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CHRONIQUE. S’il était possible de prévoir les rendements futurs des marchés boursiers, il serait très facile de construire un portefeuille et de se retrouver au sommet du palmarès. Malheureusement, les rendements futurs des marchés boursiers, surtout à court terme, sont très difficiles à prévoir.
Sur un trimestre, par exemple, la probabilité de succès pour prévoir la direction de la Bourse est à peu près la même que celle de jouer à « pile ou face ». Si vous dites : « Face, je prévois que le marché sera à la hausse de plus de 2 % et pile je prévois qu’il augmentera de moins de 2 % ou sera à la baisse », vous aurez aussi souvent raison que la moyenne des investisseurs qui s’acharnent à prévoir la direction des marchés.
Un récent numéro de Review of Financial Studies analyse les anticipations des investisseurs et le rendement boursier futur. Les prévisions des investisseurs qui sont utilisées sont celles qui sont rapportées par les sondages de la firme Investor Intelligence.
Si je demandais à Warren Buffett sa prévision du rendement boursier à la suite d’une hausse importante de la Bourse, il répondrait certainement : « Les prix en Bourse ont récemment beaucoup augmenté, les prix sont maintenant élevés. Je suis donc moins optimiste par rapport aux rendements pour le prochain trimestre. » C’est aussi ce que l’efficacité des marchés nous enseigne.
Or, c’est exactement l’inverse qu’on retrouve dans les prévisions rapportées par les sondages d’Investor Intelligence. Plus les prix en Bourse ont augmenté au dernier trimestre, plus l’investisseur moyen est optimiste quant au rendement futur de la Bourse. La réalité des marchés montre que ces anticipations sont souvent dans l’erreur. En effet, les statistiques indiquent qu’en moyenne, le rendement du dernier trimestre a une très faible corrélation avec celui du prochain trimestre. Presque aucun lien entre les deux rendements trimestriels. Pourtant, c’est encore de cette façon que l’investisseur moyen forme ses prévisions : en extrapolant le rendement des derniers trimestres.
Attention ! Même si l’investisseur moyen utilise une mauvaise méthode d’anticipation – en étant plus optimiste si le dernier trimestre a été bon et plus pessimiste si le marché a chuté -, cela ne nous permet pas de conclure qu’il aura nécessairement tort. C’est parfois le contraire. En effet, l’optimisme excessif engendré par le très bon rendement des derniers trimestres peut motiver à investir davantage et ainsi pousser le marché encore plus haut.
Peut-on prévoir une correction boursière avec ces informations ? Plus particulièrement, en utilisant les ratios de D/P (dividende sur prix), B/P (bénéfice sur prix) et VC/P (valeur comptable sur prix) qui, lorsqu’ils sont faibles, sont indicateurs que le marché est cher. La réponse : oui, si les investisseurs ont des anticipations qui reposent essentiellement sur le dernier trimestre ou les derniers jours.
Lorsque les anticipations ou l’optimisme des investisseurs reposent sur plusieurs trimestres de rendement, il est peu probable qu’une correction frappe dans un avenir rapproché, et ce, même si les ratios D/P, B/P ou VC/P indiquent que le marché est cher. Lorsque les prévisions reposent sur plusieurs trimestres de rendement, les investisseurs optimistes ont tendance à le demeurer et cela soutient le marché.
Par contre, lorsque l’optimisme des investisseurs repose essentiellement sur le rendement élevé du dernier trimestre, c’est différent. Dans ce cas, l’anticipation des investisseurs est très aléatoire et un revirement d’optimiste à pessimiste peut se faire brusquement après la moindre mauvaise nouvelle, et dégénérer rapidement en une correction boursière. C’est le temps de vendre.
En conclusion
Les populaires ratios d’évaluation (D/P, B/P ou VC/P) ont un certain pouvoir prévisionnel sur le rendement boursier futur, mais seulement lorsque l’optimisme des investisseurs (ou leur pessimisme) repose sur plusieurs trimestres de rendements boursiers. Dans ce cas, la meilleure prévision est que la « tendance va se poursuivre ». Le marché peut notamment poursuivre sa hausse même si les ratios d’évaluation indiquent une cherté des actions. On peut alors rester investi dans les marchés sans trop risquer une correction.
Par contre, lorsque l’optimisme des investisseurs repose essentiellement sur le dernier trimestre de rendement qui a été bon, cet optimisme est alors très instable et une correction de marché est plus probable. Surtout lorsque les ratios d’évaluation indiquent que le marché est déjà cher. C’est donc un bon moment pour vendre.
Une autre leçon à tirer est de vous interroger sur vos propres réflexes. Faites-vous partie des investisseurs qui deviennent optimistes à la suite d’une simple hausse de la Bourse dans les derniers jours ou au dernier trimestre (même si les ratios d’évaluation sont déjà élevés) ? Si c’est le cas, vous auriez alors avantage à retenir vos élans. Pour ainsi éviter d’acheter plus d’actions lorsque vous êtes trop optimiste. Ce qui risque d’arriver juste avant une correction boursière.