Au cours des dernières années, le Québec est devenu un territoire prisé par l’industrie du numérique. De nombreux centres de données infonuagiques ont été érigés en raison de l’accès à une source d’énergie stable et renouvelable, l’hydroélectricité. Bien que l’énergie du Québec soit peu carbonée, notre dépendance croissante au numérique compromet la durabilité du modèle actuel et met en relief le rôle de l’industrie infonuagique pour réduire son impact environnemental.
À l’heure actuelle, cette industrie est responsable d’environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales, ce qui équivaut à la quantité totale émise par le secteur du transport aérien. Et en raison de la demande grandissante, si aucune mesure n’est mise en place, ce chiffre dépassera les 10 % d’ici quelques années. Germain Masse, spécialiste infrastructures durables chez OVHcloud, nous donne son éclairage sur les stratégies mises en place par l’infonuagique pour inverser la tendance.
Optimiser la consommation à la source
Contre-intuitif au premier abord, Germain Masse fait le constat que l’infonuagique est la première réponse pour maîtriser l’impact environnemental du numérique. « Le principe du cloud, c’est de mutualiser des infrastructures informatiques accessibles virtuellement depuis un centre de données qui a été optimisé pour gérer une densité de plusieurs dizaines de milliers de serveurs. Les gains d’efficacité d’un centre de données sur le plan énergétique sont nettement supérieurs à un modèle d’hébergement local. »
Les centres de données sont souvent pointés du doigt, mais l’impact énergétique global du numérique provient à plus de 60 % de la phase de fabrication des périphériques, comme les téléphones ou les ordinateurs. Il est donc nécessaire de lutter contre les effets de mode, selon Germain Masse. « De la même façon qu’on ne doit pas changer de téléphone tous les ans, la plupart des entreprises n’ont pas besoin d’avoir le dernier processeur sur le marché. Il est essentiel de se poser les bonnes questions au moment de la conception de son infrastructure pour qu’elle corresponde à ses vrais besoins. »
Il conseille donc d’optimiser l’utilisation des ressources déjà en place et d’en rallonger la durée de vie. « Quand une entreprise choisit un service infonuagique, elle considère généralement deux facteurs : la performance et la disponibilité. » Ces deux paramètres, dit-il, sont très importants, car pour rendre le système plus rapide ou résilient, il faut augmenter la quantité de serveurs. « Si on utilise plus d’équipement informatique pour fournir le même service, on émet plus de GES non seulement dans la phase de fabrication, mais également dans la phase de consommation. On doit donc revenir à une question simple : en avons-nous vraiment besoin? »
Dans bien des cas, il est possible d’optimiser l’utilisation des infrastructures existantes plutôt que d’en rajouter, soutient Germain Masse. Et bien entendu, si on réduit la quantité de ressources utilisées, on diminue également les coûts.
L’importance de la localisation
L’emplacement des centres de données est également un élément clé pour lutter contre les changements climatiques. La production d’électricité n’a pas le même impact environnemental partout dans le monde. Elle peut être jusqu’à 20 fois plus polluante à un endroit qu’à un autre. Il est donc primordial de se demander où sont stockées nos données.
Une partie des infrastructures doit être proche des utilisateurs pour qu’ils aient rapidement accès à leurs données, poursuit Germain Masse. Toutefois, il y a des usages qui ne nécessitent pas nécessairement de réponses en temps réel. Les infrastructures pourraient donc être localisées dans les environnements les plus favorables d’un point de vue écologique, comme au Québec. « Par exemple, l’entraînement des réseaux neuronaux, qui sont à la base de l’intelligence artificielle, requiert énormément de ressources et pourrait être fait dans des pays où le mix énergétique est peu carboné. »
Avoir accès à l’information
Pour le moment, il n’existe pas de norme qui impose aux fournisseurs d’équipement informatique de communiquer leurs émissions de GES générées par la fabrication de leurs équipements. « Les chiffres qu’ils donnent sont très parcellaires, ajoute Germain Masse. On ne peut pas demander aux utilisateurs de réduire leur empreinte écologique si on ne peut la mesurer. Il importe donc qu’il y ait plus de transparence afin que les consommateurs puissent faire des choix éclairés. »
En bref, comme l’explique Germain Masse, il faut rapidement mettre en place des mesures pour que l’industrie du numérique ne devienne pas un facteur aggravant dans la lutte aux changements climatiques. « Tout l’écosystème doit se responsabiliser afin qu’on puisse développer un avenir numérique durable. »
Germain Masse sera au Salon Connexion Les Affaires le 17 mai, où il donnera une conférence sur le numérique durable.
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