« C’est l’une des pires journées que j’ai vécues en Bourse ».
Une marée de rouge sur les écrans boursiers : lundi les marchés accusaient des plongeons rappelant le cataclysme financier de la fin 2008, alors que s’exacerbe la crainte d’une dépression économique mondiale, sur fond de krach pétrolier et de propagation du nouveau coronavirus.
« C’est l’une des pires journées que j’ai vécues en Bourse », confie à l’AFP Oliver Roth, stratège chez Oddo Seydler Bank, à Francfort.
Les investisseurs étaient déjà échaudés ces dernières semaines par la propagation du coronavirus. S’ajoute à présent le stress lié à l’or noir, qui a connu lundi sa pire chute depuis la première guerre du Golfe en 1991, s’effondrant de plus de 30 % en Asie.
La chute des bourses d’Asie s’est propagée à l’Australie puis à celles du Golfe, avant de rejaillir sur les marchés européens puis de contaminer Wall Street.
Les échanges ont été suspendus 15 minutes à l’ouverture de la Bourse new-yorkaise. C’est la première fois que Wall Street activait un système de « coupe-circuits » mis en place en 2013 pour éviter les mouvements de panique.
À la reprise, l’indice Dow Jones s’est néanmoins enfoncé, lâchant plus de 6 % vers midi.
Les Bourses de Sao Paulo et de Buenos Aires ont également décroché, perdant 10 % et 9 % à l’ouverture.
Vers 11h00, Paris, Londres, Francfort lâchaient plus de 7 %. Milan s’écroulait de plus de 10 % après la mise en quarantaine de plus d’un quart du territoire de l’Italie, dont son poumon économique.
Des baisses plus vues depuis la grande crise financière de 2008. Depuis le début de l’année, les grandes places européennes cumulent des pertes tournant autour de 20 %.
L’indice de volatilité VIX, traditionnellement surnommé « indice de la peur », évolue au plus haut depuis fin 2008.
Les marchés ont passé « un cap psychologique » avec ce déclin boursier « d’une violence absolue », observe Alexandre Baradez, analyste chez IG France.
Seules les obligations souveraines américaines et allemandes, considérées comme des valeurs refuge, profitaient de la panique boursière, les taux d’intérêt à dix ans tombant à des plus bas niveaux de leur histoire.
« La férocité du mouvement de vente des actifs risqués reflète une réévaluation massive concernant la croissance mondiale », les investisseurs passant en un peu plus de deux semaines « d’une certaine complaisance généralisée à l’intégration d’une probable récession », commente Paul O’Connor chez Janus Henderson Investors.
« Les investisseurs sont incertains quant à la nature du virus, son impact économique potentiel et sa réponse politique. Le choc pétrolier a ajouté à la confusion et à l’incertitude », ajoute-t-il.
En cause, la décision de l’Arabie saoudite d’adopter une politique de la terre brûlée en baissant drastiquement le prix de son or noir, après l’échec de négociations en fin de semaine dernière avec la Russie.
Double choc
Les marchés se raccrochent désormais à l’espoir d’une réponse coordonnée à la fois des banques centrales et des gouvernements à la fois en termes de politique monétaire et de politique budgétaire.
Plusieurs milliards ont d’ores et déjà été débloqués aux États-Unis et en Italie pour répondre à cette crise sanitaire inédite, l’Allemagne a annoncé des mesures, mais des intervenants de marché relèvent que ces plans manquent d’ambition et de coordination.
D’autant que cette épidémie intervient à un moment où de nombreuses entreprises sont endettées. Le marché craint un assèchement du financement de l’économie réelle.
« Le problème principal est donc d’aider les entreprises à passer cette période creuse et à éviter des faillites de PME qui ne peuvent pas faire face à des problèmes de liquidités alors qu’elles sont fondamentalement solvables », souligne dans une note la Banque Postale Asset Management.
L’impact du coronavirus sur la croissance de l’économie française sera « de plusieurs dixièmes de points de PIB » (produit intérieur brut), a ainsi averti lundi le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.
Les gouvernements doivent apporter « une réponse internationale coordonnée » pour atténuer l’impact économique de l’épidémie du coronavirus, souligne lundi l’économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), les exhortant à prendre des mesures budgétaires, monétaires et financières « importantes ».