Le contexte de pandémie a poussé l’incertitude des décideurs à un niveau inégalé en 2020. Pourtant, les règles à la base d’une bonne prise de décision demeurent les mêmes. Au nombre de trois, elles sont bien expliquées dans un article de Walter Frick, publié dans le Harvard Business Review en 2018.
Frick nous invite à prendre quelques pas de recul avant la prise de décision, histoire d’ouvrir notre esprit aux différentes possibilités qui s’offrent à nous, de prendre le temps de les documenter et d’évaluer les chances que chacune se produise. En bref, il propose de s’en remettre un peu moins à l’intuition et un peu plus à la raison.
Règle #1 : Soyez moins certain
Dans le contexte actuel de pandémie, cette règle devrait être assez facile à suivre. Le psychologue Daniel Kahneman, nobélisé en 2002, a déjà affirmé que l’excès de confiance constitue le premier biais qu’il éliminerait s’il avait une baguette magique. Une fois l’excès de confiance reconnu, vous aurez le champ libre pour examiner de manière méthodique la logique qui sous-tend vos décisions. Cet examen de conscience vous amènera à peser le pour et le contre, en route vers de meilleures décisions.
Règle #2 : Posez-vous la question « En général, que se passe-t-il quand on fait ça? »
Si vous considérez lancer une nouvelle entreprise, ça peut valoir la peine d’examiner au préalable le taux de succès d’une telle démarche. Selon une étude d’Industrie Canada, une proportion de 63 % survit au-delà de cinq ans. Ce n’est donc pas aussi risqué qu’on le laisse entendre, généralement, à moins d’être dans le secteur de l’hébergement ou de la restauration, où le taux de survie au-delà de cinq ans se chiffre à 55 %.
Si vous penchez pour une acquisition, vous pourriez vous questionner sur la proportion des situations où celle-ci permet à l’acquéreur d’augmenter la valeur de sa compagnie et d’atteindre ses objectifs fondamentaux. Selon une recension du Harvard Business Review, le taux de succès de ces acquisitions varie entre 10 % et 30 %. Intuitivement, vous imaginiez peut-être que d’acquérir une compagnie existante était moins risqué que d’en fonder une. En réalité, les acquisitions sont des opérations complexes nécessitant un examen rigoureux.
L’idée est d’analyser d’abord la situation sous un angle « externe », en débutant par des cas similaires au vôtre (un peu comme un « benchmark »), puis en considérant les aspects spécifiques de votre situation. L’exercice de documenter des événements ou situations similaires vous aidera à mieux prévoir comment les choses risquent de se passer pour vous.
Règle #3 : Intégrez les probabilités à votre prise de décision
Une bonne maîtrise des probabilités est cruciale pour vous permettre d’appliquer les deux premières règles avec succès. Considérez l’exemple qui suit.
Vous souhaitez lancer un nouveau produit. Toutefois, vous ne possédez pas de données fiables sur la demande et l’impact potentiel sur les ventes de vos autres produits (cannibalisation). Trois scénarios sont envisagés : une faible demande, une demande modérée et une demande élevée. Enfin, supposons une cannibalisation constante pour les fins de la démonstration.
En considérant la valeur espérée de chaque scénario (qui dépend des probabilités assignées à chacun), la valeur espérée nette du lancement sur une période d’un an est positive (90 000 $), ce qui devrait vous pousser à aller de l’avant. Notez qu’une valeur espérée nette négative ne veut pas nécessairement dire que le lancement doit être abandonné. Dans cette situation, la décision à privilégier dépend de l’appât du gain en comparaison avec votre aversion au risque.
Les étapes de la prise de décision
Les modèles présentant les différentes étapes de la prise de décision sont légion. En suivant les sept étapes suivantes, en principe, aucune de vos décisions ne sera laissée au hasard. Aux étapes 3 et 4, les sources de données et modèles d’analyse présentés dans ce dossier pourraient vous être utiles.
1. Anticiper, c’est-à-dire voir venir la décision.
2. Admettre que l’on ne connaît pas tout et prévoir un processus clair de prise de décision.
3. Réunir les données nécessaires à la décision.
4. Utiliser la méthode ou le modèle d’analyse qui s’applique le mieux au contexte.
5. Décider (ou reporter la décision si l’on ne se sent pas prêt).
6. Agir ou mettre la décision en application.
7. Évaluer la décision.
L’embarras du choix
À l’ère du big data et de l’intelligence artificielle, les données n’ont jamais été aussi abondantes. Cette réalité soulève plusieurs questions pour les décideurs. Quelles sources de données utiliser selon le contexte d’affaires, combien de données sont requises et où les trouver?
Aide-mémoire pour savoir quelles sources de données choisir
Justement parce que les données sont abondantes, un aide-mémoire pour s’y retrouver n’est pas un luxe. Reprenons donc les quatre sources de données présentées dans ce dossier pour voir dans quel contexte chacune peut être utilisée afin d’orienter des décisions d’affaires typiques.
Savoir quand s’arrêter
La statistique nous a habitués à un niveau de confiance de 95 %. Toutefois, on sait que plusieurs décisions d’affaires se prennent dans des contextes beaucoup plus incertains. La quantité de données requise repose donc largement sur le niveau d’incertitude associé à la décision. Un niveau d’incertitude élevé requiert peut-être plus de données. Un niveau d’incertitude plus faible peut nécessiter seulement quelques données complémentaires. Le principe de base demeure toujours le même : réduire l’incertitude à un niveau qui facilite la prise de décision.
Vers de meilleures décisions
Ce dossier s’est penché sur les diverses manières de décider en 2020. Il a offert un panorama des principales sources d’information et méthodes disponibles pour une meilleure prise de décision selon le contexte d’affaires.
L’utilisation judicieuse des données secondaires, de la biométrie, des sondages et des groupes de discussion, jumelée à un processus décisionnel structuré qui intègre les données pertinentes ainsi que les probabilités, constitue le coffre à outils idéal pour aider les gens d’affaires à mieux décider.
Vos décisions stratégiques ne donneront peut-être pas toujours les résultats escomptés, mais elles méritent un processus clair et structuré en amont. Ce processus doit inclure minimalement des données et une méthode d’analyse de l’information (modèle). Rappelez-vous : la vie d’une entreprise est la somme de ses choix. Qu’allez-vous décider aujourd’hui, et surtout, comment?
Par Vincent Bouchard, Vice-président chez SOM