La mutualisation logistique : une solution pour nos PME cybercommerçantes
CEFRIO|Mis à jour le 12 juin 2024En 2016, le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec (MEI) confirmait sa volonté de mettre en place un Pôle logistique spécialisé en commerce électronique au Québec. L’objectif était alors de faire bénéficier les détaillants, grossistes et fabricants du Québec des possibilités associées au commerce électronique, tout en misant sur une meilleure agilité logistique.
Dans cette perspective, le ministère avait confié au CEFRIO des mandats, dont celui d’évaluer le potentiel de nouveaux modèles d’affaires pour aider au développement du Pôle logistique, et des capacités d’organisation des entreprises qui vendent en ligne; ces modèles d’affaires, axés sur la mutualisation des activités logistiques, avaient pour but d’évaluer la faisabilité économique de projets de mise en commun d’infrastructures d’entreposage ou de services logistiques. Les résultats sont concluants.
Le cas de Montréal
L’an dernier, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) confirmait que le commerce en ligne et sa logistique, avec leur impact évident sur cette Ville et ses infrastructures, priveraient Montréal de 20 M$ en taxes foncières. Devant la croissance anticipée du commerce électronique et l’intensité des livraisons en milieu urbain qu’il entraîne, il devenait essentiel pour les décideurs de s’en préoccuper.
Les enjeux touchent, bien sûr, les nouveaux usages des espaces d’entreposage dans les zones industrielles, mais également à la qualité de vie des citoyens. L’expansion du commerce électronique, et le lot d’externalités négatives qu’elle entraîne pour la région de Montréal sont largement documentés, notamment :
• une plus grande pression sur les infrastructures routières et leur congestion ;
• l’augmentation des nuisances en milieu à forte densité, en raison de la présence accrue de camions de livraison ;
• la diminution de la diversité dans l’offre commerciale de proximité ;
• l’augmentation des déchets d’emballage à traiter ;
• la baisse des revenus en taxes foncières.
Devant cette situation, la Ville de Montréal a récemment annoncé son projet-pilote de l’Îlot Voyageur. Dès septembre, des vélos cargos électriques vont sillonner les rues du centre-ville pour livrer des colis aux citoyens à partir du nouveau centre de distribution situé dans l’ancienne gare de bus de la rue Berri, où les gros camions pourront décharger leur marchandise pour qu’elle soit ensuite distribuée chez les destinataires. Par cette initiative, la Ville de Montréal propose donc une piste de solution à la problématique de livraison pour le dernier kilomètre vers le cyberacheteur.
Voilà un bel exemple concret permettant de réduire la présence de poids lourds dans l’arrondissement Ville-Marie, tout en optimisant les actions des entreprises et des acteurs de développement économique autour de cette vision commune d’un Pôle logistique spécialisé en commerce électronique.
« La mutualisation des services en logistique demeure un grand défi, indique René Desmarais, conseiller principal au Conseil québécois du commerce de détail (CQCD); ce n’est pas simple, parce que chacun a ses préoccupations, chacun croit qu’il a déjà une recette magique. Il faut donc convaincre les entrepreneurs qu’ensemble, on va y arriver mieux. »
De son côté, Guy Normandeau, directeur général de l’Institut d’innovation en logistique du Québec (IILQ) affirme que : « Le problème dans l’entrepreneuriat, c’est souvent qu’on regarde son nombril, on regarde ce qui se passe chez nous et on essaie de trouver des solutions pour régler son problème à soi. Et une fois qu’on a réglé ce problème-là, ce qui se passe chez le voisin, on s’en fout. C’est leur problème, pas le mien ». Il ajoute, « Mais à partir du moment où on peut régler son problème et celui des autres en même temps, c’est là où la mutualisation des services peut prendre toute son essence. »
Christian Lafrance est PDG de Clear Destination, une firme de solution de gestion intelligente des envois, qui offre la mutualisation logistique entre les entreprises, travaille avec des fabricants, des détaillants et des transporteurs pour améliorer leurs livraisons. « Pour nous, la mutualisation de la logistique, c’est la capacité permettant à plusieurs détaillants qui ont un réseau logistique propre à eux de partager leur réseau dans un microsystème semblable », dit-il; par exemple, on peut avoir des détaillants qui offrent des biens de toute sorte, mais qui peuvent partager la capacité logistique d’aller chercher ces biens chez les manufacturiers, les transférer dans des centres de consolidation pour les rapprocher le plus possible du dernier mille, avant la livraison à domicile ».
D’ailleurs, en ce sens, le constat des chercheures Claudia Rebolledo (HEC Montréal) et Julie Paquette (HEC Montréal, CIRRELT) dans le Portrait de la logistique en commerce électronique au Québec réalisé par le CEFRIO est clair : la croissance du commerce électronique ne laissera pas beaucoup de place aux entreprises qui ne transformeront pas leurs activités logistiques. Devant les coûts élevés associés aux opérations et à la transformation des métiers face à l’intégration du numérique, l’un des éléments parmi ceux qui ressortent particulièrement est celui du potentiel de mutualisation des activités logistiques entre cybercommerçants.
La mutualisation vise à atteindre une plus grande efficacité opérationnelle et commerciale pour les entreprises qui font du commerce électronique, non seulement sur les marchés locaux, mais également pour les marchés étrangers desservis.
Alexandre Skerlj, ex-directeur de projet au CEFRIO et chargé du dossier Pôle logistique, résume : « Le grand constat que nous avons fait depuis deux ans, c’est que les technologies sont maintenant disponibles et que des services se mettent en place; pour gagner la bataille du commerce électronique, la mutualisation logistique est une avenue viable et faisable pour nos PME. »
Le ministère de l’Économie et de l’Innovation, dans le cadre du projet Pôle logistique en commerce électronique, a mandaté le CEFRIO pour identifier les facteurs clés de succès améliorant l’efficacité et l’efficience logistique des entreprises québécoises en matière de commerce électronique, facilitant ainsi leur accès aux marchés étrangers.
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