeuille Bouthillier Capital (B-Cap).
Selon lui, on peut essentiellement classer les entreprises du secteur du tourisme et du voyage dans deux grandes catégories: celles qui ont beaucoup d’actifs (comme les transporteurs aériens et les croisiéristes) et celles qui en ont peu ou pas du tout (comme les services de réservation en ligne tels que Booking Holdings [BKNG, 3795,35$US] ou Airbnb [ABNB, 144,47$US]). « Les entreprises qui ont peu ou pas d’actifs sont clairement celles qui ont le mieux performé », dit-il, puisqu’elles n’ont pas autant fait les frais de la hausse des coûts d’emprunts.
«Les croisiéristes et les transporteurs aériens sont des entreprises très cycliques qui sont grandement affectées par la hausse du coût des intrants, en particulier celui du carburant. Leur bilan n’est pas aussi reluisant qu’avant la pandémie, ajoute Barry Schwartz, vice-président directeur et directeur des investissements chez Baskin Wealth Management, une société de gestion de placements de Toronto. À l’inverse, les entreprises qui ont des revenus prévisibles et un modèle d’affaires solide se négocient à des niveaux jamais vus.»
Du bon et du moins bon
Ces constats s’observent en Bourse, quand on regarde l’évolution des titres sur quatre ans, à partir du choc pandémique. Parmi les transporteurs aériens, ni Air Canada (AC, 18,44$), Transat A.T. (TRZ, 3,13$), ni American Airlines (AAL, 11,41$US) ou encore Lufthansa (LHA.XE, 6,47€, Bourse de Francfort) ne sont parvenus à remonter la pente qu’ils ont dévalée à toute vitesse au début de la pandémie de COVID-19. Au printemps 2024, ces titres se négociaient dans certains cas à la moitié, voire au quart de leur valeur de février 2020.
Delta Air Lines (DAL, 51,84$US) s’en est mieux tirée: elle a presque regagné tout le chemin perdu. «Comme actionnaire, il faut considérer que le poids de la dette de ces entreprises a fortement augmenté», insiste Mathieu Bouthillier, de B-CAP.
Les difficultés ont été moins généralisées du côté des principaux croisiéristes. L’action de Royal Caribbean (RCL, 148,43$US) est de retour à son niveau prépandémique, mais on ne peut pas en dire autant de Norwegian Cruise Line Holdings (NCLH, 16,00$US) ou de Carnival (CCL, 15,13$US), qui ont vu la valeur de leurs titres fondre de moitié.
Quant aux parcs d’attractions, le portrait est tout aussi contrasté: d’importants gains pour United Parks & Resorts (PRKS, 50,47$US), qui exploite notamment les parcs SeaWorld, mais des pertes ou du surplace pour Disney (DIS, 101,76$US), Comcast Corporation (CMCSA, 38,54$ US) ou encore Six Flags (SIX, 26,17$US), qui possède La Ronde et 26 autres parcs thématiques.
L’histoire est différente pour les plateformes de réservation, visiblement avantagées par une structure de coûts plus légère. Booking Holdings (qui possède Booking.com, mais aussi Priceline, Kayak et Rental Cars) et Uber (UBER, 64,26$US) font sans doute partie des grands gagnants. Au printemps dernier, leur titre se négociait à une valeur environ deux fois plus élevée qu’en février 2020. Pour ce qui est d’Airbnb (entrée en bourse en décembre 2020) et d’Expedia (EXPE, 110,31$US), la courbe est plus aplatie.
Et les hôtels? Ils ont généralement fait le bonheur de leurs investisseurs, avec des courbes ascendantes pour Marriott International (MAR, 236,59$US), qui possède notamment les chaînes Sheraton, Westin et Courtyard, Hyatt et Hilton. C’est que contrairement à ce qu’on pourrait croire, les entreprises hôtelières ne possèdent pas la majorité des immeubles sur lesquels leur nom apparaît. Ils n’ont donc pas encaissé trop durement la hausse des taux d’intérêt. «Ce sont essentiellement des entreprises qui exigent des redevances pour leur marque», explique Barry Schwartz.
Une autre voie
Plutôt que de surveiller les résultats de titres spécifiques, il est possible d’obtenir une vue d’ensemble du secteur du tourisme et du voyage en gardant à l’œil la poignée de fonds négociés en Bourse (FNB) qui y sont consacrés.
Par exemple, le fonds Amplify Travel Tech (AWAY, 19,90$US) se concentre sur les entreprises technologiques qui permettent d’effectuer des réservations en ligne ou de comparer des prix de voyage. Il inclut des géants bien connus, comme les américaines Booking et Airbnb, mais aussi des joueurs étrangers d’importance, comme l’indienne MakeMyTrip (MMYT, 79,24$US) ou Tongcheng Travel (0780.HK, 18,20$, Bourse de Hong Kong).
Une autre option est le FNB Defiance Hotel, Airline and Cruise (CRUZ, 21,75$US), qui regroupe plutôt des entreprises hôtelières, des transporteurs aériens et des croisiéristes.
Ces deux fonds cotés à la Bourse de New York n’ont pas connu beaucoup de succès jusqu’à présent: le premier a perdu près de 20% entre son lancement en février 2020 et mai dernier, tandis que le second a essuyé des pertes de près de 10% depuis ses débuts en juin 2021.
Un autre FNB consacré au secteur du voyage qui a fait son entrée à la Bourse de Toronto en janvier 2021 a mieux performé. Le FNB indiciel Harvest Travel & Leisure (TRVL, 24,11$), qui regroupe les 30 plus grandes sociétés nord-américaines liées au tourisme et au voyage, a offert un rendement annuel moyen de 6,05 % depuis sa création en janvier 2021 (au 30 avril 2024).
Le gestionnaire de portefeuille à Harvest ETFs, Kushal Agarwal, explique que ce FNB dont il est le responsable a été créé pour profiter de la reprise du secteur du voyage après la pandémie, mais aussi pour miser sur deux changements structurels qui ont commencé à se manifester avant la crise sanitaire et qui devraient, selon lui, alimenter la croissance du secteur à long terme: la retraite des baby-boomers, qui ont de l’argent à dépenser, et le transport aérien, qui est redevenu un plus plus abordable récemment, notamment grâce à la multiplication des connexions à travers le monde.
« Après la pandémie, nous avons constaté que ces facteurs étaient toujours à l’œuvre. La génération des millénariaux s’est aussi jointe aux baby-boomers et dépense également beaucoup pour voyager parce qu’ils atteignent les années de leur vie où leur salaire est le plus élevé», fait valoir Kushal Agarwal.
Barry Schwartz reconnaît lui aussi que la demande est au rendez-vous et que plusieurs entreprises en ont profité, mais il n’est pas prêt à dire qu’elle est là pour rester, en raison de l’incertitude économique ambiante.
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Attention aux turbulences
Les voyageurs ont été au rendez-vous au cours des dernières années et ne semblent pas près de déserter les plages, les avions et les bateaux. Changeront-ils leurs plans en raison du contexte économique, géopolitique ou même climatique? La réponse à cette question sera déterminante pour la performance boursière des titres du secteur du tourisme et du voyage.
À première vue, il y a de quoi être optimiste. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit qu’en 2024, le tourisme international surpassera de 2% ses niveaux de 2019. Les deux tiers des professionnels de l’industrie sondés par l’agence onusienne pensent que l’année en cours sera meilleure que la précédente, alors que seulement 6% estiment que les performances du secteur vont se détériorer.
Cet optimisme est alimenté par plusieurs facteurs, à commencer par le potentiel de croissance provenant de l’Asie-Pacifique. L’an dernier, cette région du monde a accueilli 35% moins de visiteurs qu’avant la pandémie, ce qui laisse place à un rattrapage en 2024. Parmi les autres moteurs potentiels, l’OMT note les Jeux olympiques de Paris, qui auront lieu en juillet et en août, ainsi que le «dynamisme» des voyages en provenance des États-Unis — grâce à un dollar américain fort —, qui devrait profiter aux différentes destinations de la planète.
«Plusieurs analystes voient des perspectives haussières pour le secteur du tourisme», notamment en raison de la forte demande en provenance de la Chine et de l’Inde, constate Barry Schwartz, vice-président directeur et directeur des investissements chez Baskin Wealth Management, une société de gestion de placements de Toronto.
«Il y a quelques années, les consommateurs pris chez eux achetaient toutes sortes de choses en ligne. Des vêtements, des meubles… peu importe. Désormais, ceux qui ont de l’argent le dépensent en expériences et cette tendance va se poursuivre jusqu’à ce que l’économie plonge», affirme-t-il.
Le gestionnaire de portefeuille à Harvest ETFs, Kushal Agarwal, prévoit pour sa part que la demande à venir pour les croisières va largement surpasser l’offre et que les transporteurs aériens vont continuer de miser sur les clients plus fortunés, qui génèrent généralement plus de revenus et de profits.
Le secteur du tourisme peut aussi compter sur une clientèle dont le profil n’existait pas avant la pandémie, fait remarquer Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’Université du Québec à Montréal (UQAM): les personnes qui choisissent de s’établir à l’étranger pour travailler ou d’allonger leurs vacances en sachant qu’ils peuvent se connecter à distance avec leurs collègues. «Ce sont des séjours qui n’existaient pas auparavant, dit-il. On voit qu’ils demeurent et ce n’est pas sur le point de s’effacer.»
Des risques à considérer
Pour que la croissance attendue se matérialise, il faudra que la demande demeure forte. Or, les taux d’intérêt élevés qui tardent à redescendre et le ralentissement économique observable un peu partout sur la planète pourraient éventuellement modifier les plans de certains voyageurs.
«Le voyage demeure une dépense discrétionnaire, rappelle Barry Schwartz. Vous devez manger, vous brosser les dents, aller travailler, mais vous n’êtes pas tenus de monter dans un avion pour découvrir l’Europe.»
Kushal Agarwal estime que le plus important risque qui plane au-dessus de la tête de l’industrie du tourisme est une récession, qui ferait grimper le taux de chômage. «Si les gens commencent à perdre leur travail, ils vont arrêter de dépenser pour voyager», affirme-t-il. Si plusieurs consommateurs ont semblé faire fi de l’inflation galopante des dernières années pour découvrir le monde (ou leur propre pays), ils pourraient y penser à deux fois s’ils pensent que leur emploi est possiblement menacé, précise-t-il.
Aux taux d’intérêt élevés qui plombent les finances des consommateurs, mais aussi des entreprises, il faut également ajouter les incertitudes liées aux élections présidentielles américaines, les conflits en Ukraine et entre Israël et le Hamas, mais aussi la pénurie de main-d’œuvre. «Les problèmes économiques et géopolitiques restent un grand défi pour la reprise soutenue du tourisme international et les niveaux de confiance. Il est possible que l’inflation persistante, les taux d’intérêt élevés, les fluctuations des cours du pétrole et les perturbations des échanges commerciaux continuent de se répercuter sur les coûts du transport et de l’hébergement en 2024, écrivait l’OMT dans ses perspectives 2024. Dans ce contexte, on s’attend à ce que les touristes recherchent de plus en plus un bon rapport qualité-prix et voyagent moins loin de chez eux.»
À ce sujet, près de 90% des professionnels de l’industrie du tourisme sondés par Oxford Economics estiment que le rapport qualité-prix aura une grande incidence sur les dépenses liées à l’industrie cette année à l’échelle internationale.
À court, moyen et long terme, il ne faut pas oublier les risques climatiques, signale Barry Schwartz. Les feux de forêt, les ouragans, les épisodes de chaleur accablante: tous ces phénomènes météo extrêmes sont appelés à modifier, voire à freiner les plans de voyage.
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Quelle stratégie adopter?
Le secteur du tourisme doit-il faire partie d’une stratégie d’investissement à court, moyen ou long terme? Vaut-il mieux choisir des titres individuels, privilégier un sous-secteur ou opter pour un fonds négocié en ùbourse (FNB) ratissant plus large? Trois gestionnaires de portefeuille se prononcent.
Selon Barry Schwartz, vice-président directeur et directeur des investissements chez Baskin Wealth Management, l’horizon de placement dépend notamment du type de titres sélectionné. Il estime que les titres de transporteurs aériens ou de croisiéristes entrent dans la catégorie des «actions de négociation» (de l’anglais «trading stocks», c’est-à-dire des titres qu’on achète en espérant les revendre quand ils remontent), tandis que ceux des plateformes de réservation ou des hôtels peuvent être détenus à plus long terme. «Ce sont des titres moins cycliques», dit-il.
Mathieu Bouthillier, président et fondateur de la société de gestion de portefeuille Bouthillier Capital (B-CAP), affirme lui aussi qu’il est possible de saisir certaines occasions à court terme, mais précise que les risques peuvent être grands. Le titre du croisiériste américain Carnival peut par exemple devenir une «vache à lait», juge-t-il, mais seulement si toutes les étoiles s’alignent (une dette sous contrôle et des dépenses de consommation qui se maintiennent). «On estime que la proposition de valeur est beaucoup plus intéressante quand on regarde ailleurs», ajoute-t-il, en évoquant notamment la plateforme Expedia.
Considérer les risques
Le gestionnaire de portefeuille à Harvest ETFs, Kushal Agarwal, penche quant à lui du côté de l’investissement à long terme. Il estime que des tendances de fond, comme le pouvoir d’achat des baby-boomers et des millénariaux, sont là pour de bon.
«Le secteur du voyage est très volatil et il faut y investir en considérant les risques qui y sont associés, souligne-t-il. Cela dit, notre FNB offre l’occasion de diversifier un portefeuille, plutôt que d’être exposé au risque lié au choix d’un titre ou d’un sous-secteur en particulier.»
Un avis que ne partage pas Barry Schwartz: «Le problème avec un FNB sectoriel, c’est que tu as à la fois le bon et le mauvais, dit-il. À moins d’être un investisseur qui veut profiter d’une tendance à court terme, mais qui ne sait pas quel titre choisir, je me tiendrais loin de ces FNB nichés.»
Trois titres pour trois stratégies
Mathieu Bouthillier, de B-CAP, propose trois titres liés au tourisme qui répondent, selon lui, à des horizons d’investissement ou à des stratégies différentes.
Pour surfer sur la vague: Expedia (EXPE, 110,31$US)
L’objectif d’un tel choix est de profiter de la reprise dans l’industrie du tourisme, jusqu’à ce que les conditions du secteur ou de l’économie en général changent, explique le gestionnaire de portefeuille. « Expedia se négocie à peu près à la moitié des multiples de Booking, pour des anticipations de croissance du marché qui sont plus fortes », dit-il. Il estime que la plateforme américaine pourra notamment profiter de sa structure de capital légère en actifs et de son programme de fidélisation One Key pour croître.
Recommandations des 34 analystes qui suivent le titre d’Expedia:
Achat fortement recommandé : 4
Achat/surperformance : 9
Conserver/performance égale au secteur : 21
Vente/sous-performance : 0
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 147,35 $US
Pour profiter d’un redressement: Walt Disney (DIS, 101,76$US)
Les critiques formulées envers le conseil d’administration de l’entreprise par des investisseurs militants ne changent rien au fait que les parcs d’attractions de Disney sont incontournables, populaires et représentent environ le tiers des revenus, mais les deux tiers des profits de l’entreprise, fait valoir Mathieu Bouthillier. L’action a été malmenée au cours des dernières années, mais il estime que Disney a une marque exceptionnelle qui peut encore être largement monétisée. « Dans ce cas bien précis, il y a une occasion pour la direction de mettre en place un plan de moyen à long terme de redressement des opérations médiatiques et de valorisation des actifs intangibles », dit-il.
Recommandations des 31 analystes qui suivent le titre de Walt Disney:
Achat fortement recommandé : 6
Achat/surperformance : 17
Conserver/performance égale au secteur : 7
Vente/sous-performance : 1
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 124,75 $ US
Pour investir à long terme: American Express (AXP, 236,93 $US)
Avant tout connue du grand public pour ses cartes de crédit, American Express offre aussi aux entreprises un service de réservation de voyages qui devrait prendre du galon avec l’acquisition d’un de ses concurrents directs, CWT, annoncée à la fin mars. Selon Mathieu Bouthillier, American Express constitue une entreprise solide qui est exposée au secteur du voyage, mais qui résiste bien au passage des cycles économiques. « L’entreprise possède des attributs quantitatifs et qualitatifs solides qui devraient perdurer. Un investisseur peut ainsi penser se marier à ce titre », soutient le gestionnaire de portefeuille, soit pendant 10 ans et plus.
Recommandations des 28 analystes qui suivent le titre d’American Express:
Achat fortement recommandé : 5
Achat/surperformance : 11
Conserver/performance égale au secteur : 8
Vente/sous-performance : 2
Vente fortement recommandée : 2
Cours cible moyen sur un an : 232,09 $US
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Quelques titres sous la loupe
Air Canada (AC, 18,44$)
L’action du plus grand transporteur aérien du pays n’a pas eu la vie facile depuis le début de la pandémie et elle a subi une autre baisse au début du mois de mai (-8,4%) à la suite de la présentation des résultats du premier trimestre de 2024, qui se sont révélés légèrement en deçà des attentes. Plusieurs analystes sont malgré tout confiants pour la suite.
Kevin Chiang, de Marchés des capitaux CIBC, estime que ces résultats ont somme toute été « solides » et qu’Air Canada bénéficie d’un environnement dans lequel la demande est forte. «Un des arguments baissiers pour Air Canada concerne la demande au Canada. Les résultats du premier trimestre montrent une demande intérieure soutenue pour le transport aérien, même dans un marché très compétitif», écrit-il dans une note adressée aux investisseurs. Il souligne également la capacité du transporteur de déployer sa flotte d’avions dans les marchés où la demande est la plus forte en raison de son vaste réseau.
L’analyste Konark Gupta, de la Banque Scotia, est lui aussi rassuré pour les prochains mois, compte tenu de l’achalandage anticipé, du rendement de l’entreprise et des achats de carburant au rabais effectués pour le deuxième trimestre de 2024. Tout comme son collègue de la CIBC, il estime que le marché a réagi de manière exagérée aux résultats du premier trimestre.
Plusieurs analystes jugent par ailleurs que l’action d’Air Canada se négocie actuellement à un niveau qui ne reflète pas sa véritable valeur. «L’évaluation actuelle continue de refléter ce qu’on considère être des perspectives exagérément pessimistes», souligne Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, tandis que Konark Gupta soutient que le prix actuel de l’action est «très attirant», considérant son historique et la performance des principaux concurrents. Kevin Chiang établit le cours cible à 28$ en 2025, ce qui constituerait une hausse de 49% par rapport au niveau atteint au début du mois de mai.
Recommandations des 16 analystes qui suivent le titre d’Air Canada:
Achat fortement recommandé : 5
Achat/surperformance : 10
Conserver/performance égale au secteur : 1
Vente/sous-performance : 0
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 27,41$
Transat A.T. (TRZ, 3,13$)
La direction de Transat a indiqué, en mars dernier, que les résultats du premier trimestre de 2024 «reflètent la demande qui se maintient pour le voyage de loisir», mais plusieurs analystes demeurent sur leurs gardes.
Il faut dire que deux tuiles se sont récemment abattues sur la société québécoise. Il y a d’abord eu la menace de grève de ses agents de bord: « Les constantes spéculations ont fait diminuer les réservations et ont entraîné une hausse des annulations », a fait remarquer l’analyste Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, dans une note publiée à la suite de la publication des résultats trimestriels. Une nouvelle convention collective qui sera en vigueur jusqu’en octobre 2027 a finalement été adoptée en février dernier, mettant fin à l’incertitude qui a nui à la société, mais le mal était déjà fait.
«L’effet de la grève des agents de bord sur les réservations et les prix a définitivement été plus important que nous l’aurions prévu, a souligné Cameron Doerksen de la Financière Banque Nationale. Les prévisions plus basses pour les marges et le ton prudent pour les revenus unitaires moyens nous incitent à prendre un pas de recul.»
Au même moment, les problèmes de moteurs de Pratt & Whitney ont forcé Transat à clouer quatre de ses appareils au sol. Ce nombre pourrait grimper à six d’ici la fin de l’année financière 2024 et à huit en 2025, selon la direction. Puisque plusieurs transporteurs aux prises avec ces mêmes problèmes de moteur veulent plus d’appareils, la demande pour la location d’avions a augmenté, ce qui a fait grimper les prix. Par prudence, Transat a donc décidé de réduire l’augmentation de sa capacité prévue pour 2024, la faisant passer de 19% à 13%.
Toutes ces considérations mises ensemble incitent Benoit Poirier à demeurer sur les « lignes de côté » en attendant la poursuite de l’exécution du plan stratégique de l’entreprise. La firme SADIF Investment Analytics qualifie malgré tout Transat d’entreprise de «grande qualité».
Recommandations des cinq analystes qui suivent le titre de Transat A.T. :
Achat fortement recommandé : 0
Achat/surperformance : 0
Conserver/performance égale au secteur : 2
Vente/sous-performance : 3
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 2,84$
Six Flags (SIX, 26,17 $US)
Les avis sont partagés au sujet de cette entreprise américaine qui exploite La Ronde, à Montréal, mais aussi 26 autres parcs thématiques aux États-Unis et au Mexique. Les analystes de la Deutsche Bank Chris Woronka et Steven Pizzella recommandaient en mars dernier l’achat de l’action, notamment en raison de la demande qui semble au rendez-vous.
«Nous croyons que le rythme de vente de laissez-passer pour 2024 est encourageant, ont-ils écrit dans une note destinée aux investisseurs. Si la météo du printemps et de l’été est plus favorable que l’an dernier, nous nous attendons à voir un rebond significatif en ce qui concerne l’achalandage.» Ils prévoient une augmentation de 11% par rapport à 2023, ce qui permettrait à Six Flags d’atteindre 76% des niveaux de 2019.
Les analystes signalent par ailleurs que l’éventuelle fusion de Six Flags et d’un autre opérateur de parcs, Cedar Fair Entertainment (FU, 43,06$US), qui exploite notamment Canada’s Wonderland, en Ontario, pourrait peut-être changer la donne. Cette transaction annoncée en novembre dernier a été approuvée par les actionnaires de Six Flags, mais elle était toujours en attente de l’approbation des autorités réglementaires. La nouvelle entreprise serait détenue à 51% par les actionnaires de Cedar Fair.
L’enthousiasme des analystes de la Deutsche Bank n’était pas partagé par les firmes New Constructs et SADIF Investment Analytics. La première a décrit Six Flags comme un titre «non attrayant», après analyse des profits et du bilan de la société, tandis que la seconde parle d’une entreprise de «faible qualité». «Nous nous attendons à ce que Six Flags soit un investissement à long terme moins performant que la moyenne», conclut SADIF.
Recommandations des 11 analystes qui suivent le titre de Six Flags :
Achat fortement recommandé : 4
Achat/surperformance : 4
Conserver/performance égale au secteur : 2
Vente/sous-performance : 1
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 29,40 $US
Carnival (CCL, 15,13$US)
Contrairement à son concurrent Royal Caribbean, l’entreprise américaine n’est pas parvenue à remonter la pente en Bourse depuis le choc pandémique. Cela n’empêche pas l’analyste Daniel Politzer, de Wells Fargo, de juger l’action prometteuse, notamment en raison de la popularité des croisières.
La demande actuelle est forte, celle de l’an prochain prend forme de belle façon, le marché européen performe bien et la nouvelle installation nommée Celebration Key, qui doit être inaugurée en 2025, est prometteuse, énumère-t-il. Cette station balnéaire privée située au sud de l’île Grand Bahama, au nord de l’archipel des Bahamas, doit accueillir chaque année près de deux millions de passagers qui débarqueront d’un des 18 bateaux de croisière appelés à s’y rendre, affirme Carnival. Si tout se déroule comme prévu par l’entreprise, cette ouverture devrait notamment lui permettre d’augmenter les dépenses de ses passagers et de réaliser des économies de carburant, étant donné la proximité du site avec les côtes de la Floride (d’où partent plusieurs croisières).
«Les résultats du premier trimestre de 2024 n’étaient pas aussi bons qu’on aurait pu l’espérer, mais les facteurs fondamentaux demeurent solides», écrivait Daniel Politzer en avril dernier, en évoquant la vigueur des marchés nord-américains et européens. Il estime par ailleurs que l’évaluation de l’entreprise est «attrayante» par rapport à ses concurrents.
Parmi les vents de dos qui pourraient aider la cause de Carnival, l’analyste de Wells Fargo évoque la baisse du prix du carburant et la diminution attendue des taux d’intérêt qui devrait réduire les coûts d’emprunt de la société. Il note également qu’une désescalade des conflits entre Israël et le Hamas et en Ukraine pourrait redonner de la vigueur aux croisières sur le territoire européen, qui sont généralement associées à un prix par billet plus élevé que d’autres destinations.
La firme Wolfe Research prévoit également de beaux jours pour Carnival, avec un bénéfice ajusté par action qu’elle entrevoit à 1,00$US en 2024 et à 1,45$US en 2025, comparativement à seulement 0,02$US en 2023.
Recommandations des 25 analystes qui suivent le titre de Carnival :
Achat fortement recommandé : 8
Achat/surperformance : 12
Conserver/performance égale au secteur : 2
Vente/sous-performance : 3
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 20,77 $US
Marriott International (MAR, 236,59 $ US)
Le géant hôtelier américain, qui possède notamment les marques Sheraton et Ritz-Carlton, fait partie de ces entreprises du secteur de l’hébergement qui ont fortement rebondi depuis le début de la pandémie. Son action était tombée à moins de 60$US en avril 2020; elle valait plus de 230$US en mai dernier. À en croire plusieurs analystes, l’ascension n’est pas terminée.
«Nous croyons que le modèle d’affaires profitable de Marriott, qui s’appuie sur des redevances, ses liquidités disponibles et l’importance qu’elle accorde aux voyages d’affaires placent la société en bonne posture pour accroître ses bénéfices en 2024», écrit John Staszak, d’Argus Research, dans une note publiée en mars dernier. Ce dernier voit également d’un bon œil la présence internationale de l’entreprise, qui peut accroître le nombre de chambres offertes là où les occasions se présentent.
La firme Zacks souligne que Marriott a jusqu’à présent fait partie des meneuses de son industrie grâce à une forte demande pour le voyage et de nombreuses réservations à l’échelle mondiale. Zacks fait également remarquer que la chaîne hôtelière mise sur son partenariat stratégique avec MGM Resorts pour alimenter sa croissance en 2024.
Des nuages pourraient cependant assombrir le ciel, prévient la firme CRFA dans une note publiée en avril dernier. «Nous pensons que la reprise des dépenses en Chine et dans la région Asie-Pacifique pourrait être plus lente que ce que plusieurs prévoient, en raison de défis économiques et géopolitiques», soulignait-elle.
Selon cette firme d’analyse financière, la croissance de Marriott pourrait aussi être freinée par des retards de construction d’immeubles — notamment en raison des taux d’intérêt élevés et de la pénurie de main-d’œuvre — et par la concurrence d’acteurs comme Airbnb.
Recommandations des 25 analystes qui suivent le titre de Marriott International :
Achat fortement recommandé : 2
Achat/surperformance : 4
Conserver/performance égale au secteur : 18
Vente/sous-performance : 1
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 245,74 $US
Booking Holdings (BKNG, 3795,35 $US)
Pour cette entreprise propriétaire des populaires plateformes de réservation en ligne Booking.com, Priceline, Kayak et Rental Cars, la pandémie ne semble être qu’un lointain souvenir. Son action vaut presque deux fois plus cher qu’en février 2020 et son ascension boursière est quasi ininterrompue depuis l’automne 2022.
Les nouvelles ont encore une fois été bonnes au début du mois de mai, lors de la présentation des résultats du premier trimestre de 2024: un nombre de nuitées en hausse de 9% par rapport à la même période de l’année précédente et des revenus en croissance de 17%. «Ces chiffres surpassent nos attentes», a déclaré le PDG de l’entreprise, Glenn Fogel.
«Nous continuons de croire que Booking Holdings est la société la mieux positionnée dans le secteur de la réservation de voyage en ligne, ont écrit les analystes de JP Morgan, Doug Anmuth et Dae K. Lee, dans une note aux investisseurs publiée à la suite de l’annonce des résultats. Nous croyons que l’entreprise peut encore être en mesure de gagner des parts de marché à l’échelle mondiale.»
Les deux analystes reconnaissent que des risques liés à l’inflation et au contexte économique peuvent affecter Booking, mais ils ne sont pas inquiets outre mesure. «Puisque le voyage est revenu au-dessus des niveaux de 2019, c’est la performance de l’entreprise comme telle qui est plus importante», écrivent-ils.
Deux mois plus tôt, l’analyste de Wells Fargo, Ken Gawrelski, soutenait lui aussi que Booking est en tête dans son secteur. «Nous sommes d’avis que les attentes pour 2024 et 2025, en ce qui concerne le nombre de nuitées et le bénéfice par action, sont atteignables», soulignait-il.
Recommandations des 36 analystes qui suivent le titre de Booking Holdings :
Achat fortement recommandé : 5
Achat/surperformance : 19
Conserver/performance égale au secteur : 12
Vente/sous-performance : 0
Vente fortement recommandée : 0
Cours cible moyen sur un an : 4047,81 $US