Le leadership n’en finit pas de susciter de nombreuses discussions, tout autant de débats et, probablement, un bon nombre d’interrogations. Qu’est-ce que le leadership? Qu’est-ce qui fait le bon leader? Que penser de nos leaders d’aujourd’hui, eux qui ont à évoluer dans un contexte d’affaires marqué, entre autres, par la révolution numérique et la montée des nouvelles générations dans les entreprises et dans les organisations? Heureusement, Cyrille Sardais, professeur agrégé au Département de management de HEC Montréal et titulaire de la Chaire de leadership Pierre-Péladeau, a accepté de répondre à quelques-unes de ces interrogations, histoire d’avoir une idée un peu plus précise du leadership et, qui sait, de peut-être corriger certains a priori à propos de cette notion pas toujours facile à circonscrire.
École des dirigeants HEC Montréal : L’un des débats les plus récurrents quant à la nature du leadership a trait à la question de l’inné et de l’acquis. De votre perspective, comment voyez-vous la chose?
Cyrille Sardais : C’est une question importante, mais qui, à mon avis, traduit une erreur fondamentale sur la manière dont on conçoit le leadership. La question de l’inné ou de l’acquis est une question qui n’a pas de sens. C’est sans doute pour cette raison qu’on n’arrive pas à trouver de réponse définitive à celle-ci. Le leadership, à la base, est une relation, et une relation ne peut pas être innée ou acquise. Donc, la problématique du leadership est d’abord une problématique de construction et de développement d’une relation.
École des dirigeants : Il n’en demeure pas moins qu’il peut exister des prédispositions au leadership?
Cyrille Sardais : Bien entendu, il existe des compétences, des traits ou des comportements qui vont aider à l’établissement du leadership. Mais ce n’est pas ce qui fonde le leadership en soi. Prenez une relation d’amitié, par exemple. Il y a des qualités ou des comportements qui vont aider ou qui vont nuire à cette relation. Mais en soi, le leadership, comme l’amitié, est une relation construite, et il faut davantage le concevoir en ce sens. Et plusieurs choses servent à construire cette relation, que ce soit un passé commun, des réalisations, des valeurs partagées. À ce titre, les compétences et les qualités d’un individu, qu’elles soient innées ou acquises, ne sont qu’une variable dans l’équation du leadership.
École des dirigeants : Et l’une de ces variables se rapporte également au contexte dans lequel s’exerce le leadership.
Cyrille Sardais : En effet, non seulement le leadership est une relation, mais il est aussi hautement contextuel. On envoie Barack Obama dans une tribu d’Amazonie, et il est très peu probable que, du jour au lendemain, il sera pris au sérieux. Il peut être intelligent, éloquent, riche : il n’y a rien qui va se passer, en termes de leadership, du moins pas à court terme.
École des dirigeants : Compte tenu de ce qui précède, est-ce que vous estimez que nos entreprises et nos organisations contemporaines, où l’on favorise beaucoup l’autonomie et l’esprit d’initiative, préparent bien les gestionnaires à des rôles de leadership?
Cyrille Sardais : L’un des problèmes du moment, c’est qu’on enlève une partie de l’autorité et du pouvoir aux gestionnaires en leur disant : « t’as qu’à faire preuve de leadership! ». Mais sans autorité, sans pouvoir et sans temps pour bâtir une relation, la construction de la relation de leadership avec les employés devient beaucoup plus difficile. On fait l’erreur de croire qu’une personne avec quelques qualités peut arriver dans une équipe et que, comme par magie, du jour au lendemain, ça va fonctionner.
École des dirigeants : Vous coordonnez le programme L’essentiel du leadership, à l’École des dirigeants HEC Montréal. Quelles sont les lignes de force de ce programme?
Cyrille Sardais : L’une des idées de ce programme, c’est de prendre un peu de distance par rapport à ce qu’on se raconte collectivement par rapport au leadership, d’en rappeler la nature relationnelle et d’en évoquer l’évolution au fil des décennies. On a tous une compréhension intuitive de ce qu’est le leadership et notamment des attentes que l’on a par rapport à celui-ci. Et on a naturellement tendance à supposer que les attentes des autres à l’égard du leadership sont les mêmes que les nôtres, alors que cela dépend du contexte, de la génération, de la culture, etc. De plus, cette formation sert à remettre le leadership à sa place : il est très spectaculaire et potentiellement très puissant, mais ne tombons pas dans le piège de croire que seuls les leaders sont susceptibles de sauver le monde! Il s’agit plutôt de repenser le leadership dans son lien avec l’action collective.
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