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L’impérative gouvernance des données

HEC MONTRÉAL - ÉCOLE DES DIRIGEANTS|Mis à jour le 12 juin 2024

Les vols de données chez Target, Equifax, Desjardins et Capital One ne sont que quelques exemples rappelant l’importance des données comme actif stratégique de l’entreprise au XXIe siècle. Pour Grégory Vial, professeur au Département des technologies de l’information de HEC Montréal et animateur de la formation d’une journée Big Data et gouvernance des données à l’École des dirigeants, toujours à HEC Montréal, ces exemples mettent en lumière la nécessité, pour les entreprises et les organisations qui jonglent quotidiennement avec des téraoctets de données, de se doter d’un cadre de gouvernance propre aux données. Nous l’avons rencontré à ce sujet.

École des dirigeants : Lorsqu’on évoque la gouvernance des données, qu’est-ce que cela implique, et qui cela implique-t-il?

Grégory Vial : D’une manière générale, la gouvernance se situe entre la gestion et la stratégie. On s’intéresse aux données générées et utilisées dans le contexte courant des opérations, que ce soit pour rapporter de l’information, pour prendre des décisions ou pour générer des modèles statistiques destinés à l’intelligence artificielle, et on veut relier tout cela à la stratégie et aux objectifs de l’entreprise ou de l’organisation. Évidemment, la sécurité et la protection des données sont des enjeux très importants, qui font partie de la gouvernance des données. Mais ce n’est qu’un des aspects de cette gouvernance. Il y a aussi d’autres aspects à considérer, comme le cycle de vie des données. Par exemple, est-ce que les données ont une date d’expiration? Est-ce qu’on est en mesure d’estimer cette dernière? Il y a beaucoup d’éléments qui suscitent des questionnements quant au rôle des données, tant au niveau opérationnel que stratégique.

Qui ça concerne? À peu près tout le monde! Pas nécessairement tout le monde de manière explicite, mais la gouvernance des données touche tous les secteurs de l’entreprise, certains de manière plus directe. En effet, des personnes seront appelées à élaborer et à appliquer les cadres de gouvernance, tandis que d’autres auront à utiliser les données.

École des dirigeants : Quel constat établissez-vous quant au degré de proactivité des entreprises et des organisations quant à la gouvernance des données?

Grégory Vial : Ça va dépendre de l’endroit où l’on se situe, du contexte dans lequel on se situe et des industries dans lesquelles on œuvre. Ce qui est sûr, c’est que la gouvernance des données est un enjeu qui a de plus en plus d’importance, et pour plusieurs raisons. D’abord, en raison de la sécurité et de la protection des données. L’exemple récent de Desjardins en est la preuve. Cela dit, c’est une prise de conscience progressive, et c’est une chose qui est sur le radar des dirigeants depuis deux ou trois ans.

École des dirigeants : Néanmoins, il existe des différences entre le contexte européen et nord-américain?

Grégory Vial : Exactement! La grosse différence, c’est l’existence d’un cadre légal en Europe, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) . Tout n’est pas parfait, mais ce cadre définit les droits des individus quant aux données qui les concernent, et notamment le droit pour ces mêmes individus d’être informés sur la manière dont sont utilisées les données qui les concernent. En Amérique du Nord, ça demeure au cas par cas, et c’est beaucoup plus basé sur la volonté des entreprises de communiquer ces informations sur l’utilisation des données.

École des dirigeants : Avec la question de la gouvernance vient souvent celle de l’éthique. Qu’en est-il à ce sujet?

Grégory Vial : Il y a des secteurs où la question se pose d’emblée, comme dans la santé, le domaine bancaire ou financier, ou celui de l’assurance. La mise à disposition de données permet de faire des choses de plus en plus poussées. Est-ce qu’un plus grand accès à des données veut dire qu’on doit nécessairement les utiliser? Il y a un risque, car si les données sortent de l’entreprise, on en perd le contrôle. Le cas de Facebook, qui vient de recevoir une amende de cinq milliards de dollars, parle de lui-même. L’une des questions que l’on aborde lors du séminaire est de savoir pour qui on crée de la valeur avec les données détenues? Pour le consommateur? Pour l’entreprise? L’éthique demande donc de porter un regard à long terme sur l’utilisation faite des données.

École des dirigeants : Quelles sont les grandes tendances à l’heure actuelle, en matière de gouvernance des données?

Grégory Vial : De plus en plus, on essaie de définir les principes de gouvernance en amont du design des systèmes et des processus. On tente d’être davantage proactif, car si l’information sort, il est trop tard, c’est terminé, vous ne pouvez plus rien faire. Ça signifie entre autres de sensibiliser les employés à l’importance et à l’utilisation des données, et aux enjeux éthiques reliés à ces questions. Lorsqu’on parle de gouvernance des données, on évoque souvent les éléments informationnels et opérationnels comme les politiques et règlements. Mais il y a aussi un élément relationnel, car il faut échanger avec les parties prenantes pour bien faire comprendre les occasions d’affaires, les enjeux et les défis reliés aux données. En ce qui concerne les politiques de sécurité et d’accès aux données, les entreprises savent bien faire. Mais on se rend compte que ce n’est pas suffisant. On a aussi besoin de former les employés, de les éduquer, de communiquer de manière régulière pour ancrer cette gouvernance des données dans les normes de l’organisation, et que la culture de cette dernière reflète cette réalité.

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