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John Plassard

Préparé pour le futur

John Plassard

Expert(e) invité(e)

Pourquoi le consensus a-t-il tort pour 2025?! 

John Plassard|Publié le 09 Décembre 2024

Pourquoi le consensus a-t-il tort pour 2025?! 

On notera par exemple un ETF qui a été lancé pour parier à l’encontre du présentateur star de CNBC Jim Cramer (réputé pour avoir souvent tort). Ce fond a cependant fermé seulement 10 mois après son lancement…(Photo by Steven Ferdman/Patrick McMullan via Getty Images)

EXPERT INVITÉ. Nous faisons une étude sur le sujet à chaque début d’année en affirmant que le consensus a toujours tort. Si l’affirmation est bien évidemment volontairement provocatrice, elle n’est pas tout à fait fausse. Les paris du consensus en début d’année se sont souvent révélés faux au 31 décembre, quel que soit l’actif ou le secteur visé. Comment cela est-il possible et faut-il parier à l’encontre du consensus? Synthèse et analyse d’un phénomène psychologique central.

Les faits 

En tentant de déterminer ce qui se passera sur le plan économique et boursier en 2025, il est facile de s’aligner sur la pensée consensuelle. De nombreux experts présentent leurs perspectives économiques et boursières à cette période de l’année, et il semble parfois que personne ne veuille exprimer une opinion impopulaire. Il en résulte que la plupart des «perspectives» se conforment à une opinion consensuelle. Certains pronostiqueurs du marché prennent également le contre-pied du consensus, car la plupart du temps, ce dernier finit par se tromper et donc on se souvient plus facilement d’eux.

L’exemple de 2022 

Si on prend le cas «emblématique» de 2022 par exemple, il y a 2 ans, à la même époque, le sentiment général des économistes, des investisseurs et des dirigeants d’entreprise était très favorable à la croissance économique et aux rendements des marchés boursiers. 

Certains signes indiquaient que l’inflation atteignait déjà un pic, et l’on pensait que la Réserve fédérale n’aurait qu’à relever ses taux de 0,75 à 1,00% pour lutter contre l’inflation à mesure que les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement seraient résolus. 

L’opinion commune (le consensus donc) était que même si la croissance ralentissait en 2022 en raison des modestes hausses de taux de la Réserve fédérale, la croissance du PIB resterait solide, aux alentours de 4%, et les bénéfices des entreprises continueraient de croître à un rythme proche des deux chiffres. 

La vigueur du marché de l’emploi et la bonne santé des bilans des entreprises permettraient à la croissance des bénéfices des entreprises de rester forte au fur et à mesure que la reprise mondiale se poursuivrait. 

Tous ces éléments étaient considérés comme propices à des rendements modestes, mais positifs sur le marché boursier. Comme tout le monde le sait douloureusement, l’année 2022 s’est soldée par une situation bien différente. 

La guerre de la Russie en Ukraine a exacerbé les problèmes de la chaîne d’approvisionnement et l’inflation est montée en flèche. La Réserve fédérale américaine a clairement indiqué qu’elle devrait relever les taux d’intérêt de manière agressive pour réduire l’inflation. 

En conséquence, le PIB a augmenté de moitié environ par rapport aux prévisions. Les marchés boursiers se sont effondrés, les investisseurs s’inquiétant de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation élevée et de l’affaiblissement de la croissance. 

Sur l’ensemble de l’année, l’indice S&P 500 des grandes capitalisations américaines a baissé de 18,2% et l’indice mondial tous pays a baissé de 18,6% sur la base du rendement total. 

Le même exercice peut bien évidemment être effectué sur l’année 2023 et les précédentes…

SUIVANT – Pourquoi le consensus a-t-il (toujours?) tort? 

Pourquoi le consensus a-t-il (toujours?) tort? 

Le consensus économique n’est pas toujours erroné. Cependant, il est vrai que les économistes font souvent des prédictions erronées sur l’économie. Il y a plusieurs raisons à cela.

  • Complexité de l’économie : L’économie est un système complexe composé de nombreux éléments en interaction. Il est donc difficile de prédire comment l’économie se comportera à l’avenir. 
  • Données imprécises : Les économistes doivent souvent s’appuyer sur des données incomplètes ou inexactes pour faire leurs prévisions. Cela peut entraîner des erreurs dans leur analyse. 
  • Mauvaise spécification des modèles : Les économistes utilisent souvent des modèles pour faire leurs prévisions. Cependant, ces modèles ne sont pas parfaits et peuvent parfois conduire à des conclusions erronées. 
  • Comportement irrationnel : Les êtres humains ne sont pas toujours des acteurs rationnels. Cela peut conduire à des comportements imprévisibles et difficiles à modéliser. 
  • Événements inattendus : L’économie est parfois surprise par des événements qui n’ont pas été anticipés par les économistes. Ces événements peuvent amener l’économie à s’écarter des prévisions des économistes.

Malgré ces difficultés, les économistes sont toujours en mesure de faire des prédictions précises sur l’économie. Toutefois, il est important d’être conscient des limites des prévisions économiques.

Quel est le problème avec les «prédictions»? 

Pour les investisseurs, la vraie question est : si les valorisations des marchés dépendent des prévisions de bénéfices futurs, dans quelle mesure ces projections sont-elles fiables?

Les données historiques de Yardeni Research illustrent une tendance qui donne à réfléchir : les prévisions de bénéfices des analystes ont toujours été inexactes. En fait, l’achat d’actions sur la base de ces hypothèses exagérément optimistes conduit souvent à payer des prix exagérés, même si les marchés ont toujours tendance à réaliser des gains au fil du temps.

Ce n’est toutefois pas une raison pour ignorer les risques. La surestimation des bénéfices entraîne inévitablement des corrections sur les marchés, en particulier lorsque des événements imprévus viennent perturber les attentes. 

L’étude 2010 de McKinsey a mis en évidence ce problème, en montrant que les analystes avaient, pendant 25 ans, toujours prévu une croissance des bénéfices de 10 à 12%, alors que la croissance réelle était plus proche du rythme de l’économie, à savoir 6%. 

Cet excès de confiance persistant gonfle les valorisations, créant un environnement de marché fragile. 

L’erreur fondamentale consiste à se fier aux bénéfices prévisionnels comme outil d’évaluation, étant donné l’optimisme systématique de ces prévisions. 

Pourtant, malgré des valorisations historiquement élevées, les analystes continuent aujourd’hui à promouvoir des prévisions haussières, semblant ignorer les leçons du passé.

SUIVANT – Quels sont les exemples où le consensus avait tort? 

Quels sont les exemples où le consensus avait tort? 

Au-delà de 2022 que nous avons étudiés voici quelques exemples de moments où le consensus économique s’est trompé :

  • La Grande Dépression : Dans les années 1930, la plupart des économistes pensaient que l’économie finirait par se redresser d’elle-même. Cependant, la dépression a duré plus d’une décennie et a causé des souffrances généralisées. 
  • La «décennie perdue» du Japon des années 1990 : Dans les années 1980, le Japon était considéré comme une puissance économique. Cependant, le consensus n’a pas anticipé la stagnation économique prolongée qui a suivi. L’éclatement des bulles immobilières et boursières japonaises a conduit à une décennie de déflation, de faible croissance et de crises bancaires. 
  • La bulle Internet : à la fin des années 1990, de nombreux économistes pensaient que le marché boursier continuerait à monter indéfiniment. Cependant, la bulle a éclaté en 2000, entraînant un ralentissement économique majeur. 
  • La crise financière de 2008 : Avant la crise financière, il y avait un consensus sur le fait que les marchés financiers étaient intrinsèquement stables et autorégulés. La faillite de Lehman Brothers a ébranlé cette croyance, révélant les risques systémiques et l’interconnexion des institutions financières mondiales. Le consensus n’a pas permis de prévoir la gravité et les effets de contagion de la crise. 
  • Crise de la dette européenne des années 2010 : Le consensus était que la zone euro était une union monétaire stable. Cependant, la crise de la dette a révélé des failles structurelles. Des pays comme la Grèce ont dû faire face à de sévères mesures d’austérité, remettant en cause l’idée d’une zone euro unifiée et résistante. 
  • Le Brexit de 2016 : Les économistes s’accordaient à dire que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne nuirait à son économie. Malgré ces avertissements, le référendum sur le Brexit s’est soldé par un vote en faveur de la sortie du pays, et les effets économiques à long terme se fait toujours sentir.

Ces exemples montrent que les économistes ne sont pas toujours en mesure de prédire l’avenir de l’économie avec précision. N’oubliez pas que les prévisions économiques sont par nature incertaines et que les opinions consensuelles peuvent être influencées par des idéologies dominantes, des préjugés et des événements imprévus. En tirant les leçons de ces évènements historiques, il est essentiel d’adapter notre compréhension de l’économie.

Qu’attend-on pour 2025? 

L’année 2025 s’annonce sous les meilleurs auspices, avec des projections ambitieuses, notamment celles d’Ed Yardeni, qui voit le S&P 500 atteindre 7 000 points d’ici la fin de l’année. Ce scénario repose sur des mesures clés comme des réductions d’impôts, une déréglementation accrue et une expansion continue des marges bénéficiaires des entreprises, particulièrement dans le secteur technologique.

L’optimisme ambiant, nourri par une nouvelle dynamique d’«esprits animaux» (animal spirit en anglais, ce qui est difficile à traduire), traduit un environnement où innovation et croissance économique devraient aller de pair.

Ce qui est assez incroyable, c’est que les stratégistes ont passé l’année 2024 avec des objectifs bien inférieurs au S&P 500 aujourd’hui. Ils sont donc prêts (aujourd’hui) à relever leurs objectifs pour 2025 de plus de 20% (par rapport aux objectifs de 2024) et de plus de 10% par rapport au niveau de vendredi.

Il s’agit même de la plus forte hausse de l’optimisme des stratégistes jamais enregistrée.

Les investisseurs semblent particulièrement attirés par les secteurs en forte expansion, comme la technologie et l’intelligence artificielle, qui promettent de solides performances. 

Cette confiance repose sur l’idée que l’économie américaine continuera à se démarquer, grâce à des politiques pro-entreprises et à des gains de productivité remarquables. Les perspectives de croissance record pour les entreprises renforcent cette vision d’un marché en pleine effervescence. 

Théoriquement si on se réfère au consensus toujours, 2025 pourrait marquer une année charnière, où des fondamentaux économiques solides, des incitations fiscales et une innovation technologique soutiendront une dynamique de performance sans précédent. 

Mais cette vision est très (trop?) consensuelle avouons-le… 

Enfin au niveau de la croissance économique, le consensus pense qu’en 2025, la croissance mondiale devrait se maintenir autour de 3%, comme en 2024, la plupart des grandes économies évitant la récession. 

Alors que les États-Unis et la Chine pourraient connaître un ralentissement de leur croissance, des régions comme l’Europe, le Japon et le Royaume-Uni devraient connaître une légère accélération. Le PIB de la zone euro devrait croître de 1,2%, soutenu par les baisses de taux des banques centrales et l’amélioration de la demande intérieure. 

L’économie japonaise devrait croître de 1,1%, sous l’effet de la hausse des salaires et du rebond du commerce mondial. En revanche, la croissance de la Chine devrait continuer à ralentir en raison de problèmes structurels et d’une faible confiance intérieure.

Dans l’ensemble, les perspectives de croissance pour 2025 reflètent un mélange de progrès constants dans les marchés développés et d’incertitudes persistantes dans les principales économies émergentes. 

SUIVANT – Vous voulez parier contre le consensus?! 

Vous voulez parier contre le consensus?! 

Il y a plusieurs manières d’investir «contre le consensus», dont : 

  • En pariant sur l’inverse : Quel que soient les convictions du consensus sur le marché ou les actifs, il vous est possible de parier contre celles-ci à travers notamment des ETF Shorts (vendeurs) ou inversés. Les ETF inversés visent une performance opposée à celle de leur cible, généralement un indice. Quelques exemples ci-dessous :
  • Les fallen angels : Les anges déchus en bon français correspondent à l’investissement dans les valeurs/actifs dont plus personne ne veut. La stratégie adoptée par l’ETF Fallen Angels par exemple s’appuie sur une approche contrariante : les obligations d’entreprises qui viennent d’être rétrogradées à haut rendement proviennent souvent de secteurs en proie à des turbulences économiques. Citons par exemple le secteur des services financiers au lendemain de la crise financière mondiale ou le secteur de l’énergie après l’effondrement des prix du pétrole en 2014. Investir dans les obligations «fallen angels», c’est exploiter une anomalie de marché. 
  • Les ETF contrariants : Il y a plusieurs ETFs ici et là qui ont été créés pour parier sur la thématique contraire d’une institution ou encore d’un investisseur connu. On notera par exemple un ETF qui a été lancé pour parier à l’encontre du présentateur vedette de CNBC Jim Cramer (réputé pour avoir souvent tort). Ce fond a cependant fermé seulement 10 mois après son lancement…

Synthèse 

En début d’année, il est peu commun d’avoir des certitudes. Pourtant, historiquement parlant, il est avéré que l’on peut aisément parier contre le consensus. L’année 2025 ne devrait pas être différente (malheureusement!), car le consensus a rarement été aussi… consensuel (!) sur ces 12 prochains mois. Rappelons cependant que le consensus peut aussi se tromper sur l’ampleur de la… hausse potentielle de 2025!