Un bon moment pour investir dans les marchés émergents ?
Pierre Théroux|Édition de la mi‑novembre 2024(Photo: Adobe Stock)
Il existe des facteurs favorables aux actions des pays émergents, répondent en chœur les experts interrogés par Les Affaires. Le principal attrait, selon eux, repose sur le fait que les actions des pays émergents sont bien moins chères que celles des pays développés.
« Les valorisations sont bon marché », constate Francis Sabourin, gestionnaire de portefeuille et conseiller en placement chez Patrimoine Richardson, ajoutant que les facteurs démographiques et l’amélioration des revenus favorisent aussi la croissance dans les marchés émergents.
Les arguments en faveur des pays émergents « reposent et reposeront sur leur différentiel de croissance positif par rapport aux pays développés », indique aussi le gestionnaire de portefeuille. Cet écart a plus que doublé au cours des trois dernières décennies, passant d’une moyenne de 1 % dans les années 1990 jusqu’à 2,7 % entre 2010 et 2023. Même si cet écart devrait diminuer entre 2024 et 2028, il devrait rester supérieur à 2 %, selon le Fonds monétaire international (FMI).
La baisse des taux d’intérêt aux États-Unis et la fin de l’incertitude quant à la trajectoire des taux « devraient permettre de stabiliser les devises dans les marchés émergents. C’est l’un des ingrédients d’une meilleure performance de ces marchés dans les prochains mois », souligne Jules Boudreau.
Le dollar américain est un autre facteur à prendre en considération. « Il a été très fort ces dernières années, mais un affaiblissement pourrait favoriser les marchés émergents », ajoute Julien Tousignant, gestionnaire de portefeuille pour les marchés émergents chez Desjardins Gestion internationale d’actifs.
Quelle stratégie adopter ?
L’attrait des marchés émergents ne doit pas pour autant pousser les investisseurs à leur consacrer une part trop importante dans leur portefeuille. « Un ratio de 5 % à 6 % serait raisonnable », conseille Francis Sabourin.
« Même si j’avais une perception très négative envers les actions des marchés émergents, je conseillerais quand même à un investisseur qui n’est pas exposé à ce marché d’en détenir au moins 2 % de la valeur de son portefeuille, parce que le potentiel de diversification est vraiment bien », indique Jules Boudreau, économiste principal au sein de l’équipe des stratégies multi-actifs chez Mackenzie, qui suggère toutefois de ne pas dépasser les 10 %.
Par ailleurs, les investisseurs devraient miser sur des véhicules de placement qui misent sur une gestion active plutôt qu’indicielle. « Règle générale, il y a un meilleur potentiel de rendement en allant chercher nos actions américaines de façon indicielle, puis nos actions des marchés émergents de façon active. C’est logique, parce que ce sont des marchés qui sont moins efficaces, avec plus d’imperfections, donc c’est plus facile de miser sur une gestion active. Dans le S&P 500, c’est plus difficile d’y trouver des imperfections », estime Jules Boudreau.
« S’exposer à une stratégie d’investissement indicielle, comme c’est le cas avec des fonds négociés en Bourse (FNB), c’est risquer de s’exposer à des titres de sociétés qui ont une place prépondérante et qui pourraient ainsi avoir un impact démesuré sur la performance de l’indice », ajoute Julien Tousignant, qui favorise aussi une gestion plus active.
Dans tous les cas, avant de se lancer à l’assaut des marchés émergents, « un investisseur doit se demander s’il sera capable de tolérer la plus grande volatilité associée à ces marchés pendant assez longtemps pour rester investi et pour profiter éventuellement de leur forte croissance », prévient Jules Boudreau.
Les marchés émergents sont en effet confrontés à des risques beaucoup plus grands. « On parlait moins des risques géopolitiques, il y a trois ou quatre ans. Mais la situation a changé avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les tensions grandissantes entre la Chine et Taïwan et les Philippines, ainsi qu’avec la situation au Moyen-Orient », souligne Francis Sabourin.
Les titres des marchés émergents sont donc beaucoup plus volatils que les actions de sociétés canadiennes, américaines, ou internationales. « Les sociétés technologiques de Taïwan sont beaucoup moins chères que celles des États-Unis, ou ailleurs dans les marchés développés, parce qu’elles reflètent justement le potentiel de rendement ou de perte plus élevé. Il faut s’assurer que si la Chine envahit Taïwan, ça ne viendra pas briser nos rêves de retraite », conclut Jules Boudreau.
Conseils de l’expert
Respectez votre seuil de tolérance
Dans tous les cas, avant de se lancer à l’assaut des marchés émergents, « un investisseur doit se demander s’il sera capable de tolérer la plus grande volatilité associée à ces marchés pendant assez longtemps pour rester investi et pour profiter éventuellement de leur forte croissance. »