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Les expéditeurs implorent Ottawa de mieux protéger la chaîne d’approvisionnement

La Presse Canadienne|Mis à jour le 11 octobre 2024

Les expéditeurs implorent Ottawa de mieux protéger la chaîne d’approvisionnement

Les débardeurs du port de Montréal entament une grève de trois jours devant le terminal Maisonneuve Termont à Montréal, le lundi 30 septembre 2024. (Photo: La Presse Canadienne)

Les expéditeurs demandent à Ottawa de mieux protéger les chaînes d’approvisionnement contre les interruptions de travail alors qu’une série d’arrêts de travail dure depuis 15 mois

Dans une lettre ouverte adressée vendredi au gouvernement fédéral, les dirigeants de 10 groupes industriels ont exigé que les dirigeants politiques prennent des mesures pour atténuer la menace de grèves dans les principaux centres et artères de transport.

Les organisations, qui vont de la Chambre de commerce maritime à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, affirment que les récentes mesures de grève ont porté préjudice aux employeurs, à l’économie et à la réputation du pays en tant que partenaire commercial fiable.

«Nos chaînes d’approvisionnement ont été mises à rude épreuve ces dernières années, et il devient inconcevable pour un pays comme le Canada de voir son économie s’affaiblir à chaque négociation de convention collective», a dit Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec, en entrevue.

Lui et d’autres signataires ont demandé au gouvernement de réfléchir à la manière d’équilibrer les droits des travailleurs avec le maintien des services de transport essentiels, bien que la lettre ne propose aucune proposition politique.

«Nous sommes réticents à donner des suggestions normatives sur la direction à prendre», a lancé Jason Card, porte-parole de la Chambre de commerce maritime.

Il a souligné deux principaux leviers du gouvernement fédéral pour résoudre les conflits: la législation de retour au travail et les directives du ministre du Travail pour que le tribunal du travail du pays impose un arbitrage exécutoire.

Certains experts affirment que les deux options risquent de porter atteinte aux droits de négociation collective des travailleurs. Les chaînes d’approvisionnement enchevêtrées ne remettent pas en cause la justification d’une grève, affirme Margot Young, professeure de droit à l’Université de Colombie-Britannique. Au contraire, elles renforcent la puissance d’une action syndicale. 

«C’est en fait ce qui donne un pouvoir de pression aux travailleurs. Si ce n’était pas pratique, ils n’auraient aucun pouvoir de négociation, a-t-elle expliqué. Sans la possibilité pour les travailleurs de faire grève, l’inégalité et le rapport de force entre l’employeur et les employés sont profondément problématiques et propices à l’exploitation des travailleurs.» 

Jason Card nuance que les mécanismes de négociations équivalaient à des «mesures discrétionnaires qui politisent les chaînes d’approvisionnement» et offrent peu de prévisibilité. «Vous opposez les intérêts des travailleurs aux intérêts des consommateurs et des entreprises et souvent à notre propre qualité de vie», a-t-il déclaré.

S’inspirer des États-Unis?

Bien qu’ils évitent les propositions de réforme, les États-Unis offrent un modèle pour gérer les impasses dans les transports, affirme Jason Card. 

La législation permet au président de créer une commission d’urgence pour enquêter sur les conflits de travail majeurs impliquant les chemins de fer ou les compagnies aériennes. Les arrêts de travail sont interdits pendant le processus. 

La commission émet des recommandations dans un délai de 30 jours, suivi d’une période de réflexion d’un mois. Si aucun accord n’a été conclu, les parties doivent alors expliquer à la commission pourquoi elles n’ont pas accepté ses propositions. Ce n’est qu’après que ces conditions sont réunies que les grèves et les lock-out deviennent une option.

Jason Card a déclaré que le conseil agit effectivement comme une soupape de pression et un moyen de clarifier les enjeux. «Ce qu’ils font, c’est aller au-delà de la situation pour avoir des faits que tout le monde peut examiner. Ensuite, tout le monde travaille à partir des mêmes informations», a-t-il déclaré.

Au Canada, les médiateurs fédéraux travaillent souvent avec les deux parties pour essayer de trouver un compromis et d’obtenir un contrat — avant et après le début des mesures de grève. À l’heure actuelle, deux d’entre eux supervisent les pourparlers entre les employeurs du port de Montréal et le syndicat représentant près de 1200 débardeurs qui ont lancé une grève sur les heures supplémentaires jeudi.

Les parties peuvent également convenir de recourir à un arbitrage exécutoire.

Le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a déclaré dans un communiqué que chaque partie avait la responsabilité de parvenir rapidement à une entente lors des négociations.

Il a souligné qu’en avril, son prédécesseur avait mis en place une commission chargée d’examiner plus en profondeur les causes profondes de la grève dans les ports de la Colombie-Britannique et de renforcer les chaînes d’approvisionnement. Des recommandations sont attendues ce printemps.

Après la fermeture du réseau ferroviaire l’été dernier, un examen similaire sur «les raisons pour lesquelles nous connaissons des conflits répétés» dans ce secteur pourrait également être en vue, a-t-il affirmé.

«Notre gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour préserver la stabilité et la certitude de notre économie, de nos chaînes d’approvisionnement et de la solide réputation mondiale du Canada en tant que nation commerçante», a déclaré Steven MacKinnon dans le communiqué envoyé par courriel.

La chaîne d’approvisionnement maritime du Canada a connu plusieurs interruptions de travail au cours des quatre dernières années, en plus des arriérés et des goulots d’étranglement causés par la pandémie de COVID-19.

Les deux principaux chemins de fer ont cessé leurs activités pendant plusieurs jours en août en raison d’un lock-out provoqué par des menaces de grève, ce qui a interrompu le trafic de marchandises et de navettes à travers le pays. 

En octobre 2023, une grève de huit jours des employés des écluses de la Voie maritime du Saint-Laurent a interrompu les expéditions de céréales, de minerai de fer et d’essence le long du corridor commercial. 

Une grève de 7400 débardeurs de la Colombie-Britannique a duré 13 jours en juillet 2023, paralysant le plus grand port du pays et coûtant des milliards de dollars à l’économie.

À Montréal, les débardeurs ont fait grève pendant cinq jours en avril 2021 et en août 2020 dans le cadre d’une action qui a laissé 11 500 conteneurs languir sur le front de mer.