Vers une industrie aérospatiale plus écoresponsable au Québec
Investissement Québec et Aéro Montréal|Mis à jour le 12 juin 2024Pour réduire son empreinte écologique, le secteur aérospatial québécois a trois grands chantiers écoresponsables à mener : le rapatriement de la chaîne d’approvisionnement, l’optimisation de l’efficacité énergétique des avions et l’utilisation de matériaux durables. Tour d’horizon avec Stéphane Drouin, vice-président, Achat québécois et développement économique, chez Investissement Québec et Mahmood Shirazy, pdg de Calogy Solutions.
Un avion véritablement vert, un objectif atteignable? Certainement! Même si la décarbonation totale ne peut s’accomplir du jour au lendemain, les entreprises de l’aérospatial québécois sont déjà engagées sur cette voie, à commencer par le rapatriement de leur chaîne d’approvisionnement, « qui a été rendu nécessaire dans le contexte de la pénurie en pleine pandémie », rappelle Stéphane Drouin. Il assure que les fournisseurs existent sur notre territoire ou, à tout le moins, en Amérique du Nord.
« Et si certains composants ne sont pas encore offerts, poursuit M. Drouin, ils pourraient l’être bientôt si les entreprises contribuent à un processus de recherche et développement avec leurs éventuels fournisseurs locaux. Ça vaut le coup. On a un savoir-faire incroyable au Québec, dans des secteurs comme l’usinage, l’industrie du plastique et du polymère ou de la transformation métallique. »
Le transport moins polluant n’est d’ailleurs pas la seule raison de faire le virage. Les produits québécois sont davantage fabriqués avec une source d’énergie renouvelable, l’hydroélectricité, contrairement à d’autres régions du monde où les énergies fossiles prédominent. Une double contribution à la réduction des gaz à effet de serre!
Même s’il est difficile de mesurer avec exactitude l’impact environnemental du rapatriement – le volet transport est quantifiable, mais pas le volet fabrication –, Investissement Québec a conçu un outil de calcul pour aider les entreprises à faire des évaluations. « Notre calculateur des GES, qui sera bientôt en ligne sur le site Approvisionnement québécois, compare le transport d’importation et celui de l’achat local, avec des tables certifiées de calcul », explique Stéphane Drouin.
Certes, le rapatriement demeure un défi dans un secteur aéronautique qui exige une certification rigoureuse, « mais ce qui est certain, c’est qu’il est faux de croire que c’est beaucoup plus cher. Lorsqu’on tient compte de facteurs tels que la conformité et les dépenses liées aux relations d’affaires à l’étranger, l’achat de proximité devient très avantageux. »
Optimiser l’efficacité énergétique
L’avion 100 % électrique existe-t-il? « Oui, pour les vols courts dans les zones urbaines! » répond Mahmood Shirazy, président et cofondateur de Calogy Solutions, une entreprise spécialisée dans le domaine des systèmes de stockage d’énergie et la gestion thermique des batteries utilisées dans le secteur du transport. « Les avions tels que les eVTOL (Electric Vertical and Take-off Landing Vehicles) sont 100 % électriques, explique-t-il, mais la densité énergétique des batteries limite encore leur portée. Dans un kilogramme de masse donnée, la quantité d’énergie stockée dans les batteries reste insuffisante pour les longs trajets. »
L’utilisation de l’hydrogène est aussi une avenue prometteuse, « car l’hydrogène offre une densité énergétique élevée, semblable à celle de l’essence, ce qui le rend idéal pour les vols de longue distance. En associant cette technologie à des solutions énergétiques comme les modules de batteries que nous commercialisons chez Calogy, nous pouvons maximiser son efficacité », avance l’ingénieur. La technologie de gestion thermique innovante de Calogy aide la batterie lithium-ion, comme celle que l’on trouve dans les avions, à mieux fonctionner en la gardant à une température entre 15 et 25 °C. Un peu comme le corps humain!
À moyen terme, l’utilisation de biocarburants va aussi changer la donne. « Ces carburants non traditionnels à base de biomasse réduisent considérablement les émissions de GES. Leur coût est énorme pour le moment, mais certaines entreprises les expérimentent néanmoins déjà », indique Mahmood Shirazy.
Un nouveau design pour les avions du futur
Pour ce qui est des designs aérospatiaux futurs, il s’attend à ce qu’ils évoluent : « Les avions seront conçus différemment à l’avenir, plus aérodynamiques. Les nouvelles technologies de propulsion influenceront la manière dont les systèmes sont installés et auront des répercussions sur le design global. »
Deux des concepts émergents sont le « monotube », qui redessine et combine en quelque sorte le fuselage et les ailes, et l’« aile de raie », un avion dont la forme rappelle celle de la raie manta pour mieux gérer les flux d’air, réduisant ainsi la consommation de carburant.
Dans tous les cas, la clé du succès sera aussi l’utilisation de matériaux plus durables, recyclables et à faible émission de carbone à la fabrication. L’industrie ne jure plus que par les matériaux dits composites, composés de fibres – généralement du carbone – et d’une résine polymère formant un liant. La recherche pour produire de nouveaux matériaux du genre se poursuit; des pistes sont notamment prometteuses du côté des thermoplastiques.
Pour une décarbonation maximum, il faudra combiner ces différentes solutions. « Je pense en effet que l’empreinte carbone de l’aviation sera progressivement réduite grâce à des approches hybrides », conclut Mahmood Shirazy. La bonne nouvelle est que l’industrie avance dans cette direction. Même à petits pas.
Pour aller plus loin :
Investissement Québec offre du financement et des services d’accompagnement pour les entreprises désireuses d’améliorer leur performance environnementale industrielle. De plus, l’initiative Compétivert soutien les entreprises dans l’adoption de pratiques écoresponsables et dans l’intégration de technologies propres.
Aéro Montréal accompagne quant à elle les entreprises en aérospatiale dans leur transition avec l’initiative Éco-Responsabilité. Soutenue financièrement par Développement économique Canada pour les régions du Québec (DEC), cette initiative propose un diagnostic personnalisé qui inclut un bilan environnemental et une feuille de route pour atteindre les objectifs identifiés.