Notre penchant marqué pour les titres canadiens apporte son lot d’inconvénients. Comment s’en protéger? (Photo: 123RF)
C’est bien connu, les actions canadiennes ne représentent qu’une minime partie de la capitalisation boursière mondiale. Pourtant, les Canadiens détiennent plus de 55% de titres d’entreprises canadiennes dans leurs portefeuilles.
D’après des calculs de RBC Gestion mondiale d’actifs (RBC GMA), le Canadien moyen possède environ 89% de ses actifs au Canada. Une grande proportion de ce chiffre comprend de l’immobilier, mais également des investissements en actions et en obligations, des plans de retraite, des assurances, des prestations gouvernementales et d’autres investissements privés.
Ainsi, le Canadien moyen n’investit qu’environ 11% à l’extérieur des frontières du pays. «Sachant que le marché boursier canadien ne représente que 3% des marchés mondiaux, ce pourcentage est important. De nombreux Canadiens passent donc à côté de 97% des occasions d’investissement mondiales en ayant la plupart de leurs actifs domiciliés au pays», remarque Brigitte Felx, première directrice régionale de la stratégie de distribution-entreprise à RBC GMA.
Soulignons que ce penchant pour les titres du pays d’origine semble un phénomène mondial. Les Australiens et les Japonais détiennent plus de 60% d’actions d’entreprises de leur pays dans leurs portefeuilles, alors que le poids des indices boursiers des deux pays dans l’écosystème mondial est de quelques points de pourcentage.
Les Américains remportent la palme avec près de 80% de leurs placements boursiers investis chez eux. Bémol cependant : le poids des États-Unis dans l’indice mondial est aussi très important, soit de près de 60%.
Pourquoi ce penchant?
Plusieurs raisons expliquent cette nette préférence pour les actions d’entreprises québécoises ou canadiennes. D’abord, ces chouchous ou fleurons nous sont familiers. Des sociétés comme Alimentation Couche-Tard (ATD, 80,21$), Bombardier (BBD.B, 88,98$), Metro (MRU, 74,56$) ou Air Canada (AC, 18,40$) font souvent la manchette. Parfois, un membre de notre famille y travaille. En finance comportementale, on appelle cela le «biais domestique».
«Investir dans une entreprise locale nous donne la fausse impression que c’est moins risqué parce que c’est dans notre région, notre pays», souligne Richard Guay, professeur titulaire en finance à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM) et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
L’engouement pour les investissements responsables ou facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) milite aussi en faveur d’un penchant local en Bourse, mentionne Richard Guay. On souhaite soutenir une entreprise de chez nous plutôt qu’une grosse multinationale afin que les retombées profitent à l’économie régionale. Autre raison: on pense qu’en investissant dans une entreprise multinationale d’origine canadienne, on atteindra une diversification mondiale suffisante. «Or, ce n’est pas aussi vrai qu’on le croit. La performance de ces entreprises sera souvent très corrélée avec celle du marché domestique», observe Félix Duchaîne, directeur régional à Placements Vanguard Canada.
À cela s’ajoute l’avantage fiscal pour les particuliers de détenir des titres canadiens plutôt qu’étrangers, soit le crédit d’impôt pour dividendes. En effet, lorsqu’une société étrangère verse un dividende à un résident canadien, il est imposé comme un revenu ordinaire.
De plus, le pays d’origine de l’entreprise étrangère, par exemple les États-Unis, peut retenir des impôts à la source. Il existe parfois des ententes qui permettent de réclamer un crédit d’impôt étranger dans le but d’éliminer ou de réduire les effets de cette double imposition. Selon la catégorie d’actifs et du pays d’origine de l’entreprise ou de l’émetteur, il peut donc y avoir des incidences fiscales diverses.
Ce biais domestique affecte également la portion obligataire de nos portefeuilles. À l’approche de la retraite ou en mode de décaissement, certains s’inquiètent d’avoir suffisamment de sources de revenus en dollars canadiens afin d’apparier ces déboursés. Ils vont préférer les obligations qui procurent des revenus en dollars canadiens. «On ne croit pas qu’il soit important que les obligations soient uniquement canadiennes même en mode de décaissement, si on s’assure que ces obligations étrangères sont couvertes pour le risque de devise. Il existe des FNB et des fonds communs de placement mondiaux, comme le Vanguard FNB indiciel d’obligations totales mondiales (VGAB, 20,95 $), dont les distributions sont en dollars canadiens et le risque de devise est couvert», nuance Félix Duchaîne.
Une question de diversification
Les arguments en faveur d’une diversification mondiale ne sont pas seulement liés à la faible portion d’actions canadiennes dans le monde, mais aussi en raison des secteurs de l’économie qui sont représentés au pays. Contrairement à l’économie américaine, la nôtre est beaucoup moins bien diversifiée. Preuve éloquente : les secteurs financier, énergétique ainsi que les ressources naturelles représentent à eux seuls presque les deux tiers de la capitalisation boursière du Canada.
Ce fort penchant local nous expose donc aux risques liés aux entreprises canadiennes qui sont surpondérées dans certains secteurs et qui sont sous-pondérées dans d’autres, comme les technologies de l’information, les soins de santé et les biens de consommation de base.
«La diversification est cruciale pour les investisseurs qui cherchent à réduire le risque au sein de leur portefeuille au fil du temps, et les titres étrangers jouent un rôle essentiel dans l’atteinte de cet objectif», souligne une étude de Placements Vanguard Canada publiée l’an dernier à propos de notre préférence des investisseurs du pays pour les titres canadiens.