Les travailleurs manquent dans le secteur des petits fruits
L'Union des producteurs agricoles|Mis à jour le 12 juin 2024L’industrie agricole n’échappe pas à la pénurie de main-d’œuvre. Le secteur des petits fruits est touché de plein fouet, ainsi que toute la région de la Capitale-Nationale, qui connaît un taux de chômage exceptionnellement bas depuis plusieurs années.
Les conditions particulières de la production agricole, des petits fruits en particulier, rendent le recrutement de travailleurs particulièrement difficile, explique Guy Pouliot, producteur agricole et copropriétaire d’une ferme de petits fruits. M. Pouliot est également le deuxième vice-président de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec.
Le défi du recrutement
« C’est une tâche très exigeante physiquement. Qu’il s’agisse de la plantation, du désherbage ou de la récolte, on doit rester à genoux pendant de longues heures », explique M. Pouliot. Pour sa part, il dit travailler environ 80 heures par semaine en été et 40 heures en hiver. « C’est un sprint qui commence dès que la neige commence à fondre et qui s’achève au premier gel, explique-t-il. Pendant la saison froide, il y a toujours des choses à faire : acheter des plants, des engrais, planifier la production de l’année suivante… Quand on exploite une ferme de petits fruits, on est occupé toute l’année. Il faut avoir la passion. »
Même si c’est une bonne nouvelle pour l’économie locale, le fait que la région de la Capitale-Nationale jouisse d’un taux de chômage très bas, et ce, depuis plusieurs années, n’arrange rien. « Il est de 4,5 % actuellement. Or, on estime que l’on est en état de plein emploi à partir de 3 %, précise-t-il. Cela complique encore davantage le recrutement de main-d’œuvre pour une industrie comme la nôtre. »
Ainsi, les jeunes qui pourraient postuler préfèrent généralement se tourner vers la restauration, l’hôtellerie ou le commerce de détail. Les salaires sont non seulement plus concurrentiels, mais les conditions de travail sont moins difficiles, car en été, il fait très chaud dans les champs.
Comment les producteurs font-ils pour tirer leur épingle du jeu ? Bien souvent en ayant recours à la main-d’œuvre étrangère saisonnière, issue du Mexique ou du Guatemala, par exemple. Au Québec, environ 12 000 de ces travailleurs travaillent dans le secteur agricole chaque année. Dans le segment des petits fruits en particulier, on en compte plus de 1 000. Pour sa part, M. Pouliot en embauche près de 230, faute de trouver des ouvriers dans la région. « Ce programme de contrat de travail existe depuis de nombreuses années et fonctionne très bien. Le processus administratif dure quelques semaines, mais nous permet de trouver les manœuvres agricoles dont nous avons besoin », mentionne le producteur.
Un enjeu à surveiller
Cependant, un autre écueil se profile à l’horizon : la hausse du salaire minimum. « Les marges bénéficiaires des fermes de petits fruits sont déjà extrêmement serrées. Or, les salaires représentent 55 % de nos dépenses. S’ils continuent à grimper, ce sera très difficile de poursuivre nos activités, car nous travaillerons à perte », déplore M. Pouliot. Il explique que le salaire minimum a augmenté de 11 % en deux ans, passant de 10,75 $ en 2016 à 12 $ en 2018. À cela s’ajoute la croissance des prix d’autres biens indispensables à la production, les engrais par exemple.
« Il faut aussi tenir compte de la température. D’un été à l’autre, les récoltes varient en fonction de la météo. On a de belles années et d’autres moins bonnes », ajoute-t-il, ce qui pèse aussi sur les rendements et les marges bénéficiaires.
La production de petits fruits est-elle menacée au Québec ? Certaines fermes ont déjà commencé à réduire leur superficie ou même à cesser de produire des fraises. À cela s’ajoute la concurrence de régions qui jouissent d’un climat plus clément, la Californie notamment.
M. Pouliot estime toutefois que les conditions varient d’un type d’exploitation à l’autre. « Les petites fermes vendent directement sur place ou pratiquent l’autocueillette, ce qui élimine en partie le problème de la main-d’œuvre et des salaires. Quant aux grandes, elles bénéficient d’économies d’échelle, analyse-t-il. Ce sont surtout les producteurs de taille moyenne qui risquent d’écoper. »