Le mot peut faire peur. Pourtant, les intentions des chercheurs en biométrie sont nobles : mieux comprendre les consommateurs. La biométrie, une branche des neurosciences, connaît un essor intéressant depuis le début des années 2000. Parfois utilisée en combinaison avec l’oculométrie (eye tracking), elle mesure soit la conductivité de la peau, le rythme cardiaque, la respiration, ou, plus récemment, la variabilité cardiaque.
En mesurant des données physiologiques, la biométrie donne un accès direct aux émotions des individus. Et on connaît trop bien le rôle prépondérant des émotions dans nos prises de décisions.
Une discipline qui a ses détracteurs
Dans un article de 2017 du California Management Review, le professeur de marketing Ming Hsu de l’université Berkeley résumait ainsi les perceptions des neurosciences aux États-Unis. « Les neurosciences me disent soit ce que je sais déjà ou bien quelque chose de nouveau que je ne veux pas savoir. »
Une feuille de route intéressante
Pourtant, au fil des ans, la discipline a généré des constats intéressants à plusieurs reprises. Dans une étude réalisée en 2012, des chercheurs de l’université Emory à Atlanta ont mieux prédit le succès de chansons en se basant sur les mesures neurales plutôt que sur les déclarations des participants. Une autre étude de l’université Northwestern a réussi à prédire avec 20 % plus de précision le succès futur de films (en faisant visionner les bandes-annonces) avec les mesures neurales qu’avec les méthodes traditionnelles.
Le cœur a ses raisons
La clé, c’est de savoir quand utiliser les méthodes non traditionnelles. Or, lorsqu’il est question d’émotions, les êtres humains ont souvent du mal à donner l’heure juste. Lors d’une étude réalisée en 2018 faisant appel à la biométrie, nous avons trouvé, en mesurant la variabilité cardiaque des participants, que des hommes déclarant ne pas avoir été émus par une publicité (la campagne australienne « Man up » de 2016 portant sur le suicide) avaient au contraire réagi fortement.
L’approche HNL
HNL, ou « Heart Never Lies » est une approche biométrique qui mesure la variabilité cardiaque pour déduire l’intensité émotionnelle ressentie par des individus à un moment donné. C’est donc un système de mesure de l’émotion en temps réel. Bien que le détecteur de mensonges soit un lointain ancêtre de HNL, la comparaison s’arrête là. En effet, HNL serait plutôt un détecteur de vérité. Le rêve de tout publicitaire! Pour autant que l’on accepte d’être au cœur d’expérimentations qui peuvent tout aussi bien révéler des failles que des trouvailles de communication.
Les quatre étapes d’un projet HNL
1) Un projet HNL débute par le recrutement de huit à douze participants présentant des caractéristiques démographiques autant que possible similaires à celles de la clientèle cible.
2) Les séances individuelles peuvent se dérouler dans une salle de groupe de discussion, en entreprise ou en magasin. L’animateur débute par un processus de calibrage suivi d’une séance de visionnement de différents stimuli (publicités, vidéos, discours, bandes-annonces de films, etc.). Pendant la période de visionnement, les moindres soubresauts du cœur sont captés en temps réel par la technologie HNL.
3) Suite au visionnement, une discussion entre l’animateur et le participant permet d’obtenir les premières impressions de ce dernier, incluant la nature des émotions générées par les contenus.
4) Moins de vingt-quatre heures plus tard, les algorithmes de HNL dévoilent les résultats sous forme de courbes indiquant l’intensité émotive ressentie par les participants à tout moment du visionnement.
HNL comme outil d’aide à la décision
Jusqu’ici, l’approche HNL a surtout été utilisée en évaluation publicitaire, soit pour orienter une campagne ou pour mesurer son impact après coup. HNL peut aussi indiquer si une campagne publicitaire déjà diffusée par le passé possède un capital de sympathie suffisant pour espérer un second souffle. Enfin, elle peut être employée dans le cadre de tests utilisateurs, pour détecter les activités ou tâches qui génèrent du stress, permettant ainsi de mieux comprendre la perspective des internautes, en route vers un site web plus convivial. Enfin, toujours dans le contexte de l’évaluation publicitaire, HNL peut contribuer à :
1. Repérer des émotions que les participants sont incapables de décrire.
2. Privilégier la voix d’un artiste plutôt que celle d’un autre, parce qu’elle fait davantage vibrer l’audience.
3. Choisir la bonne musique, celle qui suscite le souvenir.
4. Trouver comment accrocher son public pour maintenir l’intérêt dans les contenus à visée informative.
5. Trouver les contextes, environnements ou images qui comptent le plus pour la cible (ex. : comment toucher les jeunes? Les personnes âgées? Les écolos? Les fumeurs de cannabis? etc.)
L’année 2020 ne sera peut-être pas une année LNH, mais elle pourrait très bien être une année HNL.
Par Vincent Bouchard, Vice-président chez SOM