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Au tour des aubaines de briller en Bourse

Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑septembre 2019

ANALYSE. Les secteurs sous-évalués ou ceux ayant moins participé jusqu'ici à l'élan boursier séduisent de ...

ANALYSE. Les secteurs sous-évalués ou ceux ayant moins participé jusqu’ici à l’élan boursier séduisent de nouveau les investisseurs.

Ces dernières années, un important écart de performance s’est creusé entre les titres dits de «croissance» et ceux dits de «valeur», tellement que le fossé est devenu aussi prononcé que lors de la bulle Internet de 1999, ont même observé plusieurs stratèges au cours des derniers mois.

Depuis le début du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, en janvier 2018, deux catégories de placement menaient la charge : les titres à dividendes, qui profitent de la baisse des taux, et les sociétés de technologie bien nanties, dont la croissance dépend moins de l’activité économique.

Entre ces deux extrêmes, les titres plus cycliques, ceux de l’énergie et les banques – trois secteurs bon marché – ne suivaient pas la cadence.

Les divergences étaient devenues si marquées qu’en juillet, Marko Kolanovic, de JP Morgan Chase & Co. avait recommandé à ses clients de sauter sur l’«occasion d’une décennie».

La popularité de la démarche «momentum», qui consiste à acheter des titres portés par une longue vague haussière, lui semblait aussi démesurée que la défaveur dont faisaient l’objet les secteurs cycliques ou sous-évalués.

Cela rappelle 1999, quand les investisseurs étaient si obnubilés par les nouveaux chouchous du secteur de l’Internet qu’ils avaient complètement délaissé les industries plus traditionnelles.

Ce n’est qu’après l’éclatement de la bulle des technologies que les investisseurs appauvris par la chute de 77 % du Nasdaq ont redécouvert les autres secteurs.

Rien de tel cette fois-ci, mais la remontée inattendue des taux à long terme semble avoir pris de cours les fonds qui avaient misé sur les industries portées par des taux faibles, comme les fonds immobiliers et les fournisseurs d’électricité.

Les taux de 10 ans ont grimpé de 1,44 % à 1,87 %, et ceux de 30 ans, de 1,93 % à 2,34 % depuis le 3 septembre. Cette hausse peut aussi être perçue comme un signal que la récession appréhendée n’est pas imminente grâce au nouvel effort monétaire des banques centrales.

Les secteurs cycliques sous-évalués tels que ceux de l’industrie et de l’énergie bénéficient donc de nouveaux acheteurs depuis la fin du mois d’août. Cela inclut le secteur pétrolier, à la Bourse de Toronto ; il a rebondi de 12 % depuis le 27 août. Les banques ont aussi profité du rebond des taux à long terme qui peut raffermir leurs marges sur les prêts.

Changement de régime

À ce stade, il est difficile de dire si le soudain virage «valeur» sera durable. M. Kovalonic y croit parce qu’il s’attend à un apaisement de la guerre commerciale et à une reprise économique grâce à la détente monétaire et aux mesures de relance.

Selon la théorie financière, lorsque l’économie prend du mieux, un plus grand nombre de secteurs en profitent. Le secteur vedette de la technologie, prisé pour sa croissance séculaire, perd alors un peu de son attrait relatif.

Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity, n’est pas aussi convaincu étant donné tous les faux départs des titres sous-évalués depuis 2010.

En outre, les sociétés de technologie ont d’énormes liquidités à leur disposition pour racheter leurs actions si elles flanchaient, ce qui n’est pas le cas des industries plus traditionnelles.

À plus court terme, toutefois, la rotation de secteur pourrait se poursuivre d’ici la fin de l’année, estime-t-il, en particulier si les taux américains repères de 10 ans retournent aux environs de 2 %.

L’écart de 33 % entre l’évaluation des titres dits de croissance et ceux de valeur est un record, précise Canaccord Genuity.

Chez Morgan Stanley, le stratège quantitatif et des produits dérivés, Chris Metli, croit que le renversement de tendance durera au plus quelques semaines. À son avis, les pros ajustent un peu leur portefeuille afin de le repositionner pour terminer l’année, mais ils restent largement sur leurs positions d’origine, dit-il.

Un choc obligataire pourrait cependant accélérer le mouvement vers les titres sous-évalués, convient le stratège. Une hausse soutenue des taux obligerait une foule de fonds à vendre des obligations pour éviter des pertes, ce qui accentuerait la remontée des taux et le déplacement vers les titres bon marché, évoque le stratège.

Un tel scénario pourrait provoquer des secousses comme celles qu’on a connues en décembre 2018, craint-il.

14,1
C’est le multiple des bénéfices prévus de l’indice S&P 500 valeur.

21,0
C’est le multiple des bénéfices prévus de l’indice S&P 500 croissance.
Source : Canaccord Genuity